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17/12/2019 | FRANCE | N°19MA01816

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 17 décembre 2019, 19MA01816


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Société de distribution Sainte-Maximoise (SDSM) a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ainsi que des pénalités correspondantes et des amendes prévues à l'article 1759 du code général des impôts. Par un jugement n° 1301072 du 10 avril 2015, le tr

ibunal administratif de Toulon a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 15MA03323 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Société de distribution Sainte-Maximoise (SDSM) a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ainsi que des pénalités correspondantes et des amendes prévues à l'article 1759 du code général des impôts. Par un jugement n° 1301072 du 10 avril 2015, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 15MA03323 du 23 février 2017, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel du ministre de l'économie et des finances, a annulé l'article 1er de ce jugement prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société avait été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, remis ces impositions à la charge de la société et rejeté le surplus des conclusions du ministre.

Par une décision n° 410042 du 12 avril 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi de la SAS SDSM, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 avril 2015 ;

2°) de remettre à la charge de la SAS SDSM les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, et des pénalités correspondantes et des amendes prévues à l'article 1759 du code général des impôts.

Il soutient que :

- les dirigeants de la société ont été, par leur comportement délibéré ou leur carence manifeste dans l'organisation de l'entreprise et la mise en oeuvre des dispositifs de contrôle, à l'origine directe ou indirecte des détournements de fonds comptabilisés en charges exceptionnelles ;

- la date réelle des détournements de vol ne pouvant être établie avant le dépôt de plainte qui n'est intervenu que le 15 février 2011, les charges correspondantes ne peuvent être déduites pour la détermination du résultat au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ;

- bien que fournie dans le délai légal, la réponse de la société à la demande de désignation des bénéficiaires des distributions était assimilable à un refus de réponse justifiant l'application de l'amende fiscale prévue à l'article 1759 du code général des impôts ;

- le jugement ne pouvait pas prononcer la décharge de la totalité des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt au titre de l'exercice clos en 2010 dès lors que les rectifications comprenaient une rectification portant sur la déduction des pénalités non déductibles contre laquelle la SAS SDSM ne soulevait aucun moyen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2015, la SAS SDSM, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 17 octobre 2016, la SAS SDSM, représentée par Me B..., a demandé à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité à la Constitution du 1 de l'article 39 du code général des impôts.

Par un mémoire, enregistré le 8 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances a conclu qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à la transmission demandée.

Par une ordonnance n° 15MA03323 du 1er décembre 2016, le président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur le fondement de l'article R. 771-7 du code de justice administrative, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SAS SDSM.

Les parties ont été informées, le 23 avril 2019, de la reprise de l'instance après cassation et de la possibilité qui leur était offerte de produire, dans le délai d'un mois, de nouveaux mémoires ou observations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2019, la SAS SDSM, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête du ministre de l'action et des comptes publics et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'en application de la décision du Conseil d'Etat du 12 avril 2019, les moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés et qu'il y a lieu de prononcer la décharge des impositions mises en recouvrement et demeurant en litige, soit la somme de 70 993 euros.

Par un mémoire, enregistré le 28 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement rendu le 10 avril 2015 par le tribunal administratif de Toulon ;

2°) de remettre à la charge de la SAS SDSM la somme de 52 426 euros correspondant aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 et aux intérêts de retard correspondants.

Il soutient que :

- le litige ne s'étend qu'à la somme de 52 426 euros dès lors qu'il n'entend plus réclamer les pénalités pour manquement délibéré d'un montant total de 18 567 euros ;

- à titre principal, les éléments qu'elle produit établissent de manière suffisante, en l'absence de contradiction probante de la SAS SDSM, que les détournements litigieux ont été commis par des salariés de la société et ont pour origine directe ou indirecte le comportement délibéré des dirigeants, mandataires sociaux ou associés ou leur carence manifeste dans l'organisation de la société ou dans la mise en oeuvre des dispositifs de contrôle ;

- à titre subsidiaire, si la déduction des pertes dues au vol des billets devrait être admise, il conviendrait que soit substitué au motif initialement retenu celui tenant au fait que les sommes correspondant aux vols commis en 2007 et en 2008 ne pouvaient être regardées comme des charges admises en déduction pour la détermination du bénéfice au titre de l'exercice clos en 2009.

Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2019, la SAS SDSM, représentée par Me B..., conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SAS SDSM.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS SDSM, qui exploite à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var) une grande surface, a déduit les sommes de 124 803 euros et 10 000 euros au titre des exercices clos en 2009 et 2010, correspondant à des vols de billets de banque livrés par une société de transport de fonds et destinés à alimenter le distributeur automatique attenant au supermarché. A l'issue de la vérification de comptabilité dont la société a fait l'objet, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de ces sommes au motif que des carences dans l'organisation de la société et l'absence de dispositif de contrôle avaient été directement ou indirectement à l'origine de ces vols. Par une décision du 12 avril 2019, le Conseil d'Etat a jugé que la Cour, en estimant que les sommes détournées au détriment de la société requérante n'étaient pas déductibles des bénéfices de cette dernière en raison de l'attentisme et de l'abstention inexplicables dont elle avait preuve alors qu'il n'était ni établi ni même allégué que les détournements litigieux auraient été commis par un salarié de la société, avait commis une erreur de droit. Il a annulé l'arrêt du 23 février 2017 et a renvoyé l'affaire devant la Cour.

