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09/01/2020 | FRANCE | N°18MA04516-18MA04517

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 09 janvier 2020, 18MA04516-18MA04517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant trois ans.

Par un jugement n° 1804476 du 19 septembre 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision interdisant à M. A... son retour sur le t

erritoire français pendant trois ans et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédures d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant trois ans.

Par un jugement n° 1804476 du 19 septembre 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision interdisant à M. A... son retour sur le territoire français pendant trois ans et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédures devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2018 sous le n°18MA04516, M. A..., représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté du 15 septembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2018 en tant qu'il porte à son encontre obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et désignation du pays de renvoi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions attaquées ne sont pas suffisamment motivées ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- l'arrêté en litige méconnaît l'article 15 de la directive européenne 2008/115/CE ;

- il aurait dû bénéficier d'un délai de départ volontaire ;

- la décision le plaçant en rétention administrative méconnaît les dispositions des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet des Pyrénées-Orientales qui n'a pas produit d'observations en défense.

II. Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2018 sous le n° 18MA04517, M. A..., représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°) de surseoir, en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, à l'exécution du jugement n° 1804476 du 19 septembre 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2018 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et désignation du pays de renvoi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables sur sa situation personnelle ;

- il fait état de moyens sérieux d'annulation : l'arrêté du 15 septembre 2018 n'est pas suffisamment motivé ; les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; l'arrêté en litige méconnaît l'article 15 de la directive européenne 2008/115/CE ; il aurait dû bénéficier d'un délai de départ volontaire ; la décision le maintenant en rétention administrative méconnaît les dispositions des article L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet des Pyrénées-Orientales qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme E..., présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme B..., présidente de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 15 septembre 2018, le préfet des Pyrénées-Orientales a fait obligation à M. F... A..., ressortissant marocain né en 1979, de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant trois ans. Saisi par M. A..., le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier, par un jugement rendu le 25 juin 2018, a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions dont il était saisi. M. A... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la désignation du pays de renvoi et de la décision de maintien en rétention. Il présente également une requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes, qui sont dirigées contre le même jugement, pour statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne les moyens communs :

2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge au point 3 du jugement, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance et de l'erreur de motivation de l'arrêté du 15 septembre 2018.

3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. A... fait valoir son entrée en France en 2009, son intégration professionnelle en tant qu'agent d'entretien depuis 2012 et en tant qu'agent de tri en intérim depuis 2015 ainsi que l'ancrage de ses attaches privées et familiales à Asnières-sur-Seine. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français où il se maintient en situation irrégulière malgré une précédente mesure d'éloignement du 26 juin 2017 confirmée par un jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 23 janvier 2018. S'il verse au dossier ses bulletins de salaire depuis 2012 et un contrat de location du 28 janvier 2018 à son nom pour un appartement à Asnières-sur-Seine, il ne justifie pas d'une réelle insertion sociale en France. Il n'établit pas ne plus disposer d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente ans. Dans ces conditions, l'arrêté en litige ne peut être regardé comme ayant porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été édicté. Il n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

En ce qui concerne le placement en rétention :

5. En premier lieu, M. A... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 15 de la directive 2008/115/CE dès lors qu'elles ont été transposées en droit français par la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité dont il n'est pas soutenu qu'elle aurait méconnu les objectifs ou des dispositions précises et inconditionnelles de cette directive ou qu'elle l'aurait incomplètement transposée.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " I.- Dans les cas prévus aux 1° à 7° du I de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 511-1 peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire (...) ". Aux termes du 3° du II de l'article L. 511-1 du même code : " (...) Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : /.../ f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. ; (...) ".

7. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A..., qui a fait l'objet précédemment d'une décision du 26 juin 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, n'a pas exécuté cette décision. Il ressort en outre des pièces du dossier que le 15 septembre 2018, alors qu'il se rendait en Espagne, il était muni d'un passeport tchèque falsifié qu'il a présenté lors du contrôle. Dans ces conditions, alors même qu'il produit à l'instance un bail établi à son nom et des copies de bulletins de salaire, en considérant que l'intéressé ne présentait pas des garanties de représentation suffisantes, le préfet des Pyrénées-Orientales a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, ordonner son placement en rétention administrative. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes (...) ".

9. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A... n'était pas en mesure d'établir qu'il était entré régulièrement sur le territoire français et s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Il se dirigeait vers l'Espagne lors de son contrôle, le 15 septembre 2018, en possession d'un passeport tchèque falsifié. Dans ces conditions, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 511-1 II 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que l'intéressé pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français sans délai.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus des conclusions dont il était saisi.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

11. Le présent arrêt statue sur l'appel de M. A... tendant à l'annulation du jugement attaqué. Dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement.

Sur les frais liés au litige :

12. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... tendant d'une part, au paiement des entiers dépens du procès, lequel n'en comprend au demeurant aucun, et d'autre part, à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 19 septembre 2018.

Article 2 : La requête n° 18MA04516 de M. A... et ses conclusions tendant au paiement des dépens et à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance n° 18MA04517 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019, où siégeaient :

- Mme E..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme D... et Mme C..., premières conseillères.

Lu en audience publique le 9 janvier 2020.

N°18MA04516, 18MA04517 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04516-18MA04517
Date de la décision : 09/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : BONOMO FAY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-01-09;18ma04516.18ma04517 ?
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