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21/01/2019 | FRANCE | N°17MA03563

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 21 janvier 2019, 17MA03563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, d'annuler l'avis des sommes à payer émis le 8 octobre 2015 à son encontre, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure judiciaire et, à titre subsidiaire, que lui soit accordé des délais de paiement.

Par un jugement n° 1506158 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregist

rés les 9 août 2017 et 9 novembre 2018, M. C... D..., représenté par Me E...de la SCP Vial, Pec...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, d'annuler l'avis des sommes à payer émis le 8 octobre 2015 à son encontre, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure judiciaire et, à titre subsidiaire, que lui soit accordé des délais de paiement.

Par un jugement n° 1506158 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 août 2017 et 9 novembre 2018, M. C... D..., représenté par Me E...de la SCP Vial, Pech de Laclause, Escale etE..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1506158 du tribunal administratif de Montpellier du 29 juin 2017 ;

2°) d'annuler l'avis de sommes à payer émis le 8 octobre 2015 à son encontre, pour un montant de 208 080,40 euros ;

3°) de le décharger de l'obligation de payer ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'auteur du titre exécutoire est incompétent ;

- pour recouvrer la créance, le conseil municipal, qui ne pouvait mandater le maire, aurait dû voter une délibération en ce sens ;

- le maire ne pouvait procéder à la démolition de l'immeuble, même qualifiée de déconstruction, sous couvert de la procédure de péril qu'il a choisi de mener ;

- même en agissant sur le fondement des mesures de police, la commune de Perpignan ne pouvait procéder à la démolition de l'immeuble ;

- les préconisations du Bureau d'études techniques n'ont pas été produites aux débats, ce qui laisse penser que la démolition n'était pas envisagée ;

- les factures relatives aux nacelles ne sont pas justifiées ;

- les frais d'enduit mural ne sont pas justifiés ;

- les étais, qui ont été placés antérieurement à l'édiction de l'arrêté, ne peuvent être considérés comme des travaux d'offices.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2017, la commune de Perpignan, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. D... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pecchioli,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant M.D..., et de MeF..., substituant MeA..., représentant la commune de Perpignan.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de l'effondrement de l'immeuble situé 5 rue des Farines à Perpignan le 13 janvier 2014, qui a fragilisé les immeubles voisins, dont celui situé 8 rue des Quinze Degrés, cadastrés AD 150, appartenant à M.D... et du rapport d'expertise judiciaire qui a conclu à l'existence d'une situation de péril grave et imminent, le maire de Perpignan a, pris un arrêté le 31 janvier 2014, prescrivant à M. D...des mesures destinées à mettre fin au péril imminent. En l'absence de réalisation des travaux par l'intéressé, la commune de Perpignan a procédé aux travaux d'office préconisés. Par suite, le 8 octobre 2015, la commune de Perpignan a émis à l'encontre de M. D...un titre exécutoire d'un montant de 208 006,80 euros correspondant à des frais relatifs aux travaux exécutés d'office dans le cadre de la procédure de péril imminent. Par jugement n°1506158 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. D...dirigée contre ce titre exécutoire. M. D...relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si les dispositions de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales prévoient que " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ", ces dispositions ne confèrent pas à cet organe compétence pour constater l'existence, la quotité et l'exigibilité d'une créance d'une commune et de décider d'en poursuivre le recouvrement. Les dispositions de l'article R. 2342-4 du code général des collectivités territoriales précisent que " Les produits des communes (...) qui ne sont pas assis et liquidés par les services fiscaux de l'Etat en exécution des lois et règlements en vigueur, sont recouvrés : / (...) - soit en vertu de titres de recettes ou de rôles émis et rendus exécutoires par le maire en ce qui concerne la commune (...) ". L'article 11 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique précise également qu'il appartient au seul ordonnateur de constater les droits et obligations, de liquider les recettes et d'émettre les ordres de recouvrer. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une commune entend affirmer l'existence d'une créance à l'égard d'un tiers, il appartient au maire, en sa qualité d'ordonnateur de la commune, en dehors du cas du recouvrement de créances contractuelles, d'émettre un titre de recettes.