2. Dans ses dernières écritures, le ministre de l'action et des comptes publics limite sa demande à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la SAS SDSM a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 et des intérêts de retard correspondants. Il renonce ainsi à sa demande en tant qu'elle concernait les pénalités pour manquement délibéré dont ces cotisations supplémentaires étaient assorties et les amendes prévues à l'article 1759 du code général des impôts pour défaut de désignation des bénéficiaires des revenus regardés comme distribués.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le chef de rectification relatif à la déduction des pénalités sociales :

3. Il résulte de l'instruction que deux chefs de rectification ont été retenus au titre de l'exercice clos en 2010, l'un correspondant à une rectification en base de 6 378 euros résultant de la remise en cause, non contestée, de la déductibilité de pénalités sociales et, l'autre correspondant à une rectification en base de 10 000 euros, résultant de la remise en cause de déductibilité de pertes résultant des vols de billets. Le moyen soulevé par la SAS SDSM et tiré de ce que ces dernières étaient déductibles était inopérant s'agissant du premier chef de rectification et ne pouvait donc entraîner aucune réduction de base d'imposition à ce titre. Il en résulte que c'est à tort que le tribunal a, néanmoins, déchargé la société de la totalité des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle avait été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 au seul motif que les pertes liées aux détournements étaient déductibles.

En ce qui concerne le chef de rectification relatif à la déduction des pertes correspondant aux vols de billets :

4. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées des articles 38 et 39 du code général des impôts, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale, sans qu'il y ait lieu pour elle, dans ce cadre, de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion faits par l'entreprise et notamment sur l'ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats.

5. En cas de détournements de fonds commis au détriment d'une société, les pertes qui en résultent sont, en principe, déductibles des résultats de la société. Il en va ainsi, en particulier, lorsque ces détournements ont été commis par des tiers. En revanche, ne sont pas déductibles les détournements commis par les dirigeants, mandataires sociaux ou associés ainsi que ceux, commis par un salarié de la société, qui ont pour origine, directe ou indirecte, le comportement délibéré des dirigeants, mandataires sociaux ou associés ou leur carence manifeste dans l'organisation de la société et la mise en oeuvre des dispositifs de contrôle, contraires à l'intérêt de la société.

6. La circonstance que la SAS SDSM ait constaté, dès le mois de janvier 2007, l'existence d'un écart entre le montant devant se trouver dans le coffre-fort et celui y étant effectivement mais n'ait déposé plainte que le 15 février 2011 après la fin des opérations de contrôle et qu'aucun élément ne permette d'accuser les salariés de la société chargée de convoyer les fonds ne suffit pas à établir que les salariés de la SAS SDSM seraient à l'origine de ces détournements. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que les détournements de fonds proviendraient d'opérations étrangères à une gestion commerciale normale et ne seraient donc pas déductibles des résultats de la société.

7. En second lieu, la perte correspondant aux vols et détournements divers commis au cours d'un exercice peut être déduite des résultats d'un exercice ultérieur, dès lors que c'est seulement au cours de ce dernier exercice que ces vols et détournements ont été découverts par le contribuable.

8. La circonstance que la SAS SDSM n'ait déposé plainte pour vol et détournement que le 15 février 2011 est, par elle-même, sans incidence sur la détermination de l'exercice auquel ces pertes doivent être rattachées, le dépôt de la plainte pouvant intervenir, ainsi qu'il apparaît d'ailleurs dans la présente espèce, à une date postérieure à celle de la fin de l'exercice où le vol ou le détournement ont été découverts. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que, pour ce motif, les sommes détournées devaient venir en déduction pour la détermination du bénéfice imposable de l'exercice clos le 31 janvier 2012.

9. En outre, lors de l'inventaire effectué le 31 janvier 2007 au moment de la clôture de l'exercice, la SAS SDSM a constaté un écart de 74 943 euros entre la somme devant se trouver dans le coffre-fort et celle y étant effectivement. Elle a également constaté un écart de 50 000 euros lors de l'inventaire effectué le 31 janvier 2008. Cependant, il résulte de l'instruction que la SAS SDSM a estimé d'abord que l'écart pouvait résulter d'erreurs, notamment dans le comptage des billets de banque, qu'elle n'a entrepris des diligences qu'après la réitération de l'anomalie relevée à cette dernière date afin d'en déterminer l'origine et qu'elle a ainsi compris, au cours des mois suivants, qu'elle était victime de vol ou de détournement. Par suite, c'est à bon droit que la somme de 124 803 euros a été déduite par la SAS SDSM pour la détermination de son bénéfice imposable au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2009.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a accordé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt au titre de l'exercice clos en 2010 à raison de la rectification relative à la déduction des pénalités sociales, et des intérêts de retard correspondant.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la SAS SDSM au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle auxquelles la SAS SDSM a été assujettie au titre de l'année 2010, et les intérêts de retard correspondant, sont remis à sa charge à concurrence de la somme correspondant à la rectification relative à la déduction des pénalités sociales.

Article 2 : Le jugement n° 1301072 du 10 avril 2015 du tribunal administratif de Toulon est réformé en ce qu'il a contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 500 euros à la SAS SDSM en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société par actions simplifiée Société de Distribution Saint-Maximoise.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. A..., président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.

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N° 19MA01816

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