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08/03/2019 | FRANCE | N°18MA01284

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 08 mars 2019, 18MA01284


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1704396 en date du 10 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal

administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1704396 en date du 10 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 mars 2018, Mme C... épouseB..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice du 10 novembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 7 septembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision juridictionnelle à intervenir ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision juridictionnelle à intervenir sous la même condition d'astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable durant cet examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil, lequel s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise sans que le préfet ait procédé à l'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 743-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle avait le droit, en sa qualité de demandeur d'asile, de se maintenir en France jusqu'à notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) statuant sur le recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) rejetant sa demande d'asile ;

- le préfet a commis une erreur de droit en ne lui délivrant pas une autorisation provisoire de séjour à la suite du rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA, l'absence de recours contre cette décision devant la CNDA n'étant imputable qu'à la seule erreur commise par l'OFPRA lors de la notification de sa décision ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision a été prise en violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu, dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de présenter ses observations sur la décision et de faire connaître son point de vue ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme C... épouse B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guidal a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouseB..., ressortissante russe née le 10 août 1982, est entrée sur le territoire français le 20 décembre 2016 selon ses déclarations. Elle a sollicité son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile le 3 janvier 2017. Sa demande a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en date du 29 mai 2017. Par un arrêté du 7 septembre 2017, le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé l'admission au séjour au titre de l'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... épouse B...relève appel du jugement du 10 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 7 septembre 2017.

2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ".

3. L'article R. 723-19 de ce code précise que : " I - La décision du directeur général de l'office est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) / III.-La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. ". L'article R. 723-21 du même code dispose que : " Le directeur général de l'office fait connaître le caractère positif ou négatif de la décision de l'office ou, en cas de recours, de la Cour nationale du droit d'asile au préfet compétent, ainsi qu'au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il communique au préfet compétent, à sa demande, une copie de la décision et de l'avis de réception ".

4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de l'OFPRA a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de l'Office.

6. Pour refuser, par l'arrêté en litige, l'admission au séjour de Mme C... épouseB..., le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé sur la circonstance que la demande d'asile de l'intéressée avait été rejetée par le directeur général de l'OFPRA le 29 mai 2017 et qu'aucun recours n'avait été formé contre cette décision devant la CNDA. Toutefois, Mme C... épouse B...fait valoir qu'elle était hébergée depuis le 11 avril 2017 au sein de l'association Accompagnement Lieux d'accueil Carrefour éducatif et social (ALC) CADA, sise 10 rue P. Isnard, résidence Espace Icardo, 06204 Nice, qu'elle a communiqué à l'OFPRA cette adresse lors de l'entretien qui s'y est déroulé le 26 avril 2017 et que la décision de l'Office du 29 mai 2017 ne lui a été notifiée à cette même adresse que le 20 septembre 2017, soit postérieurement à la date de l'arrêté en litige. Le préfet des Alpes-Maritimes, à qui il incombe de justifier de la régularité de la notification de la décision de l'OFPRA ainsi que mentionné au point 5, n'a produit ni en première instance ni en appel aucun document et notamment aucun accusé de réception postal susceptible d'établir les conditions dans lesquelles la décision du directeur général de l'OFPRA du 29 mai 2017 a été notifiée à Mme C... épouseB.... S'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'attestation établie le 4 octobre 2017 par Mme A..., directrice du CADA, que l'intéressée avait avant le 11 avril 2017 comme adresse postale FORUM REFUGIE/DOM n° 4139, il ressort de ces mêmes pièces qu'à partir de cette date, elle a été prise en charge par l'association ALC CADA où elle était hébergée et domiciliée. Il ressort également de cette attestation et sans que cela ne soit contesté par le préfet en défense, que Mme C... épouse B...avait signalé son changement d'adresse lors de son entretien à l'OFPRA le 26 avril 2017, soit avant que n'intervienne la décision de l'OFPRA, puis confirmé ce changement d'adresse en ligne le 20 juin 2017. Il s'ensuit qu'au 7 septembre 2017, date de l'arrêté en litige, la décision de l'OFPRA n'avait pas été régulièrement notifiée à Mme C... épouseB..., et que l'intéressée disposait encore du droit de se maintenir en France. Elle ne pouvait, dès lors, se voir refuser le séjour au titre de l'asile et faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, la décision du 7 septembre 2017 portant refus de séjour est illégale, de même que par voie de conséquence, celle portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination, prises concomitamment.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme C... épouse B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

9. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet délivre à Mme C... épouse B...une autorisation provisoire de séjour et réexamine sa situation, mais n'implique pas, comme celle-ci le demande, la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, les conclusions de Mme C... épouse B...tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu d'ordonner au préfet des Alpes-Maritimes, après avoir délivré une autorisation provisoire de séjour à Mme C... épouseB..., de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Mme C... épouse B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me D..., conseil de Mme C... épouseB..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice du 10 novembre 2017 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 7 septembre 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de Mme C... épouse B...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me D... une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C...épouseB..., au ministre de l'intérieur et à Me D....

Copie en sera adressé au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice.

Délibéré après l'audience du 22 février 2019 où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 mars 2019.

N° 18MA01284 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01284
Date de la décision : 08/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : DE CLERCK

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-03-08;18ma01284 ?
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