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13/02/2018 | FRANCE | N°16MA04517

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 13 février 2018, 16MA04517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2014 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche l'a déplacé d'office, à titre disciplinaire, du lycée Alphonse Daudet de Tarascon au collège Ambrussun à Lunel à compter du 1er janvier 2015.

Par un jugement n° 1500480 du 7 octobre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête, enregistrée le 2 décembre 2016, M. F..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2014 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche l'a déplacé d'office, à titre disciplinaire, du lycée Alphonse Daudet de Tarascon au collège Ambrussun à Lunel à compter du 1er janvier 2015.

Par un jugement n° 1500480 du 7 octobre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2016, M. F..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 octobre 2016 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2014 du ministre de l'éducation nationale ;

3°) qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale de le réintégrer dans le poste de proviseur du lycée Daudet de Tarascon qu'il occupait avant sa suspension ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le signataire de la décision en litige est incompétent au regard des dispositions de l'article 67 de la loi du 11 janvier 1984 ;

- la sanction litigieuse est insuffisamment motivée en fait ;

- il n'a pas pu prendre connaissance de son dossier individuel en méconnaissance de l'article 19 alinéa 2 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- il n'a pas été mis à même de discuter, dans un délai suffisant, d'un témoignage à charge d'un agent, en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- le président de la commission administrative paritaire a méconnu le principe d'impartialité garanti par l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 ;

- l'audition inopinée de deux témoins à charge cités par l'administration pendant la commission administrative paritaire méconnaît les principes des droits de la défense et du principe "non bis in idem" ;

- le défaut de communication du procès-verbal de séance et de l'avis de la commission après cette séance méconnaît l'article 19 de la loi du 22 avril 1905 ;

- le conseil de discipline ne s'est pas prononcé dans le délai d'un mois à compter de sa saisine prévu par l'article 9 du décret du 25 octobre 1984 ;

- l'avis de la commission administrative paritaire, entaché d'irrégularité, ne peut fonder la décision en litige ;

- le délai de quatre mois prévu par l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 et l'article 23 du décret du 11 décembre 2001 pour prendre une décision après sa suspension de fonctions n'a pas été respecté ;

- il devra en conséquence être rétabli dans le poste qu'il occupait avant sa suspension ;

- la sanction disciplinaire est fondée sur des griefs dont la matérialité n'est pas établie ;

- la sanction du déplacement d'office est disproportionnée par rapport aux faits fautifs qui lui sont reprochés ;

- il est sanctionné deux fois pour la même faute dès lors que le déplacement d'office sur un poste de principal adjoint de collège entraîne la sanction disciplinaire déguisée de la rétrogradation de ses fonctions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2017, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté pour M. F...a été enregistré le 20 décembre 2017 et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- le décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. F... et celles de M. F....

1. Considérant que M. F... a été affecté, à compter du 1er septembre 2008, sur le poste de principal du collège Frédéric Bazille de Castelnau-le-Lez dans l'académie de Montpellier ; que, par arrêté du ministre de l'éducation nationale du 15 janvier 2010, dont l'effet a été prolongé par arrêté du 12 avril 2010, il a été suspendu de ses fonctions ; qu'il a été muté dans l'intérêt du service, par arrêté du 8 juin 2010, sur le poste de proviseur du lycée Alphonse Daudet à Tarascon dans l'académie d'Aix-Marseille ; que, par arrêté ministériel du 22 août 2014, il a été suspendu de ses fonctions pendant une durée de quatre mois ; qu'après avis, émis le 18 novembre 2014, de la commission administrative paritaire nationale compétente à l'égard des personnels de direction réunie en conseil de discipline, le ministre, par l'arrêté en litige du 23 décembre 2014, l'a déplacé d'office, à titre disciplinaire, au collège Ambrussun à Lunel à compter du 1er janvier 2015 ; que M. F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 23 décembre 2014 du ministre de l'éducation nationale ; que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande ;

Sur la légalité de la décision en litige du 23 décembre 2014 :

En ce qui concerne la légalité externe :

S'agissant de la compétence du signataire de la décision :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 67 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui l'exerce après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et dans les conditions prévues à l'article 19 du titre Ier du statut général.(...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par le requérant, que M. D... A..., sous directeur de la gestion des carrières des personnels d'encadrement (groupe III) au sein du service de l'encadrement à la direction générales des ressources humaines de l'administration centrale du ministère de l'éducation nationale, était compétent, en sa qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination, pour signer la sanction disciplinaire en litige ; que la circonstance que ce signataire ait été aussi le président du conseil de discipline qui a examiné son dossier le 18 novembre 2014 et qu'il a, en cette qualité, signé l'avis de ce conseil ne permet pas de regarder la décision en litige comme ayant été prise par M. A..., non en vertu de la délégation du ministre, mais en sa qualité de président de cette commission administrative paritaire ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir, pour ce motif, que la décision en litige a été prise par une autorité incompétente ;

