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28/09/2018 | FRANCE | N°17MA01215

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 28 septembre 2018, 17MA01215


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A...D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 8 octobre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la treizième section des Bouches-du-Rhône a autorisé son licenciement, la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social née le 15 avril 2015 de rejet de son recours hiérarchique ainsi que la décision de cette même autorité du 3 juin 2015 confirmant explicitement le rejet de ce recours.

Par

un jugement n° 1504567, 1505450 du 17 janvier 2017, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A...D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 8 octobre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la treizième section des Bouches-du-Rhône a autorisé son licenciement, la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social née le 15 avril 2015 de rejet de son recours hiérarchique ainsi que la décision de cette même autorité du 3 juin 2015 confirmant explicitement le rejet de ce recours.

Par un jugement n° 1504567, 1505450 du 17 janvier 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2017, sous le n° 17MA01215, M. A... D..., représenté par la SCP Sanguinetti-Ferraro-Clerc, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 janvier 2017 ;

2°) d'annuler la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de rejet de son recours hiérarchique, la décision explicite du 3 juin 2015 de cette même autorité ainsi que celle du 8 octobre 2014 de l'inspectrice du travail ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Net Associés la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas examiné les moyens tirés de la portée de la décision du 3 juin 2015 et de l'incompétence du signataire de cette décision ;

- la décision de l'inspectrice du travail est insuffisamment motivée ;

- la société Net Associés a violé les dispositions de l'article L. 1226-12 du code du travail concernant l'obligation préalable d'information du salarié de l'impossibilité de son reclassement ;

- elle a méconnu les dispositions de l'article L. 1226-10 du code de travail en l'absence de consultation du délégué du personnel ;

- l'inspectrice du travail n'a pas pris en compte les conclusions du médecin du travail quant à son inaptitude en violation de l'article L. 1226-10 du code du travail ;

- la proposition de reclassement n'est ni sérieuse ni suffisante ;

- elle n'est pas pertinente et conforme aux préconisations du médecin du travail ;

- la société Net Associés n'établit pas la réalité et le sérieux de sa recherche de reclassement ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation sur l'étendue de l'obligation de reclassement dès lors que le gérant de la société Net Associés est le gérant de neuf autres entités.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2017, la société Net Associés conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. A... D...la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... D...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me C... substituant Me B..., représentant la société Net Associés.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 8 octobre 2014, l'inspectrice du travail de la treizième section des Bouches-du-Rhône a autorisé la société Net Associés à licencier M. A... D..., exerçant les fonctions d'agent de service et titulaire d'un mandat de délégué du personnel suppléant depuis le 28 février 2011. Par décision du 3 juin 2015, le ministre du travail, saisi par M. A... D... d'un recours hiérarchique reçu le 15 décembre 2014, a confirmé la décision implicite de rejet née le 16 avril 2015 du silence initialement gardé sur ce recours. Par jugement du 17 janvier 2017, le tribunal administratif de Marseille, saisi, sous les n° 1504567, 1505450 de deux demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 8 octobre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement et de la décision du rejet implicite du recours hiérarchique de M. A... D...et, d'autre part, de la décision de rejet explicite de ce recours, après avoir joint ces demandes, les a rejetées. M. A... D...relève appel de ce jugement.

Sur l'exception de non-lieu opposée par la société Net Associés en première instance aux conclusions dirigées contre la décision du 8 octobre 2014 de l'inspectrice du travail et la décision implicite de rejet par le ministre du travail du recours hiérarchique :

2. Lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur la demande d'autorisation de licenciement formée par l'employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspecteur. Par ailleurs, lorsque le silence gardé par l'administration sur une demande dont elle a été saisie fait naître une décision implicite de rejet, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement se substitue à la première décision. Dans ce cas, des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... D...a formé, contre la décision de l'inspectrice du travail du 8 octobre 2014 un recours hiérarchique notifié le 15 décembre 2014 au ministre du travail. Ce dernier a rejeté cette demande par une décision implicite née le 15 avril 2015. Le requérant a sollicité l'annulation de ces deux décisions dans le délai de recours de deux mois devant le tribunal administratif de Marseille par une première demande enregistrée sous le n° 1504567 le 15 juin 2015. Par une décision explicite du 3 juin 2015, le ministre du travail a confirmé sa décision implicite de rejet. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que les conclusions de la demande dirigées contre la décision implicite du ministre du travail née le 15 avril 2015 devaient être regardées comme uniquement dirigées contre la décision expresse du 3 juin 2015. En tout état de cause, la décision explicite a été contestée devant le tribunal le 17 juillet 2015, dans le délai de recours contentieux. L'exception de non-lieu à statuer opposée par la société Net Associés doit dés lors être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa version applicable à la date des décisions contestées : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. ".

5. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par son dernier avis du 24 avril 2014, le médecin du travail a estimé que M. A... D..., employé en qualité d'agent de service et titulaire d'un mandat de délégué du personnel suppléant était " inapte définitif à tous postes dans l'entreprise (sauf poste de télétravail à son domicile) ". La décision du 8 octobre 2014 de l'inspectrice du travail fait par ailleurs état de la lettre du 13 août 2014 de la société Net Associés demandant des précisions sur son avis au médecin du travail. Celui-ci a répondu notamment que " les séquelles irréversibles, confirmées par spécialiste, ne me permettent pas de trouver un quelconque emploi au sein de votre entreprise quel que soit l'emploi existant à créer et ce n'est qu'en désespoir de cause que j'ai proposé ce télétravail à domicile afin d'éviter un autre accident de travail ". Par courrier du 2 juin 2014, la société Net Associés a proposé de reclasser le requérant sur un poste de chef d'équipe, 35 heures par semaine, comprenant la surveillance des chantiers et des employés, ainsi que des déplacements. M. A... D...a refusé cette proposition le 13 juin 2014, celle-ci ne prenant pas en compte les préconisations du médecin du travail. La société Net Associés, qui se borne à affirmer qu'un poste de télétravail était impossible à mettre en oeuvre compte tenu des qualifications du salarié et de la nature des tâches auxquelles il était affecté, ne justifie en conséquence pas avoir procédé à des recherches sérieuses de reclassement de M. A... D...soit en son sein soit par transformation de son poste de travail. Dès lors, en autorisant le licenciement du requérant, l'inspectrice du travail a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 1226-10 du code du travail.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 octobre 2014 de l'inspectrice du travail. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler également la décision du ministre chargé du travail du 3 juin 2015.

Sur les frais liés au litige :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Net Associés demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Net Associés la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par M. A... D...et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 janvier 2017, la décision du 8 octobre 2014 de l'inspectrice du travail et la décision du 3 juin 2015 du ministre du travail sont annulés.

Article 2 : L'Etat et la société Net Associés verseront à M. A... D...une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A...D..., à la société Net Associés et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 septembre 2018.

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N° 17MA01215

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01215
Date de la décision : 28/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP SANGUINETTI - FERRARO - CLERC

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-09-28;17ma01215 ?
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