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22/07/2020 | FRANCE | N°19MA00238

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 22 juillet 2020, 19MA00238


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat à lui verser la somme de 267 817 euros au titre des préjudices causés par la rupture d'égalité de traitement entre les membres d'un même corps.

Par un jugement n° 1600481 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugeme

nt du 7 décembre 2018 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 267 817 euros au titre des p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat à lui verser la somme de 267 817 euros au titre des préjudices causés par la rupture d'égalité de traitement entre les membres d'un même corps.

Par un jugement n° 1600481 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2018 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 267 817 euros au titre des préjudices causés par la rupture d'égalité de traitement entre les membres d'un même corps ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il aurait dû être promu au grade de commandant de police dès 2002 et a fortiori, dès 2006, après l'entrée en vigueur du décret n° 2005-716 ;

- le retard avec lequel il a été promu à ce grade révèle une inégalité de traitement entre les membres d'un même corps ;

- le préjudice constitué par la perte du traitement afférent au grade de commandant entre 2002 et 2015 doit être réparé par l'allocation des sommes de 40 584 euros et de 2 233 euros au titre des intérêts au taux légal ;

- la perte subie sur le montant de sa pension de retraite doit être indemnisée à hauteur de 55 000 euros ;

- le préjudice moral doit être réparé par l'allocation d'une somme de 15 000 euros ;

- ayant perdu une chance sérieuse d'être promu commandant à l'échelon fonctionnel et commissaire de police au choix, il est en droit de percevoir une somme de 15 000 euros à ce titre ;

- les troubles dans les conditions d'existence résultant des problèmes de santé survenus doivent être réparés à hauteur de 50 000 euros ;

- il a subi un préjudice familial évalué à 90 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 février 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 95-656 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2005-716 du 29 juin 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de son inscription au tableau d'avancement au grade de commandant de police le 16 décembre 2015, M. C... a été nommé à ce grade durant l'année 2016. Alléguant remplir les conditions pour être nommé au grade de commandant depuis 2002, il a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat à lui verser la somme de 267 817 euros en réparation des préjudices qu'il aurait subis et qui résulteraient selon lui d'une rupture d'égalité de traitement entre les membres d'un même corps. Il fait appel du jugement du 7 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'avancement de grade a lieu de façon continue d'un grade au grade immédiatement supérieur. Il peut être dérogé à cette règle dans les cas où l'avancement est subordonné à une sélection professionnelle. / L'avancement de grade peut être subordonné à la justification d'une durée minimale de formation professionnelle au cours de la carrière. / Sauf pour les emplois laissés à la décision du Gouvernement, l'avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : 1° Soit au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle des agents ; (...) / Les décrets portant statut particulier fixent les principes et les modalités de la sélection professionnelle, notamment les conditions de grade et d'échelon requises pour y participer (...) ". Aux termes de l'article 17 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'établissement du tableau d'avancement de grade qui est soumis à l'avis des commissions administratives paritaires, il est procédé à un examen approfondi de la valeur professionnelle des agents susceptibles d'être promus compte tenu des notes obtenues par les intéressés, des propositions motivées formulées par les chefs de service et de l'appréciation portée sur leur manière de servir. Cette appréciation prend en compte les difficultés des emplois occupés et les responsabilités particulières qui s'y attachent ainsi que, le cas échéant, les actions de formation continue suivies ou dispensées par le fonctionnaire et l'ancienneté. ". En vertu de l'article 16 du décret du 9 mai 1995 portant statut particulier du corps de commandement et d'encadrement de la police nationale, abrogé à compter du 1er juillet 2005, pouvaient être inscrits au tableau annuel d'avancement pour l'accès au grade de commandant de police les capitaines de police comptant dix ans de services effectifs depuis leur titularisation dans le corps de commandement et d'encadrement de la police nationale, dont cinq ans au moins en qualité de capitaine de police et ayant atteint au plus le 4ème échelon de leur grade. Il résulte des dispositions de l'article 15 du décret du 29 juin 2005 portant statut particulier du corps de commandement de la police nationale, en vigueur depuis cette date du 1er juillet 2005, que peuvent être nommés au grade de commandant de police, au choix, par voie d'inscription sur un tableau annuel d'avancement, après avis de la commission administrative paritaire, et à la condition de satisfaire à cette occasion à une obligation de mobilité géographique ou fonctionnelle, les capitaines de police ayant atteint au plus le 5ème échelon de leur grade, qui comptent au moins douze ans de services effectifs depuis leur titularisation dans le corps de commandement de la police nationale, dont cinq ans au moins passés en qualité de capitaine de police.

