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04/10/2019 | FRANCE | N°18MA04793-19MA01558

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 04 octobre 2019, 18MA04793-19MA01558


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1802210 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête n° 18MA04793 enregistrée le 10 novembre 2018, M. D..., représent

é par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1802210 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête n° 18MA04793 enregistrée le 10 novembre 2018, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Vaucluse en date du 21 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation et d'y statuer dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, en ce que les premiers juges ont insuffisamment motivé leur réponse à l'argument développé devant eux tenant à l'existence de sa résidence habituelle depuis plus de dix ans en France et d'autre part, en ce qu'ils n'ont pas épuisé leur compétence juridictionnelle en n'examinant pas la totalité des pièces produites, se limitant à prendre en compte les seules attestations d'hébergement ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, dès lors que, justifiant résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour en application de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'alinéa 4 de l'article L. 313-14 de ce code ;

- elle est entachée d'une erreur de fait, dès lors que contrairement à ce qui y est mentionné, il réside habituellement en France depuis 2002 ;

- elle est entachée d'une erreur de droit quant à la manière de comptabiliser les années de sa présence en France, lesquelles doivent être prises en compte, non pas séparément mais dans leur ensemble ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où le centre de ses intérêts privés et familiaux se situe en France ;

- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille en violation des stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation en estimant que les pièces produites, pourtant très nombreuses, variées et probantes, ne justifiaient pas sa résidence habituelle depuis plus de dix ans ;

- il a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'avis défavorable du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), pour lui refuser la délivrance du titre de séjour mention " salarié " ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en n'exerçant pas son pouvoir de régularisation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur de droit ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II - Par une requête n° 19MA01558 enregistrée le 3 avril 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 octobre 2018 ;

2°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un récépissé valant autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué, rendant possible l'exécution de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet, porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation de par une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- les moyens soulevés dans la requête n° 18MA04793 et tirés de l'irrégularité du jugement attaqué en ce qu'il est insuffisamment motivé, du vice de procédure entachant la décision préfectorale, de l'erreur de fait, de l'erreur de droit, de l'erreur manifeste d'appréciation, des atteintes disproportionnées à sa vie privée et familiale, et des violations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales commises par le préfet, sont sérieux.

La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 à New-York ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité turque, fait appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 18MA04793, 19MA01558 présentées pour M. D... présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Il ressort du point 6 du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu au moyen tiré du vice de procédure pour défaut de saisine de la commission du titre de séjour soulevé devant eux en appréciant, au regard des éléments qui leur étaient soumis, si la condition tenant à résidence habituelle en France de M. D... depuis plus de dix ans était en l'espèce satisfaite, ainsi que le prévoit les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ils ont estimé que cette résidence habituelle n'était pas établie et ont précisé, contrairement à ce qui est soutenu, les périodes de résidence au cours de ces dix années qui leur paraissaient insuffisamment justifiées, en indiquant en particulier, qu'aucune pièce probante n'était produite pour l'année 2008. Par ailleurs, sont mentionnées au point 9 du jugement les pièces précises sur lesquelles le tribunal administratif s'est notamment appuyé pour écarter le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale du requérant, telles que les tickets de caisse et les attestations de la mère de la fille de M. D... concernant la contribution aux charges de cette enfant. Ainsi, il ne ressort pas du jugement attaqué que le tribunal administratif se serait borné à ne prendre en compte que les seules attestations d'hébergement produites par le requérant et qu'il n'aurait donc pas tenu compte de l'ensemble des pièces du dossier.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral contesté :

Quant à la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 de ce code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

5. M. D..., qui se prévaut d'une durée de séjour de plus de dix ans en France à la date de la décision contestée, produit en appel de nouvelles pièces au soutien de ses allégations. Toutefois, les documents versés au titre de l'année 2008, consistant en une pièce dont la légende manuscrite indique " accusé de réception d'une demande de passeport au consulat de Turquie à Avignon " - sans pour autant être revêtu de cachet officiel -, en deux devis d'assurance automobile, une attestation d'assurance d'un véhicule mais ne courant qu'à compter du mois de décembre de cette année, un formulaire bancaire non daté et en une attestation d'hébergement imprimée émanant d'un président d'association mais insuffisamment probante, établissent tout au plus une présence ponctuelle de M. D... sur le territoire français au cours de cette année. M. D... n'établit dès lors pas qu'il aurait résidé de manière habituelle sur le territoire français depuis au moins dix ans. Dès lors, le préfet n'était pas tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour pour lui soumettre la demande d'admission au séjour de M. D.... Le moyen tiré du vice de procédure doit, par suite, être écarté.

