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22/10/2020 | FRANCE | N°19MA04556

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 22 octobre 2020, 19MA04556


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 mai 2019 du préfet des Pyrénées-Orientales lui refusant le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1902883 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le

19 octobre 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 mai 2019 du préfet des Pyrénées-Orientales lui refusant le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1902883 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 9 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ", ou à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a procédé à une substitution de base légale sans respecter le principe du caractère contradictoire de la procédure ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il est fondé sur les dispositions des articles L. 313-7 et R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation du sérieux des études et de son état de santé ;

- il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il est fondé sur les dispositions des articles L. 313-7 et R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte pas de critique du jugement attaqué ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 6117 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public relevé d'office par la Cour tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi par le préfet, qui a fondé la décision en litige sur le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur la convention franco-sénégalaise.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention franco-sénégalaise du 1er aout 1995 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais, relève appel du jugement du 20 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 9 mai 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.

Sur la fin de non-recevoir :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. La requête de M. A..., qui critique notamment la régularité du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 septembre 2019, contient un exposé des faits et des moyens à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement. Ainsi, contrairement à ce qui est allégué par le préfet des Pyrénées-Orientales, la requête contient une critique du jugement attaqué.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

5. Pour rejeter la demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant formée par M. A..., le préfet s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 313- 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile inapplicables à la demande de renouvellement d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " d'un ressortissant sénégalais comme l'est le requérant. L'administration n'a pas demandé dans ses écritures en défense de première instance la substitution de base légale de la décision en litige avec les stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995, seules applicables en l'espèce. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal a appliqué d'office la convention francosénégalaise sans avoir mis les parties en mesure de présenter leurs observations sur cette substitution de base légale. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité pour ce motif et à en demander l'annulation.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

7. En premier lieu, le signataire de l'arrêté contesté, M. Ludovic Pacaud, secrétaire général de la préfecture des PyrénéesOrientales, bénéficiait d'une délégation de signature consentie par arrêté du préfet des PyrénéesOrientales du 4 juin 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer " tous actes, arrêtés, décisions, circulaires, rapports, mémoires, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département des PyrénéesOrientales " à l'exception d'une part des réquisitions de la force armée et, d'autre part des arrêtés portant élévation de conflit. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

8. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué expose les motifs de droit et de fait sur lesquels il se fonde. Ces indications ont permis à M. A... de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre. L'arrêté est ainsi suffisamment motivé.

9. En troisième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". L'article 9 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 modifiée stipule que : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre Etat, doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi (...). Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. Les intéressés reçoivent le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants " ; que l'article 13 de la même convention stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". La situation des ressortissants sénégalais désireux de poursuivre leurs études supérieures en France est régie par les stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise susvisée et non par les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet des PyrénéesOrientales ne pouvait donc légalement se fonder, pour prendre l'arrêté contesté, sur les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 régit les conditions dans lesquelles les ressortissants sénégalais peuvent être admis à séjourner en France en qualité d'étudiant.

10. Toutefois, et dès lors que l'application des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont privé M. A... d'aucune des garanties prévues par les stipulations de l'article 9 de l'accord franco-sénégalais, il y a lieu, pour la cour, de procéder à une substitution de base légale en examinant la légalité de la décision contestée au regard de ces dernières stipulations.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né le 2 mars 1993, est entré en France le 23 août 2014 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " valable du 16 août 2014 au 16 août 2015 et a bénéficié à ce titre de plusieurs titres de séjour jusqu'au 30 septembre 2018. Il a obtenu au mois de juin 2015 une Licence 1 en informatique. Il a été inscrit en Licence 2 au titre des années universitaires 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018 sans jamais valider la seconde année de son cursus. A l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, M. A... a produit une inscription pour l'année 2018/2019 à une autre Licence 1 dénommée " Sciences pour l'ingénieur " (SPI), laquelle, d'une part, n'a pas vocation à lui permettre de progresser dans ses études et, d'autre part, ne s'inscrit dans aucun projet professionnel précis et cohérent. Si le requérant se prévaut de problèmes de santé, les documents médicaux et l'attestation d'un enseignant qu'il produit, dont la majorité sont peu circonstanciés ou rédigés en 2019, n'établissent pas que les crises d'épilepsie dont il souffre l'auraient empêché de réviser et de se présenter aux examens. La circonstance, postérieure à l'arrêté contesté, que l'intéressé a validé les deux premières années de la seconde licence aux mois de juin 2019 et de juin 2020 et est inscrit en troisième année au titre de l'année scolaire 2020/2021 est sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, en estimant que M. A... ne justifiait pas de la réalité et du sérieux de ses études et en refusant, pour ce motif, de lui renouveler son titre de séjour, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas méconnu les stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise ni commis d'erreur d'appréciation.

12. En quatrième lieu, le préfet n'a pas davantage entaché l'arrêté contesté d'une erreur sur les faits en considérant que l'état de santé de l'intéressé ne permettait pas d'expliquer ses trois échecs successifs en Licence 2 informatique ni d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

13. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour fixer le délai de départ volontaire dont est assortie l'obligation de quitter le territoire français, le préfet se soit estimé lié par le délai de trente jours énoncé au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... a pour conséquence d'interrompre ses études en cours d'année universitaire, cette seule circonstance n'est pas de nature à justifier qu'un délai de départ volontaire supérieur au délai de droit commun de trente jours lui soit accordé jusqu'à la fin de son cursus universitaire.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2019 du préfet des Pyrénées-Orientales. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 20 septembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme D..., première conseillère,

- M. Sanson, conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.

2

N° 19MA04556


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04556
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CHNINIF

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-22;19ma04556 ?
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