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25/06/2018 | FRANCE | N°17MA00513

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 25 juin 2018, 17MA00513


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement foncier agricole (GFA) du Mas Serre et M. D... C...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du préfet des Pyrénées-Orientales, du 16 janvier 2015 déclarant d'utilité publique les travaux relatifs à la réalisation d'une piste de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) sur le territoire de la commune de Montesquieu-des-Albères et déclarant cessibles les parcelles nécessaires à la réalisation du projet.

Par un jugement n° 1501579 du 6 dé

cembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement foncier agricole (GFA) du Mas Serre et M. D... C...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du préfet des Pyrénées-Orientales, du 16 janvier 2015 déclarant d'utilité publique les travaux relatifs à la réalisation d'une piste de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) sur le territoire de la commune de Montesquieu-des-Albères et déclarant cessibles les parcelles nécessaires à la réalisation du projet.

Par un jugement n° 1501579 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 6 février 2017, 11 mai 2017 et 17 avril 2018, sous le n° 17MA00513, le GFA du Mas Serre et M. C..., représentés par la Scp Monod, Colin, Stoclet demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 décembre 2016 ;

2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux du 16 janvier 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Montesquieu-des-Albères la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- le jugement attaqué n'est pas signé en violation de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est insuffisamment motivé ;

1/ En ce qui concerne l'arrêté portant déclaration d'utilité publique :

- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que la déclaration d'utilité publique avait pu être adoptée en l'absence de délibération du conseil municipal de Montesquieu-des-Albères ;

- il a estimé à tort que le registre d'enquête ne comportait aucune observation et qu'aucune observation écrite n'avait été reçue ;

- le dossier de l'enquête ne répond pas aux exigences de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- il viole les dispositions de l'article R. 11-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le projet en litige présente un bilan négatif ;

2/ En ce qui concerne l'arrêté déclarant cessible les parcelles nécessaire à l'opération :

- il est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté en tant qu'il porte déclaration d'utilité publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable ;

- les moyens soulevés par le GFA du Mas Serre et M. C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2017, la commune de Montesquieu-des-Albères conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du GFA du Mas Serre et de M. C... la somme de 2 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable ;

- les moyens soulevés par le GFA du Mas Serre et M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me A... substituant Me E... pour la commune de Montesquieu-des-Albères.

Considérant ce qui suit :

1. Le GFA du Mas Serre et M. C... relèvent appel du jugement du 6 décembre 2016 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet des Pyrénées-Orientales, du 16 janvier 2015 déclarant respectivement d'utilité publique les travaux relatifs à la réalisation d'une piste de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) sur le territoire de la commune de Montesquieu-des-Albères et cessibles les parcelles nécessaires à la réalisation du projet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué a été signée conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, ce moyen doit être écarté.

4. En vertu de l'article L. 9 du code de justice administrative, les jugements sont motivés.

5. En se bornant à soutenir que le tribunal administratif de Montpellier n'a pas suffisamment motivé sa décision au regard de leur argumentation circonstanciée, les requérants n'assortissent pas leur moyen de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté du 16 janvier 2015 déclarant d'utilité publique le projet :

6. Le GFA du Mas Serre et M. C... reprennent en appel le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance tiré de ce que la déclaration d'utilité publique n'a pu être adoptée en l'absence de délibération du conseil municipal de Montesquieu-des-Albères. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Montpellier.

7. Le moyen tiré de ce que le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en relevant qu'aucune observation n'avait été consignée sur le registre d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique contestée et qu'aucune observation écrite n'avait été reçue pendant l'enquête pour y être annexée, n'est pas assorti de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur a analysé les observations du public dont celles de M. C... et estimé que sa proposition de prolonger la route qui s'arrête en limite des parcelles 1430 et 1242 devait être prise en considération. Ce moyen doit dès lors être écarté.

8. Aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique en vigueur alors : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : / I. - Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; (... ) ".

9. Si le GFA du Mas Serre et M. C... reprochent au dossier de l'enquête de ne pas les avoir mis en mesure de connaître précisément la nature et la localisation des travaux prévus, le ministre de l'intérieur verse au débat un document intitulé " Annexe 6 : Plan général des travaux et estimation des coûts " portant la mention " Piste DFCI - Dossier d'enquête préalable à la DUP ". En outre, la commune de Montesquieu-des-Albères établit, en produisant le descriptif des ouvrages prévus et leur coût, signé du commissaire enquêteur qu'il figurait bien au dossier de l'enquête publique. La circonstance que le rapport du commissaire enquêteur y fasse référence sous l'appellation " annexe complémentaire suite aux questions posées par la préfecture " n'est pas de nature à établir que le plan général des travaux ne figurait pas au dossier de l'enquête publique. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit dès lors être écarté.

10. Aux termes de l'article R. 11-13 du même code dans sa version applicable à la date de l'enquête publique : " (...) / Si les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête sont défavorables à l'adoption du projet, le conseil municipal est appelé à émettre son avis par une délibération motivée dont le procès-verbal est joint au dossier transmis au sous-préfet ; celui-ci transmet ensuite l'ensemble des pièces au préfet, avec son avis. Faute de délibération dans un délai de trois mois à compter de la transmission du dossier au maire, le conseil municipal est regardé comme ayant renoncé à l'opération. ".