6. M. D... soutient qu'il réside habituellement en France depuis son entrée en 2002. Toutefois si sa présence en France est établie au cours du second semestre 2002, du premier semestre 2003 et du premier semestre 2004 notamment par des documents administratifs délivrés durant ces périodes, elle ne l'est pas en ce qui concerne le second semestre 2003 et le second semestre 2004, en l'absence de toute pièce datant de ces périodes hormis une seule ordonnance médicale non manuscrite datée du 9 novembre 2004. De même, les pièces produites pour 2005, éparses et en faible nombre, consistant, hormis la notification d'une décision de la commission des recours des réfugiés datant du 28 janvier 2005, en seulement une ordonnance médicale non manuscrite et non signée, un seul relevé bancaire du mois de mai ne révélant aucun mouvement, deux certificats d'assurance automobile et deux lettres, l'une d'information de la caisse de congés payés du bâtiment du 24 août 2005, l'autre du groupe PRO BTP du 21 septembre 2005, ne permettent d'établir tout au plus qu'une présence également ponctuelle de l'intéressé en France au cours de cette année. Quant aux pièces qui concernent l'année 2007, elles-aussi en faible nombre, elles sont, hormis l'avis de condamnation au paiement d'une amende du 3 mai 2007, le procès-verbal de contrôle technique d'un véhicule automobile et un contrat de travail signé en fin d'année, d'un caractère insuffisamment probant, se limitant à deux factures imprimées d'un garage et à une attestation d'hébergement imprimée d'un président d'association. Ainsi, le préfet de Vaucluse, en estimant que M. D... ne justifiait d'une résidence continue depuis l'année 2002, n'a commis ni erreur de fait, ni erreur d'appréciation. Par ailleurs, il n'a pas davantage commis d'erreur de droit en appréciant cette condition de résidence habituelle année par année. Il s'ensuit que ces moyens doivent être écartés.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)/ 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) ".

