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04/07/2019 | FRANCE | N°18MA00659

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 18MA00659


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nice à lui verser la somme totale de 45 370 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de l'intervention chirurgicale du 19 décembre 2012.

Par un jugement n° 1501948 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 février 2

018 et le 15 mars 2019, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nice à lui verser la somme totale de 45 370 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de l'intervention chirurgicale du 19 décembre 2012.

Par un jugement n° 1501948 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 février 2018 et le 15 mars 2019, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 décembre 2017 ;

2°) de condamner le CHRU de Nice à lui verser la somme totale de 45 370 euros ;

3°) de mettre à la charge du CHRU de Nice la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'établissement doit être engagée du fait d'un défaut d'information concernant les conséquences prévisibles de sa blessure et les risques de l'intervention chirurgicale ;

- elle a droit à la réparation de l'intégralité de ses préjudices dont le préjudice moral d'impréparation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2019, le CHRU de Nice, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision du 20 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant le CHRU de Nice.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ".

2. D'une part, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Il appartient à l'hôpital d'établir que l'intéressé a été informé des risques de l'acte médical. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance. Si, à la suite d'un défaut d'information, le juge peut nier l'existence d'une perte de chance de se soustraire au risque lié à l'intervention au motif que celle-ci était impérieusement requise, il lui appartient, pour se prononcer en ce sens, de rechercher dans quel délai une évolution vers des conséquences graves était susceptible de se produire si le patient refusait de subir dans l'immédiat l'intervention.

3. D'autre part, indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

4. L'obligation d'information susceptible d'engager la responsabilité de l'hôpital en cas de perte de chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée et au titre du préjudice d'impréparation est relative aux risques connus de l'intervention chirurgicale envisagée et non aux conséquences normalement prévisibles de la blessure. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par le président du tribunal administratif de Nice, que la déformation du cinquième doigt de la main droite de Mme B...est le résultat prévisible du mauvais pronostic fonctionnel de la luxation articulaire du doigt avec arrachement de la plaque palmaire et lésion du ligament collatéral horizontal interne dont elle a souffert à la suite de sa chute du 4 décembre 2012. Elle n'est donc pas en relation avec la réalisation d'un risque connu de l'intervention chirurgicale qui a été effectuée. Le lien de causalité entre le défaut d'information sur les risques de cette intervention et les préjudices de Mme B...n'est ainsi pas établi. En outre, en raison de l'instabilité récidivante de l'articulation en dépit de la réduction initiale de la luxation par manoeuvres externes réalisée le 4 décembre 2012 et de l'immobilisation par attelle puis orthèse, le traitement chirurgical était impérieusement requis, ce qui excluait toute possibilité raisonnable de refuser l'intervention, sous peine d'évolution sans délai vers des conséquences plus graves et plus importantes. Dans ces conditions, si la preuve de l'information de la requérante sur les risques connus de l'intervention chirurgicale litigieuse en date du 19 décembre 2012 n'est pas rapportée, le manquement du CHRU de Nice à son obligation d'information n'a pas fait perdre à Mme B... de chance d'échapper aux dommages survenus. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la responsabilité du CHRU de Nice à raison du défaut d'information tant sur le fondement de la perte de chance qu'en ce qui concerne le préjudice d'impréparation.

5. Il résulte de ce qui précède que MmeB..., qui ne conteste par ailleurs pas l'absence de faute médicale commise lors de sa prise en charge par le CHRU de Nice, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'indemnisation. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

Sur les dépens :

6. Aux termes du premier alinéa de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les dépenses qui incomberaient au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle s'il n'avait pas cette aide sont à la charge de l'Etat ". Aux termes de l'article 40 de la même loi " L'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, à l'exception des droits de plaidoirie. / (...) / Les frais occasionnés par les mesures d'instruction sont avancés par l'Etat ". Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque la partie perdante bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, et hors le cas où le juge décide de faire usage de la faculté que lui ouvre l'article R. 761-1 du code de justice administrative, en présence de circonstances particulières, de mettre les dépens à la charge d'une autre partie, les frais d'expertise incombent à l'Etat.

7. Les frais et honoraires de l'expertise diligentée par le président du tribunal administratif de Nice, liquidés et taxés pour un montant de 1 100 euros par une ordonnance du 22 septembre 2015, doivent être mis à la charge de l'Etat et non pas à celle, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, de MmeB..., dès lors que celle-ci bénéficiait en première instance de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 juillet 2015. Il y a donc lieu de réformer le jugement attaqué dans cette mesure.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., au centre hospitalier régional universitaire de Nice, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, à Me A...et à la garde des Sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée pour information au service administratif régional de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,

- MmeF..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

2

N° 18MA00659


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00659
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute. Manquements à une obligation d'information et défauts de consentement.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : PODA BAIMANAI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-04;18ma00659 ?
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