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09/11/2020 | FRANCE | N°19MA05421

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 09 novembre 2020, 19MA05421


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté, en date du 3 juillet 2019, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel, passé ce délai, il pourrait être renvoyé d'office.

Par un jugement n° 1906793 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Pr

océdure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 décembre 2019, M. B..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté, en date du 3 juillet 2019, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel, passé ce délai, il pourrait être renvoyé d'office.

Par un jugement n° 1906793 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 décembre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 novembre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 juillet 2019 ;

3°) de faire injonction au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa situation dans les quinze jours suivant la notification de la décision à venir, en le munissant, durant ce délai, d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour contesté est insuffisamment motivé ;

- cette décision fait une inexacte application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il appartenait au préfet de justifier de l'accessibilité du traitement approprié à son état de santé en Arménie ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision refusant son admission au séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les conditions requises par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étant pas réunies, le préfet ne pouvait assortir le refus de séjour d'une mesure d'éloignement ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français procède d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée le 7 juillet 2020 au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 septembre 2020.

Par ordonnance du 20 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... D..., rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né en 1945 et de nationalité arménienne, relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 novembre 2019 qui a rejeté son recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté, en date du 3 juillet 2019, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour étranger malade, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel, passé ce délai, il pourrait être renvoyé d'office.

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. Le refus de séjour contesté vise les textes dont il fait application, notamment l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles

3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision contestée mentionne les circonstances dans lesquelles M. B... est entré en France et retrace ses conditions de séjour sur le territoire national. Cet arrêté, après avoir visé sa demande d'admission au séjour présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait référence à l'avis émis le 9 avril 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur son état de santé dont il reprend la teneur, pour conclure qu'il ne remplissait pas les conditions pour être admis au séjour pour raisons médicales. Cet arrêté indique également que le préfet a procédé à l'examen de la situation personnelle de M. B... au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Compte tenu de ces éléments, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, ne peut qu'être écarté. Une telle motivation ne révèle pas davantage que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de M. B....

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...). ".

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. L'avis émis le 9 avril 2019 par le collège des médecins de l'OFII précise que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé arménien, il peut y bénéficier d'un traitement approprié. M. B... affirme que " la plupart des médicaments indispensables au traitement " de sa pathologie " ne sont pas enregistrés en Arménie ". Toutefois, ni le certificat médical confidentiel adressé aux médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui décrit la pathologie dont souffre l'intéressé ainsi que le traitement prescrit, ni le bulletin de situation de l'hospitalisation de M. B... du 24 août au 20 septembre 2018 ne permettent de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet sur la disponibilité de soins en Arménie. Par ailleurs, M. B..., en se bornant à se prévaloir d'une réponse du ministère de la santé de la République d'Arménie datée du 29 août 2019 concernant l'absence d'enregistrement de treize médicaments dont certains lui sont prescrits, n'établit pas davantage que les médicaments nécessaires au traitement de sa maladie ne pourraient pas être remplacés par d'autres composés de molécules similaires aux effets analogues. Par suite, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal et sans renverser la charge de la preuve qui incombe à l'autorité préfectorale, les éléments produits par M. B... ne sont pas de nature à infirmer l'appréciation du collège des médecins du service médical de l'OFII quant à l'existence effective d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Si l'appelant soutient que " l'inefficience du système d'assurance et de remboursement en Arménie " ne lui permet pas de bénéficier d'un accès effectif aux soins dans son pays d'origine, il n'en justifie cependant pas par les seules pièces qu'il produit. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commettre d'erreur d'appréciation que le préfet des Bouches-du-Rhône a édicté la décision de refus de séjour querellée.

7. En troisième lieu aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. Si M. B... fait valoir qu'il réside en France avec son épouse depuis le mois de septembre 2017, que ses deux enfants et ses petits-enfants y résident également et qu'il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a vécu en Arménie jusqu'à l'âge de soixante-douze ans. Dans ces conditions, compte tenu de la durée de séjour en France de M. B... où il résidait depuis moins de deux ans à la date de la décision attaquée, le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant de lui délivrer le titre sollicité, n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier que, malgré la présence régulière en France de ses enfants ainsi que de ses petits-enfants, le préfet des Bouches-du-Rhône se soit livré à une appréciation erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B... ni que cette décision relève d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. En dernier lieu, si M. B... fait valoir, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, que les conditions prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prendre une telle mesure n'étaient pas réunies et que cette décision procède d'une erreur manifeste d'appréciation, il n'assortit pas ces moyens de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier la portée. A supposer qu'il ait entendu se référer à l'argumentation développée à l'encontre du refus de titre de séjour ou exciper de l'illégalité de ce dernier, ces moyens ne peuvent alors qu'être rejetés pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus par lesquels il a été statué sur la légalité de ce refus.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 novembre 2019 et de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 juillet 2019. Ses conclusions en injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme A... D..., présidente assesseure,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2020.

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N° 19MA05421

MY


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05421
Date de la décision : 09/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : VAISSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-09;19ma05421 ?
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