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05/12/2019 | FRANCE | N°18MA03317

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 05 décembre 2019, 18MA03317


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme Jacqueline Cohen a demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 150 435 euros, en ce comprise la provision de 22 582 euros accordée par le juge des référés du tribunal par ordonnance du 11 avril 2016, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de sa prise en charge par l'assistance publique des hôpitaux de Marseill

e (AP-HM, Sainte-Marguerite).

Par un jugement n° 1702683 du 23 mai 2018, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme Jacqueline Cohen a demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 150 435 euros, en ce comprise la provision de 22 582 euros accordée par le juge des référés du tribunal par ordonnance du 11 avril 2016, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de sa prise en charge par l'assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM, Sainte-Marguerite).

Par un jugement n° 1702683 du 23 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'ONIAM à payer à Mme Cohen une somme de 82 135,30 euros avant déduction de la provision de 22 582 euros, ainsi qu'une rente annuelle d'un montant de 4 590 euros à compter du 1er février 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2018, l'ONIAM, représenté par Me de la Grange, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 mai 2018, en tant qu'il met à sa charge le versement à Mme Cohen d'une rente annuelle de 4 590 euros à compter du 1er février 2020 au titre de l'assistance par une tierce personne ;

2°) de ramener le montant de l'indemnité due au titre de l'assistance par une tierce personne à compter du 1er février 2020 à la somme de 4 951,04 euros après capitalisation viagère.

Il soutient que :

- il n'entend pas contester le principe de son obligation indemnitaire à l'égard de Mme Cohen, ni le montant de l'indemnité fixée par les premiers juges en réparation des préjudices temporaires, et des préjudices extra patrimoniaux permanents ;

- le tribunal a omis de déduire du montant de la rente allouée au titre de l'assistance tierce personne les aides que percevra Mme Cohen, et notamment l'allocation personnalisée d'autonomie ;

- eu égard à ce montant, cette rente pourra être capitalisée, en référence aux tables de mortalité et compte tenu de l'âge de la victime, à la somme de 4 951,04 euros.

Par un mémoire enregistré le 29 octobre 2018, Mme Cohen, représentée par Me Bonamy, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de fixer le montant de l'indemnité due au titre de l'assistance par une tierce personne à 5 825 euros après capitalisation de sa rente viagère ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le montant de ses droits à l'allocation personnalisée d'autonomie à l'avenir présente un caractère incertain et l'ONIAM, qui n'établit pas qu'elle continuera de manière certaine à percevoir cette prestation, devra justifier de son montant ;

- compte tenu des données les plus actuelles, il y a lieu de capitaliser la rente, le cas échéant, au taux de 12,842.

La requête a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la cour a désigné Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sanson,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme Jacqueline Cohen, née le 7 septembre 1943, a été victime le 6 mars 2006 d'un accident sur la voie publique. Le 10 mars 2010, elle a bénéficié de la pose chirurgicale d'une prothèse totale du genou à l'AP-HM (Sainte-Marguerite), à la suite de laquelle elle a présenté une thrombose veineuse profonde nécessitant un traitement par anticoagulants et une plaie de l'artère poplitée. Par un avis du 8 avril 2015, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI), saisie par Mme Cohen, a retenu l'existence d'un accident médical non fautif. Après avoir refusé une offre d'indemnisation de la part de l'ONIAM d'un montant de 22 582 euros, Mme Cohen a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, qui lui a accordé une provision du même montant par ordonnance du 11 avril 2016. L'ONIAM relève appel du jugement du 23 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a statué sur les préjudices de la victime, en tant qu'il a mis à sa charge le versement à celle-ci d'une rente annuelle d'un montant de 4 590 euros au titre de l'assistance par une tierce personne.

2. En application du principe selon lequel une personne publique ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas, il appartient au juge administratif, même saisi d'une requête ne portant que sur l'évaluation du préjudice, de s'interroger d'office sur le principe de la responsabilité.

3. D'une part, aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...) ". L'article D. 1142-1 du même code dispose que : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique.

5. D'autre part, l'article R. 621-1 du code de justice administrative prévoit que la juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner avant dire droit qu'il soit procédé à une expertise sur les points qu'elle détermine.

6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la CRCI, que Mme Cohen présentait, à la suite du traumatisme grave du genou consécutif à l'accident dont elle a été victime le 6 mars 2006 et avant la pose d'une prothèse totale de genou, de graves séquelles à l'origine d'une incapacité partielle dont le taux n'a toutefois pas été précisé par l'expert. Ainsi, si celui-ci a fixé le taux du déficit fonctionnel permanent de Mme Cohen à la suite de sa prise en charge médicale par l'AP-HM pour la pose d'une telle prothèse à 30 %, l'état de l'instruction ne permet pas à la cour d'exclure que la part du déficit fonctionnel permanent de Mme Cohen imputable aux conséquences de cette prise en charge serait inférieur au seuil de gravité fixé par l'article D. 1142-1 du code de la santé publique. Il y donc a lieu, avant de statuer sur la requête de l'ONIAM, d'ordonner une expertise sur ce point dans les conditions précisées dans le dispositif du présent arrêt.

D É C I D E :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de l'ONIAM, procédé par un expert désigné par la présidente de la cour administrative d'appel, à une expertise. L'expert aura pour mission de :

- se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de Mme Cohen et, notamment, tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins et aux diagnostics pratiqués sur elle ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ; procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de Mme Cohen ainsi qu'éventuellement à son examen clinique ;

- déterminer le taux de déficit fonctionnel que présentait Mme Cohen, notamment du fait de son accident du 6 mars 2006, avant l'intervention chirurgicale du 10 mars 2010 ;

- déterminer le taux de son déficit fonctionnel permanent, après consolidation de l'ensemble de ses séquelles, et notamment de celles qu'elle conserve de l'intervention chirurgicale du 10 mars 2010 et des suites de sa prise en charge médicale.

Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour. Il déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la cour dans sa décision le désignant.

Article 3 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme Jacqueline Cohen et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Jorda-Lecroq, présidente,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère,

- M. C..., conseiller.

Lu en audience publique le 5 décembre 2019.

2

N° 18MA03317


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03317
Date de la décision : 05/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Interprétation

Analyses

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme JORDA-LECROQ
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : BONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-05;18ma03317 ?
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