3. En l'espèce, le titre en litige a été signé par le maire de la commune de Perpignan en sa qualité d'ordonnateur. Dans ces conditions, le titre exécutoire en litige a été signé par une autorité légalement habilitée pour le faire. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence du signataire et de ce que le conseil municipal de la commune de Perpignan devait, pour recouvrer la créance, nécessairement voter une délibération en ce sens, doivent être écarté.

4. En deuxième lieu, l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation dispose que " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais (...) ". Les dispositions de l'article R. 511-5 du même code précisent que " La créance de la commune sur les propriétaires ou exploitants née de l'exécution d'office des travaux prescrits en application des articles L. 511-2 et L. 511-3 comprend le coût de l'ensemble des mesures que cette exécution a rendu nécessaires, notamment celui des travaux destinés à assurer la sécurité de l'ouvrage ou celle des bâtiments mitoyens, les frais exposés par la commune agissant en qualité de maître d'ouvrage public et, le cas échéant, la rémunération de l'expert nommé par le juge administratif " ;

5. Il résulte, d'une part, de la lecture de l'article 1er de l'arrêté en litige, en date du 31 janvier 2014, que le maire de la commune de Perpignan avait fait obligation à M.D..., pris en sa qualité de propriétaire de l'immeuble du 8 rue des Quinze Degrés, de " missionner un bureau d'études structures, avec lequel il sera étudié une solution de démolition du mur mitoyen avec l'immeuble n°5 rue des Farines, ce bureau d'études devant définir dans un délai de 8 jours francs le mode opératoire de la déconstruction du mur mitoyen avec le n°5 rue des Farines ", et en suivant, qu'il soit " procédé, par une entreprise qualifiée, aux travaux de déconstruction du mur mitoyen avec le n°5 rue des Farines, à la déconstruction et purge des planchers de l'immeuble 8 rue des Quinze Degrés, au confortement et à la stabilisation des murs mitoyens de l'immeuble 8 rue des Quinze Degrés, au maintien ou non de la toiture et au maintien ou non d'une partie de la façade donnant rue des Quinze Degrés ". L'arrêté ajoutait en son article 2 qu'en l'absence d'exécution dans les délais indiqués, la commune pourrait procéder d'office à ces mesures. L'arrêté, ayant été par suite régulièrement notifié à M. D..., avec l'indication des voies et délais de recours, était devenu définitif à la date d'introduction de la requête devant le tribunal administratif de Montpellier. Il s'ensuit que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en admettant que le requérant ait entendu invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de cet arrêté, un tel moyen était, en tout état de cause, irrecevable.

6. Il résulte, d'autre part, du rapport de la SARL BET Montya, du 26 mars 2014, qui a été produit en partie aux débats contrairement à ce que soutient l'appelant, qu'entre le 25 et le 26 mars 2014 une aggravation très importante des désordres s'est produite. L'expert a en effet constaté que " des fissures très importantes sont apparues sur les murs mitoyens avec les immeubles effondrés de la rue des Farines ". L'expert mentionnait également que sur le mur de refends situé entre les numéros 8 et le 10 de la rue des quinze degrés est survenu " un éventrement du mur du rez-de-chaussée ". Il concluait à un " risque d'effondrement imminent ". Il était dès lors préconisé l'étude d'une procédure de déconstruction et de renforcement par l'extérieur du bâtiment, interdisant formellement, eu égard aux risques encourus et y compris au personnel de l'entreprise de déconstruction, de pénétrer à l'intérieur du bâtiment. Le rapport Socotec du 26 mars 2014 livrait une analyse identique mentionnant que les risques d'effondrement de l'immeuble appartenant à M. D...situé au 8 de la rue des quinze degrés s'étaient aggravés et que le risque d'effondrement était imminent.