S'agissant de la motivation de la décision en litige :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / - infligent une sanction (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. " ; que ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce la sanction de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe ;

4. Considérant que la sanction litigieuse du déplacement d'office énonce de manière précise les différents griefs reprochés au requérant, et notamment son mode de "management" autoritaire voire agressif envers plusieurs de ses collaborateurs et ses conséquences sur les dysfonctionnements constatés et les souffrances au travail engendrées pour le personnel concerné de l'établissement scolaire ; que la décision en litige expose ainsi les griefs retenus à l'encontre de M. F... de manière suffisamment circonstanciée pour le mettre à même d'appréhender les faits que l'autorité disciplinaire lui reproche ; que la décision attaquée est ainsi suffisamment motivée alors même qu'elle ne mentionne pas le nom des collaborateurs en cause ni la date précise des faits ; que, par suite, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision qu'il conteste serait insuffisamment motivée ;

S'agissant du délai d'engagement de la procédure disciplinaire :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit sans délai le conseil de discipline (...) Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si à l'expiration de ce délai aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions " ; que, si M. F... soutient que la sanction en litige ne pouvait être légalement prononcée postérieurement à l'expiration du délai de quatre mois de la suspension de ses fonctions, les dispositions précitées n'ont toutefois pour objet que de limiter les conséquences de la suspension, aucun texte n'enfermant dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire ; que le moyen doit ainsi être écarté ;

S'agissant du droit à communication de son dossier :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. " ; que la décision de mutation d'office, qui est prise en considération de la personne, doit être précédée de la formalité instituée par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 octobre 2014, M. E..., chargé de mission à la direction des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale a informé M. F..., d'une part de la possibilité de venir consulter dans ses locaux son dossier administratif et de faire une copie de ce dossier et, d'autre part, a envoyé à celui-ci une copie du rapport de saisine du conseil de discipline ; que M. F... ne conteste pas s'être rendu dans son service et avoir effectivement procédé à la consultation de son dossier sur place le 20 octobre 2014 ; que, si un témoignage supplémentaire daté du 10 novembre 2014 a été versé au dossier, M. E... en a adressé copie par courriel au requérant et à son conseil le 13 novembre 2014, mettant ainsi le requérant en mesure de discuter du contenu de chaque pièce de son dossier et d'organiser utilement, dans un délai suffisant, sa défense avant le conseil de discipline réuni le 18 novembre 2014 ; que la circonstance que le conseil du requérant aurait, selon lui, formulé le 24 octobre 2014 une nouvelle demande de consultation, dont il n'est pas établi en tout état de cause qu'elle aurait été reçue par l'administration, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 doit, par suite, être écarté ;

S'agissant de la régularité des débats lors du conseil de discipline :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 du décret du 25 octobre 1984 : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le Conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Le droit de citer des témoins appartient également à l'administration.(...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de ce décret : " S'il ne se juge pas suffisamment éclairé sur les circonstances dans lesquelles ces faits se sont produits, le conseil de discipline peut, à la majorité des membres présents, ordonner une enquête. " ; qu'aux termes de l'article 8 de ce décret : " Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. " ;

9. Considérant que la circonstance que le conseil de discipline a recueilli le témoignage supplémentaire d'un agent afin de mieux apprécier la réalité des griefs retenus contre M. F... n'est pas de nature à établir que le conseil de discipline, qui dispose, contrairement à ce que soutient le requérant, de la faculté d'instruire un dossier en application de l'article 7 du décret du 25 octobre 1984 s'il ne s'estime pas suffisamment éclairé, aurait manqué à son devoir d'impartialité pour ce motif ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le président de ce conseil aurait nourri une animosité personnelle à l'encontre du requérant ;

10. Considérant, en second lieu, que l'article 3 du décret du 25 octobre 1984 confère à l'administration le droit de citer des témoins, ainsi que le précisait d'ailleurs la lettre de convocation de M. F... devant le conseil de discipline ; que l'audition des deux témoins cités par l'administration pendant la séance de cette commission s'est faite en présence du requérant et de son conseil ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à l'administration d'informer le requérant préalablement à la réunion du conseil de discipline de la convocation de ces témoins et de faire droit à la demande du requérant d'écarter ces témoignages des débats ; qu'en contestant la teneur de ces deux témoignages, M. F... entend en réalité remettre en cause la matérialité des faits qui lui ont été reprochés ; qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a bénéficié de l'ensemble des droits afférents à la procédure disciplinaire, notamment celui de se défendre et, en particulier, de contester l'exactitude matérielle des faits qui lui étaient reprochés ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le défaut du caractère contradictoire de la procédure suivie lors du conseil de discipline entacherait cette procédure d'irrégularité ;

