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05/03/2020 | FRANCE | N°19MA00358

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 05 mars 2020, 19MA00358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Gaudissard à lui verser la somme de 18 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du non renouvellement de son contrat de travail, ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts à compter de la date de sa première demande d'indemnisation.

Par un jugement n° 1702038 du 22 novembre 201

8, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Gaudissard à lui verser la somme de 18 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du non renouvellement de son contrat de travail, ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts à compter de la date de sa première demande d'indemnisation.

Par un jugement n° 1702038 du 22 novembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2019, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 novembre 2018 ;

2°) de condamner l'EHPAD de Gaudissard à lui verser la somme de 18 000 euros à titre indemnitaire, ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts à compter du 28 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'EHPAD de Gaudissard une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et les dépens.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article 41 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 ont été méconnues en l'absence de notification de l'intention de renouveler ou non le contrat un mois avant son terme et du délai de réflexion de huit jours en cas de proposition de renouvellement ;

- les dispositions de l'article 40-1 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 ont été violées du fait de l'indication comme motif de rupture du contrat son refus de renouveler le contrat sur les documents de fin de mission ;

- aucune proposition de renouvellement du contrat ne lui a été faite ;

- les préjudices financier et moral doivent être indemnisés à hauteur de 18 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2019, l'EHPAD de Gaudissard, représenté par la SELARL BLT Droit Public, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant l'EHPAD de Gaudissard.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., recrutée par contrats à durée déterminée du 1er décembre 2014 au 30 septembre 2015 et du 7 décembre 2015 au 4 septembre 2016 par l'EHPAD de Gaudissard en qualité d'aide-soignante, relève appel du jugement du 22 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de condamnation de cet établissement à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du non renouvellement de son contrat.

2. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 41 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière que la décision notifiant l'intention de renouveler ou non un contrat régi par ces dispositions doit intervenir au moins un mois avant son terme lorsque l'agent a été recruté pour une durée égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans et que si l'administration entend procéder au renouvellement du contrat de son agent, un délai de huit jours doit être laissé à l'intéressé pour faire connaître son acceptation.

3. L'attestation établie le 4 octobre 2016 par la directrice des ressources humaines de l'EHPAD de Gaudissard n'est pas de nature à établir, à elle seule, qu'elle a proposé le renouvellement de son contrat à Mme A... lors d'un entretien qui s'est déroulé 30 août 2016, ce que la requérante a d'ailleurs contesté dès sa lettre du 16 septembre 2016. La réalité de cette proposition ne ressort pas davantage de l'attestation du 20 décembre 2016 établie par la cadre de santé. Si cette attestation fait par ailleurs état d'un mécontentement de Mme A..., qui l'aurait conduite à indiquer qu'elle ne resterait pas au sein de l'EHPAD, ces propos ne peuvent être regardés comme un refus de Mme A... d'accepter le renouvellement de son contrat. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal a, pour rejeter la requête de Mme A..., retenu que le renouvellement du contrat lui avait été proposé.

4. En deuxième lieu, l'article R. 1234-9 du code du travail dispose que " L'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi. (...) ".

5. Il est constant que l'attestation destinée à Pôle Emploi établie par l'EHPAD de Gaudissard précise que Mme A... a refusé le renouvellement de son contrat. Comme il a été dit au point 3, les informations ainsi portées à la connaissance de Pôle Emploi, présentent un caractère erroné et ont eu pour conséquence de priver l'intéressée, regardée comme n'ayant pas été involontairement privée d'emploi, du bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. L'inexactitude des mentions portées sur cette attestation constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'EHPAD de Gaudissard à l'égard de Mme A..., de nature à lui ouvrir un droit à réparation.

6. En revanche, et contrairement à ce que soutient Mme A..., la circonstance qu'aucune proposition de renouvellement de son contrat ne lui a été faite un mois avant son terme n'est pas susceptible de lui ouvrir un droit à réparation.

7. Le préjudice financier dont Mme Mme A... est fondée à demander réparation, est constitué du montant des allocations de retour à l'emploi dont elle a été privée entre le 5 septembre 2016, date de la fin de son contrat, et le 1er mars 2017, date à laquelle elle a effectivement commencé à percevoir cette allocation. Compte tenu de la durée de la période pendant laquelle elle a été privée de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, il y a lieu de lui allouer une indemnité de 6 300 euros à ce titre.

8. Il sera par ailleurs fait une juste appréciation du préjudice moral de la requérante en lui allouant la somme de 1 000 euros.

9. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes allouées à compter de la date d'enregistrement de sa requête de première instance au greffe du tribunal administratif, le 27 avril 2017, en l'absence de justification de la date à laquelle l'administration a reçu sa demande indemnitaire préalable du 28 décembre 2016. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 27 avril 2017. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du jour anniversaire de l'année suivant la date de réception de la demande indemnitaire préalable du 27 avril 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête et à demander que l'EHPAD de Gaudissard soit condamné à lui payer au titre du préjudice moral une indemnité de 1 000 euros et une indemnité correspondant à l'allocation d'aide au retour à l'emploi du 5 septembre 2016 au 1er mars 2017.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'EHPAD de Gaudissard demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'EHPAD de Gaudissard le versement d'une somme de 2 000 euros au profit de Me E..., conseil de la requérante, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : L'EHPAD de Gaudissard est condamné à verser à Mme A... la somme de 7 300 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 27 avril 2017. Les intérêts échus le 27 avril 2018 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : L'EHPAD de Gaudissard versera à Me E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'EHPAD de Gaudissard présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me E..., et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Gaudissard.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme D..., présidente-assesseure,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 5 mars 2020.

2

N° 19MA00358


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00358
Date de la décision : 05/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : SELARL GOURLIN-ABDELDJELIL - GRANGE - TRILLES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-05;19ma00358 ?
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