7. Dans ces conditions, si l'arrêté en litige ne prévoyait pas de manière certaine les évolutions ultérieures et les décisions à mettre en oeuvre, celles-ci, comprenant la démolition de l'immeuble, étaient toutefois envisagées comme une possibilité par l'arrêté en litige. De plus comme il a été dit au point 6, l'expert, en visite sur les lieux, avait constaté le 26 mars 2014 un risque imminent d'effondrement de l'immeuble lequel avait conduit la commune à entreprendre une déconstruction de l'ensemble du bâtiment. Il s'ensuit que la déconstruction totale du bâtiment situé 8 rue des quinze degrés, laquelle n'est qu'une pratique particulière de démolition liée aux danger lors de l'intervention, était la seule solution envisageable pour ces bâtiments dont les murs mitoyens à base de terre crue dans la hauteur du rez-de-chaussée et du premier étage avaient été construits entre le XIIème et le XVème siècle et par suite rehaussés avec des murs en briques pleines.

8. Enfin, si M. D...persiste à soutenir en appel que le coût de la démolition ne peut être mis à sa charge dès lors qu'elle n'était pas prévue par l'arrêté du 31 janvier 2014, il résulte toutefois de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que la démolition était la seule solution envisageable eu égard à la détérioration rapide de l'immeuble qui laissait présager un effondrement imminent.

9. En troisième lieu, si M. D...fait valoir que l'on ne peut avoir 80 demi-journées de location d'une nacelle pour le mois de mai 2014, dès lors que le mois ne comprend que 31 jours, sans compter les jours fériés et chômés, il convient de relever, à la suite de la commune, que si trois factures ont été émises le 30 mai 2014 faisant état respectivement de 4 demi-journées de location, de 18 demi-journées de location et de 40 demi-journées de location, il n'apparait pas qu'il s'agissait de la location d'une même nacelle alors même que le travail de déconstruction de l'immeuble ait pu nécessité ponctuellement la présence plusieurs nacelles. Par ailleurs, comme le relève également la commune la date de facturation de la nacelle ne correspond pas nécessairement à la période de location et donc à la période de réalisation des travaux et ce, alors même que les nacelles sont louées par période et de fait immobilisées au chantier auquel elles sont affectées.

10. En quatrième lieu, si M. D...fait valoir que la facture relative à la mise en place d'un échafaudage afin de réaliser un enduit de façade n'est pas justifiée dès lors que l'immeuble a été démoli, la pose un enduit mural se justifie sur les murs mitoyens afin de protection, notamment pour éviter les infiltrations d'eau et les fragilisations des murs restants.

11. En cinquième et dernier lieu, si M. D...soutient que les étais qui ont été placés antérieurement à l'édiction de l'arrêté ne peuvent être considérés comme des travaux d'office prévus par l'arrêté en litige, il est constant que si les étais ont été effectivement posés le 17 janvier 2014, soit antérieurement l'arrêté de péril en litige qui a été pris le 31 janvier 2014 cette pose, qui s'intégrait dans la procédure du péril imminent enclenché immédiatement après l'effondrement dès la saisine du tribunal à fin d'expertise, a été prise en compte de surcroît par l'arrêté en litige, non contesté par M.D..., qui mentionnait la nécessité de " confortement et (de) stabilisation des murs mitoyens de l'immeuble 8 rue de Quinze Degrés ", était justifiée par l'urgence.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. (...) " ;

14. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Perpignan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme à M. D...ou à son conseil, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D... la somme réclamée par la commune de Perpignan au titre des mêmes frais ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Perpignan tendant au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., à la commune de Perpignan et à MeE....

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 janvier 2019.

2

N° 17MA03563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03563
Date de la décision : 21/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Police - Polices spéciales.

Police - Polices spéciales.

Police - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : DEPUY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-01-21;17ma03563 ?
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