8. M. D... soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situe en France, dès lors qu'il y réside habituellement depuis son entrée sur le territoire au cours de l'année 2002, qu'il entretient depuis 2013 une relation de concubinage avec Mme E..., ressortissante algérienne titulaire d'un titre de séjour, qu'il est père d'une enfant née le 24 avril 2010 d'une précédente union et scolarisée en France, qu'il a perdu toute attache en Turquie son pays d'origine, et qu'il justifie d'une insertion professionnelle de par son expérience acquise en France dans la profession de maçon. Toutefois, si M. D... justifie d'une vie commune avec sa concubine depuis 2013 par la production de pièces indiquant toutes l'adresse commune du couple au 3, place de Traverso à Avignon, parmi lesquelles des factures de fournisseur d'énergie et d'opérateurs téléphoniques, des courriers d'établissements bancaire et d'assurance, des documents issus d'administrations et d'autres relatifs à son emploi, et par l'existence d'un projet du couple de conclure un pacte civil de solidarité le 03 août 2017 devant le tribunal d'instance d'Avignon, il ressort également des pièces du dossier, notamment de l'extrait d'acte d'état civil versé aux débats, que M. D... a, en Turquie son pays d'origine qu'il n'a quitté qu'à l'âge de quarante-cinq ans, épousé une compatriote en 1975, que celle-ci y demeure toujours, que les liens de ce mariage ne sont pas dissous et que cinq enfants en sont nés, dont trois demeurent ..., sans que la rupture des liens allégués par M. D... soit établie. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, par jugement en date du 9 février 2016, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Carpentras a décidé que la jeune A..., née de la relation de M. D... avec une ressortissante marocaine, résiderait habituellement chez sa mère à Carpentras et que son père devrait exercer un droit de visite les samedis des semaines impaires, tout en versant une contribution à son entretien et à son éducation d'un montant de cinquante euros. Si la mère de l'enfant atteste avoir reçu une participation financière de la part de M. D... à partir de novembre 2013 puis chaque mois au premier semestre 2014, et enfin au premier semestre 2015, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier aurait continué à remplir ses obligations paternelles prescrites dans le jugement précité, nonobstant son arrêt de travail du 29 juillet 2017 au 30 septembre 2017, ni qu'il exerce réellement ses droits de visite selon les modalités qui y ont été fixées. Le requérant ne justifie dès lors pas de sa contribution à l'éducation de sa fille comme il le soutient. En outre, M. D... se prévaut de ses expériences professionnelles acquises dans le métier de la maçonnerie en France. S'il a effectivement exercé des emplois temporairement entre 2002 et 2007, puis en vertu de contrats de travail conclus successivement entre 2010 et 2017 avec des entreprises spécialisées dans le secteur de la construction, il ressort des pièces du dossier qu'il avait déjà une solide expérience dans ce métier également en Turquie où il a exercé cette activité entre 1987 et 2000. Enfin, M. D... a déjà fait l'objet de précédents refus de titre de séjour assortis de mesures d'éloignement qu'il n'a jamais exécutées, prononcés par arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 mai 2009, contestés dans succès devant le tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande par un jugement du 14 septembre 2009, puis par un arrêté du préfet de Vaucluse du 18 mai 2015 contesté sans succès devant le tribunal administratif de Nîmes, qui a rejeté sa demande par un jugement en date du 17 septembre 2015 confirmé en appel par un arrêt du 9 juin 2016 de la Cour. Dans ces circonstances, la décision de refus de titre de séjour contestée ne porte pas au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet n'a ni méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 du code précité, ni violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Si M. D... est le père d'une enfant née et scolarisée en France et âgée de huit ans à la date de la décision en litige, celle-ci n'a ni pour objet ni pour effet de séparer cette enfant de son père. Par ailleurs, ainsi qu'il a été exposé au point 8, M. D... ne justifie pas exercer ses droits de visite auprès de sa fille qui vit chez sa mère, ex-compagne du requérant, ni remplir à la date de la décision contestée, ses obligations paternelles de contribution financière à l'entretien et à l'éducation de cette enfant en application des prescriptions du juge aux affaires familiales. Ainsi, la décision en cause n'a pas porté à l'intérêt supérieur de l'enfant de M. D... une atteinte contraire aux stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

11. Après avoir rappelé le sens de l'avis de la DIRECCTE du 12 décembre 2017 ainsi que son motif, le préfet de Vaucluse a repris les éléments factuels objectifs qui en ressortaient, puis a porté sa propre appréciation sur la situation professionnelle de M. D... en indiquant, au vu des éléments au dossier de demande, les raisons de fait concernant la qualification et l'expérience professionnelle de ce dernier ayant justifié que soit retenu un tel motif. Dans ces conditions, il ne résulte pas des termes de la décision en litige et pas davantage des autres pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par l'avis émis par la DIRECCTE sur la demande d'autorisation de travail présentée par la société Karakurt Construction en vue de l'embauche de M. D....

12. Si M. D... réside en France de manière habituelle depuis 2009, soit neuf ans à la date de l'arrêté contesté, et s'il est titulaire d'un contrat de travail en date du 2 novembre 2017 pour un emploi de chef de chantier, ces circonstances ne constituent pas par elles-mêmes des motifs exceptionnels d'admission au séjour. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. D... se caractérise par l'existence de considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code précité. Dès lors, il n'est pas établi que le préfet aurait commis, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire de régularisation qu'il détient, une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

13. M. D... soutient que cette décision est entachée d'erreur de droit. Il n'assortit toutefois pas ce moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite ce moyen ne peut qu'être écarté.

14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents, la décision portant obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. D... ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme au titre des frais d'instance non compris dans les dépens.

Sur la requête n° 19MA01558 :

16. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de M. D... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 19MA01558 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

D É C I D E

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 19MA01558 de M. D....

Article 2 : La requête n° 18MA04793 de M. D... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2019 où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. C..., président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2019.

N° 18MA04793, 19MA01558 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04793-19MA01558
Date de la décision : 04/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : AHMED

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-04;18ma04793.19ma01558 ?
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