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21/11/2019 | FRANCE | N°19MA00342

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 21 novembre 2019, 19MA00342


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 3 mai 2017 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de délivrer un document de circulation pour étranger mineur pour sa fille Aseel G....

Par un jugement n° 1703040 du 15 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2019, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler

ce jugement du tribunal administratif de Nice du 15 juin 2018 ;

2°) d'annuler la décision du préfet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 3 mai 2017 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de délivrer un document de circulation pour étranger mineur pour sa fille Aseel G....

Par un jugement n° 1703040 du 15 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2019, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 15 juin 2018 ;

2°) d'annuler la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 3 mai 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer le document de circulation pour étranger mineur sollicité, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision et le jugement contestés sont entachés d'erreur de droit, dès lors qu'ils indiquent, à tort, qu'elle ne pouvait se prévaloir des dispositions des articles L. 321-4 et D. 321-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ne traite pas de la situation des enfants tunisiens mineurs nés en France ;

- le document de circulation doit être délivré à sa fille, les conditions prévues à l'article L. 321-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant remplies ;

- les premiers juges ont commis une erreur de fait en mentionnant que le père de sa fille réside irrégulièrement en France, ce qui a faussé leur appréciation quant à la légalité de la décision contestée au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Le préfet des Alpes-Maritimes, qui a reçu communication de la requête, n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., de nationalité tunisienne, née le 14 janvier 1984, a sollicité la délivrance d'un document de circulation pour étranger mineur en faveur de sa fille, Aseel G..., née le 3 juin 2015 à Nice. Par décision du 28 juillet 2015, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande. Cette décision a été annulée par jugement du tribunal administratif de Nice du 29 novembre 2016, qui a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la demande de Mme E.... Par décision du 3 mai 2017, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de délivrer à l'intéressée le document de circulation sollicité. Mme E... relève appel du jugement du 15 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Si Mme E... soutient que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'erreurs de droit et de fait, de telles erreurs, à les supposer établies, relèvent du bien-fondé de leur décision et sont sans incidence sur sa régularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui définit le champ d'application de ce code : " (...) Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales (...) ". Aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 11 mars 1988 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article 7 ter du même accord : " (...) Les ressortissants tunisiens mineurs de dix-huit ans qui remplissent les conditions prévues à l'article 7 bis, ou qui sont mentionnés au e ou au f de l'article 10, ainsi que les mineurs entrés en France pour y poursuivre des études sous couvert d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois reçoivent, sur leur demande, un document de circulation (...)". Il résulte de la combinaison de ces dispositions et stipulations que la délivrance des documents de circulation pour enfant mineur aux ressortissants tunisiens est régie par les stipulations précitées de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien et ne relève pas, dès lors, des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas commis d'erreur de droit en se fondant sur les stipulations de cet accord pour refuser de délivrer le document de circulation sollicité par Mme E..., laquelle ne peut, par conséquent, utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 321-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas applicable à la situation de sa fille.

4. Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de délivrance d'un document de circulation au profit d'un étranger mineur de nationalité tunisienne qui ne remplit pas les conditions pour en bénéficier prévues par l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'un refus de délivrance d'un tel document ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles " dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". L'intérêt supérieur d'un étranger mineur s'apprécie au regard de son intérêt à se rendre hors de France et à pouvoir y retourner sans être soumis à l'obligation de présenter un visa.

5. En se bornant à soutenir que l'intérêt supérieur de sa fille implique qu'elle puisse se rendre librement en Tunisie pour entretenir des relations avec son père, Mme E..., qui n'apporte au demeurant aucun élément tendant à démontrer que M. G... résiderait de manière habituelle en Tunisie et y exercerait une activité professionnelle, n'établit pas que ce dernier ne pourrait effectuer lui-même des déplacements en France pour rendre visite à sa fille et ne justifie pas davantage de l'existence de circonstances s'opposant à la délivrance de visas permettant à l'enfant de circuler entre la France et la Tunisie. Au surplus, l'absence de délivrance d'un document de circulation ne fait pas obstacle à la libre circulation de l'enfant dans l'espace Schengen pour y rencontrer son père. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Alpes-Maritimes aurait méconnu l'intérêt supérieur de sa fille en refusant de lui délivrer un document de circulation doit être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 mai 2017 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de délivrer à sa fille un document de circulation pour étranger mineur. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés à l'instance doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019, où siégeaient :

- Mme B..., présidente,

- Mme F..., présidente assesseure,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

N° 19MA00342 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00342
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MOSSER
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : SAJOUS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-11-21;19ma00342 ?
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