3. En premier lieu, pour procéder à la consultation de la commission administrative paritaire sur son projet de tableau annuel d'avancement au grade supérieur d'un cadre d'emplois et sur son projet de liste d'aptitude au cadre d'emplois de la catégorie supérieure, l'autorité administrative compétente n'est pas tenue, en vertu des dispositions des articles 39 et 79 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, de faire figurer l'ensemble des agents remplissant les conditions pour être promus sur les projets de tableau et de liste soumis à la commission administrative paritaire. Elle doit, en revanche, d'une part, préalablement à la présentation des projets de tableau et de liste, avoir procédé à un examen de la valeur professionnelle de chacun des agents remplissant les conditions pour être promus et, d'autre part, tenir à la disposition de la CAP les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour établir ses projets de tableau et de liste après avoir comparé les mérites respectifs des agents.

4. Il résulte de l'instruction que M. C... a été titularisé en qualité d'inspecteur de police à compter du 1er novembre 1988. Alors titulaire du grade d'inspecteur principal, il a, par arrêté du 25 janvier 1996, été reclassé au premier échelon du grade de capitaine de police à compter du 16 décembre 1994. Le requérant ayant atteint le 4ème échelon de son grade le 16 décembre 2000, il est constant qu'il remplissait dès l'année 2002 les conditions statutaires pour être nommé au grade de commandant de police et qu'il les remplissait toujours à la date d'entrée en vigueur du décret du 29 juin 2005. Ainsi qu'il a été exposé au point précédent, cette circonstance n'obligeait pas l'administration à l'inscrire sur les projets de tableau et de liste soumis à la commission administrative paritaire.

5. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article 17 du décret du 9 mai 1995 que les notes obtenues par les intéressés et leur ancienneté ne constituent que des éléments d'appréciation pour l'établissement des tableaux d'avancement au choix, cette appréciation devant prendre en compte par ailleurs les difficultés des emplois occupés et les responsabilités particulières qui s'y attachent ainsi que, le cas échéant, les actions de formation continue suivies ou dispensées par le fonctionnaire.

6. D'une part, M. C... a été affecté à la circonscription de sécurité publique de Metz à compter du 3 février 1997 où il a occupé les fonctions de chef de groupe. Muté à sa demande, à compter du 1er février 2008, à l'antenne de Nice de la direction interrégionale de police judiciaire de Marseille pour occuper en principe un poste d'adjoint au chef de groupe, il a, compte tenu du nombre d'officiers affectés dans ce service, été positionné au sein d'un groupe à un rang hiérarchique inférieur, soit en quatrième position à son arrivée avant d'accéder progressivement aux fonctions d'adjoint, puis, à compter du 25 novembre 2013, à celles de chef de groupe. Et, il ne résulte pas de l'instruction que les affectations successives reçues par M. C... à l'antenne de Nice de la direction interrégionale de police judiciaire de Marseille, déterminées en fonction de la manière de servir de l'intéressé et en tenant compte du nombre d'officiers en fonction, révèleraient une rupture d'égalité à son détriment. Par ailleurs, les avis émis par l'autorité hiérarchique compétente sur ses candidatures à l'avancement au grade de commandant de police présentées chaque année de 2005 à 2013 relèvent, en 2005 et en 2006, son aptitude à occuper les fonctions correspondant à ce grade. Cependant, l'avis émis en 2007 a relevé, qu'en dépit de réelles qualités techniques, le requérant ne se présentait pas comme un " réel meneur d'homme et gestionnaire de groupe ". Un tel avis n'a pu être émis en 2008 en raison des nombreuses absences de l'intéressé empêchant son évaluation. Postérieurement à cette date, l'autorité hiérarchique s'est bornée à constater que M. C... remplissait les conditions statutaires pour prétendre à cet avancement mais qu'il n'occupait pas un poste " nomenclaturé " permettant d'apprécier ses aptitudes réelles. Or, il n'est pas établi que les appréciations portées sur l'intéressé, l'auraient été sur d'autres critères ou considérations que ceux indiqués au point 5.

7. D'autre part, M. C... soutient que le retard avec lequel il a été promu au grade de commandant de police révèle une inégalité de traitement entre les membres d'un même corps dans la mesure où la grande majorité des officiers titulaires comme lui du grade de capitaine de police affectés à la circonscription de sécurité publique de Metz ou à l'antenne de Nice de la direction interrégionale de police judiciaire de Marseille ont bénéficié avant lui de cette promotion alors que leur ancienneté dans le grade était alors de 5 à 9 ans seulement, la sienne étant de 21 ans à la date de sa promotion en 2016. Cependant, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité administrative règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la décision qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Au cas d'espèce, les propositions d'inscription au tableau d'avancement émises par l'autorité administrative résultent nécessairement d'une appréciation de la situation individuelle particulière de chacun des fonctionnaires qui remplissent les conditions statutaires. Ces fonctionnaires doivent donc être regardés comme se trouvant dans des situations différentes. M. C... ne peut donc utilement se prévaloir, de manière générale, de situations différentes de la sienne.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. D..., président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.

N° 19MA00238 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00238
Date de la décision : 22/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Avancement - Avancement de grade - Tableaux d'avancement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : MAIGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-22;19ma00238 ?
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