S'agissant du délai dont dispose le conseil de discipline pour se prononcer :

11. Considérant que l'article 9 du décret du 25 octobre 1984 dispose que le conseil de discipline doit se prononcer dans le délai d'un mois à compter du jour où il a été saisi par le rapport de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ; que, si M. F... soutient que le conseil de discipline s'est prononcé, en violation de l'article 9 du décret du 28 octobre 1984, au-delà de ce délai, ce dernier n'est pas prescrit à peine de nullité de la procédure ; que ce moyen doit être écarté ;

S'agissant du défaut de communication du procès-verbal de séance du conseil de discipline et de l'avis de cette commission :

12. Considérant qu'en l'absence de disposition législative ou réglementaire prévoyant cette communication, le moyen tiré de ce que ce défaut de communication au requérant serait de nature à entacher d'irrégularité la procédure doit être écarté ; que le requérant, qui a été mis à même de se défendre avant l'avis rendu par le conseil de discipline et qui conservait au surplus la possibilité de contester la sanction devant le conseil de discipline de recours, n'est pas fondé à soutenir que le principe des droits de la défense aurait été méconnu pour ce motif ;

En ce qui concerne la légalité interne :

13. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

14. Considérant que l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée dispose : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ;- le blâme. Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; l'abaissement d'échelon ;- l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ;- le déplacement d'office. Troisième groupe :- la rétrogradation ;- l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ;- la révocation. " ;

15. Considérant que, pour prononcer à l'encontre de M. F... la sanction du déplacement d'office par l'arrêté en litige du 23 décembre 2014, le ministre de l'éducation nationale s'est fondé sur les motifs tirés, d'une part, de ce que, dans ses précédentes fonctions de principal du collège Frédéric Bazille de Castelnau-Le-Lez, ses méthodes d'encadrement avaient présenté des défaillances qui avaient entraîné d'importants dysfonctionnements dans l'établissement et que, d'autre part, dans ses fonctions de proviseur au lycée Alphonse Daudet de Tarascon, il avait fait preuve d'un " management " inapproprié, en usant d'autoritarisme, voire d'agressivité à l'égard de plusieurs de ses collaborateurs, que cette attitude avait mis les agents concernés en situation de difficulté et engendré une souffrance au travail et que ce comportement professionnel était de nature à porter atteinte aux valeurs du service public de l'éducation et à l'image du corps des personnels de direction ;

16. Considérant, en premier lieu, que la suspension de fonctions dont a fait l'objet M. F... le 22 août 2014 constitue une mesure conservatoire prise à titre provisoire dans l'intérêt du service et non une sanction disciplinaire comme il le prétend ; que les faits qui lui sont reprochés en tant que principal de ce collège n'ont entraîné aucune sanction autre que celle en litige ; que l'autorité disciplinaire peut se fonder pour prendre une sanction disciplinaire sur des manquements reprochés à l'agent sur une période s'étalant sur deux postes successivement occupés par le fonctionnaire ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la sanction en litige méconnaîtrait le principe "non bis in idem" au motif qu'il aurait été condamné deux fois pour les mêmes faits commis au collège de Castelnau-Le-Lez ;

17. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort du rapport d'inspection générale établi en décembre 2010 que, dès octobre 2008, soit peu de temps après sa prise de fonction en qualité de principal du collège Frédéric Bazille de Castelnau-Le-Lez à la rentrée scolaire 2008, que les relations entre M. F... et le gestionnaire comptable sont devenues conflictuelles et que le requérant a recherché tout prétexte pour mettre son collaborateur en difficulté dans l'exercice de ses fonctions ; qu'il a été relevé, lors de cette inspection générale, que le requérant a rencontré de graves difficultés relationnelles avec de nombreux enseignants de l'établissement scolaire, qui ont d'ailleurs sollicité une médiation de l'inspecteur d'académie de l'Hérault, qu'il se complaisait dans les situations de conflit et qu'il était incapable de se remettre en cause ; que les autorités académiques ont alors demandé au requérant de participer au mouvement de mutation pour la rentrée ; que, pendant sa période de suspension de ses fonctions à compter du 15 janvier 2010, il a entrepris des démarches répétées auprès du personnel de l'établissement pour qu'il témoigne en sa faveur dans le cadre de ce litige et a fait pression sur certains agents pour qu'ils agissent en ce sens ; que le requérant a alors été affecté en qualité de proviseur au lycée Alphonse Daudet à Tarascon, ce qui ne peut être regardé comme une promotion contrairement à ce que soutient le requérant, dès lors que les deux établissements appartiennent à la même catégorie ; que l'intendante, le proviseur-adjoint, et les trois conseillers principaux d'éducation en poste au lycée Alphonse Daudet à Tarascon ont alerté dès janvier 2014 le recteur de l'académie d'Aix-Marseille sur la dégradation de leurs conditions de travail compte tenu des méthodes de management mises en place par le nouveau proviseur ; qu'il ressort de ces témoignages circonstanciés et concordants que le requérant a fait preuve à différentes reprises avec ces collaborateurs directs d'agressivité, d'autoritarisme, d'intimidations, de menaces et de propos humiliants lors de l'accomplissement quotidien de leurs fonctions ; que, d'ailleurs, la conseillère principale d'éducation a déposé une plainte auprès du procureur de la République pour harcèlement moral dans son cadre professionnel près du tribunal de grande instance de Tarascon ; que ces pratiques inappropriées ont créé un climat délétère en causant aux collaborateurs directs du requérant une souffrance au travail nécessitant, à la suite de multiples arrêts de travail pour dépression, des changements d'affectation sur demande ou avec leur accord, et pour l'un d'entre eux, en cours d'année scolaire; que les attestations favorables produites par le requérant établies majoritairement par des enseignants ne contredisent pas les faits qui lui sont reprochés ; que, par ailleurs, la commission administrative paritaire réunie le 18 novembre 2014 s'est prononcée à l'unanimité en faveur du déplacement d'office ; que, par suite, et alors même que la manière de servir du requérant aurait été estimée satisfaisante par sa hiérarchie au début de sa carrière, l'autorité disciplinaire ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts et a pu à bon droit estimer que les faits reprochés au requérant constituaient une faute de nature à justifier une sanction ;

18. Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à la gravité des faits reprochés, à leur répétition, à la méconnaissance qu'ils traduisent des responsabilités afférentes à sa qualité de supérieur hiérarchique et aux conséquences qu'ils ont eu pour le personnel de l'établissement scolaire ainsi qu'à l'absence totale de remise en cause de son mode de direction par le requérant, le ministre de l'éducation nationale n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de prendre à l'encontre de M. F... la sanction du deuxième groupe du déplacement d'office ;

19. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 11 décembre 2001 dans sa rédaction applicable : " Les personnels de direction participent à l'encadrement du système éducatif et aux actions d'éducation. A ce titre, ils occupent principalement, en qualité de chef d'établissement ou de chef d'établissement adjoint, des emplois de direction des établissements mentionnés à l'article L. 421-1 de ce code, dans les conditions prévues aux articles L. 421-3, L. 421-5, L. 421-8, L. 421-23 et L. 421-25 du même code (...) " ;

20. Considérant que M. F... ne disposait d'aucun droit acquis au maintien sur son précédent poste ; que sa nouvelle affectation est au nombre de celles qu'il peut, conformément à l'article 2 du décret du 11 décembre 2001, recevoir en vertu de son statut et de son grade, dès lors qu'un personnel de direction peut occuper indistinctement un emploi de proviseur ou de principal adjoint d'un établissement scolaire, collège ou lycée ; que l'affectation du requérant sur l'emploi de principal adjoint du collège Ambrussun de Lunel n'est que la simple mesure d'exécution de la sanction disciplinaire de déplacement d'office, qui impliquait, eu égard à la tension générale qui régnait dans son précédent poste du fait du comportement de l'intéressé, que M. F... soit éloigné du lycée Alphonse Daudet à Tarascon ; que la circonstance que cette nouvelle affectation, en qualité d'adjoint dans un collège situé en réseau d'éducation prioritaire, entraînerait une perte de ses prérogatives et de responsabilité ainsi qu'une baisse de rémunération ne peut être regardée comme constituant la sanction disciplinaire du troisième groupe de la rétrogradation ; que, par suite, l'affectation de M. F... ne constitue pas une sanction disciplinaire déguisée et ne méconnaît pas le principe "non bis in idem" ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 décembre 2014 du ministre de l'éducation nationale ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de le rétablir dans le poste qu'il occupait avant sa suspension et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F...et au ministre de l'éducation nationale.

Copie pour information en sera adressée au recteur de l'académie d'Aix-Marseille.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 février 2018.

2

N° 16MA04517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04517
Date de la décision : 13/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : LEC

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-02-13;16ma04517 ?
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