11. Il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement de ses conclusions motivées que le commissaire enquêteur chargé de l'enquête d'utilité publique a émis un avis favorable à l'opération envisagée. En exprimant le souhait dans l'analyse des observations du public que la proposition de M. C... de prolonger la route qui s'arrête en limite des parcelles 1430 et 1242 doive être prise en considération, ainsi que le déplacement des compteurs d'eau et d'électricité du requérant et de Mme B..., le commissaire enquêteur a formulé des voeux qui ne sauraient être assimilés ni à des réserves ni à des conditions auxquelles aurait été subordonné le caractère favorable de l'avis émis. Ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que faute d'un avis favorable du commissaire enquêteur, le conseil municipal de Montesquieu-des-Albères aurait du, en application des dispositions de l'article R. 11-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, être appelé à émettre son avis par une délibération motivée.

12. Il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

13. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'utilité publique contestée a pour objet la réalisation d'une piste de défense des forêts contre l'incendie (DFCI) visant à désenclaver le quartier Della la Font situé sur le territoire de la commune de Montesquieu-des-Albères. Cette piste est prescrite par le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendie de forêt (PPRIF) de la commune, approuvé par arrêté préfectoral du 17 octobre 2007 dont l'article 2 précise qu'il vaut servitude d'utilité publique. Ce plan prévoit des dispositions spécifiques concernant le lotissement de Della la Font en vue d'assurer des liaisons entre les voies desservant ce lotissement, dans sa partie nord, afin d'éliminer les accès se trouvant en cul de sac. En effet, il ressort du rapport du commissaire enquêteur que cet espace est enclavé dans un secteur fortement boisé le plus souvent en résineux où les risques d'incendie sont importants, plus particulièrement lorsque la Tramontane souffle. La piste de DFCI d'une longueur de 2,5 km pour une largeur de 3 m qui relie le chemin du " Correc Serve " à l'impasse de " la Chênaie " en passant par la traversée du " Correct curt " et débouche sur la RD 61 permettra, dès lors, l'évacuation des personnes et facilitera l'accès aux services de secours. Ainsi, ce projet revêt nécessairement un caractère d'intérêt général qui n'est pas contesté par les requérants.

14. Le GFA du Mas Serre et M. C... ne contestent pas valablement la nécessité des expropriations envisagées pour ce projet en soutenant sans l'établir que le tracé retenu n'est pas de nature à désenclaver le quartier de Della la Font en cas d'incendie dès lors qu'aucune zone habitée ne se situe près de la zone à créer et qu'elles n'y ont pas d'accès direct. Sur ce point et contrairement aux allégations des appelants, le commissaire enquêteur a relevé l'urbanisation particulière du secteur concerné, composée de nombreux habitats isolés posant des problèmes de sécurité. Il a également précisé que la création de la piste de DFCI qui longe ces habitations était indispensable quant à la protection des personnes et des biens. Par ailleurs, les requérants ne démontrent pas davantage que dans l'hypothèse d'un incendie sous vent dominant d'Espagne ou de Tramontane, il serait impossible pour les habitants du quartier de Della la Font de rejoindre la piste qui, en outre, présenterait un risque pour les véhicules qui s'y engageraient. Si le GFA du Mas Serre et M. C... se prévalent de leur proposition de prolongement de la route qui s'arrête en limite des parcelles cadastrées n° 1430 et 1242, il n'appartient pas à la juridiction administrative d'apprécier l'opportunité du choix du tracé de la piste en litige.

15. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 12 et 14, les avantages du projet constitués, notamment, par la protection des personnes et des biens en cas de risque d'incendie sont supérieurs à ses inconvénients. En particulier, s'il est soutenu que cette opération portera atteinte à la propriété des requérants et à l'exploitation agricole de leurs parcelles, cet inconvénient n'est pas de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique.

En ce qui concerne l'arrêté du 16 janvier 2015 portant cessibilité des parcelles nécessaires au projet :

16. Pour les motifs indiqués aux points 6 à 15, le GFA du Mas Serre et M. C... ne sont pas fondés à invoquer par voie d'exception, contre l'arrêté contesté, l'illégalité de l'arrêté du 16 janvier 2015 déclarant d'utilité publique le projet en litige.

17. Il résulte de tout ce qui précède sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les fins de non recevoir opposées par le ministre de l'intérieur que le GFA du Mas Serre et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 16 janvier 2015.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la commune de Montesquieu-des-Albères, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, versent au GFA du Mas Serre et M. C... quelque somme que ce soit au titre des frais que ceux-ci ont exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du GFA du Mas Serre et de M. C... la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par la commune de Montesquieu-des-Albères et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du GFA du Mas Serre et de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le GFA du Mas Serre et M. C... verseront à la commune de Montesquieu-des-Albères une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement foncier agricole du Mas Serre, à M. D... C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à la commune de Montesquieu-des-Albères.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juin 2018.

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N° 17MA00513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00513
Date de la décision : 25/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Expropriation pour cause d'utilité publique - Notions générales - Notion d'utilité publique.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles générales de la procédure normale - Enquêtes - Enquête préalable - Dossier d'enquête.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles générales de la procédure normale - Arrêté de cessibilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS MONOD - COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-06-25;17ma00513 ?
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