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21/12/2018 | FRANCE | N°17MA04774

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 21 décembre 2018, 17MA04774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 20 juin 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1702738 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2017, MmeB..., représentée par Me Ciccolini, demande à la Cour :

1°) d'annu

ler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 9 novembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 20 juin 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1702738 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2017, MmeB..., représentée par Me Ciccolini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 9 novembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 20 juin 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lopa Dufrénot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 décembre 2014, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé d'admettre MmeB..., ressortissante marocaine, au séjour. Par jugement du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté au motif qu'eu égard à la durée de résidence de l'intéressée, sa situation devait être soumise à la commission du titre de séjour. A la suite de l'avis défavorable de la commission consultée, le préfet a, par arrêté du 20 juin 2017, opposé à Mme B...un refus de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par le jugement dont Mme B...relève appel, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il est constant que Mme B...réside de manière continue en France où vit également son frère de nationalité française, depuis 2003. Il ressort des nombreuses pièces du dossier, en particulier des attestations des emplois exercés, des relevés bancaires corroborant le versement des salaires, des avis d'imposition sur les revenus, des quittances de loyer et des prescriptions médicales que, eu égard à la durée et la permanence de l'exercice d'activités salariées, depuis plus de dix ans, elle a développé sur le territoire national des relations personnelles et professionnelles denses. Eu égard à l'intensité, l'ancienneté et la stabilité des liens personnels tissés en France, l'intéressée, alors même qu'elle est célibataire et sans charge de famille, justifie d'une forte intégration dans la société française. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Par suite, le refus ainsi opposé à sa demande de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Mme B...est donc fondée à en demander l'annulation, et par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 20 juin 2017 portant refus de titre de séjour et obligation à quitter le territoire français. En conséquence, il y a lieu d'annuler ce jugement et l'arrêté du 20 juin 2017.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

6. Eu égard à son motif, et dès lors qu'il n'est fait état d'aucun changement dans les circonstances de droit et de fait concernant la situation de l'intéressée, l'annulation, par le présent arrêt, des décisions du préfet des Alpes-Maritimes du 20 juin 2017 implique que celui-ci délivre à la requérante le titre de séjour sollicité. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par la requérante.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ciccolini, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ciccolini de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 9 novembre 2017 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 20 juin 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Me Ciccolini une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Ciccolini renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au ministre de l'intérieur, au préfet des Alpes-Maritimes et à Me Ciccolini.

Copie en sera adressée pour information au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- MmeC..., première conseillère,

- Mme Lopa Dufrénot, première conseillère.

Lu en audience publique, le 21 décembre 2018.

5

N° 17MA04774


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04774
Date de la décision : 21/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CABINET CICCOLINI AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-21;17ma04774 ?
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