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19/11/2020 | FRANCE | N°19MA05781

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 19 novembre 2020, 19MA05781


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de construction vente (SCCV) SAMSUD a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2016 par lequel le maire de la commune de Gorbio lui a refusé un permis de construire deux immeuble de neuf logements sur une parcelle située route du sanatorium au lieu-dit La Sigua à Gorbio et la décision par laquelle son recours gracieux a été rejeté et d'enjoindre à la commune de Gorbio de lui délivrer le permis de construire.

Par un jugement n° 1702437 du 6

novembre 2019, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 26 décembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de construction vente (SCCV) SAMSUD a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2016 par lequel le maire de la commune de Gorbio lui a refusé un permis de construire deux immeuble de neuf logements sur une parcelle située route du sanatorium au lieu-dit La Sigua à Gorbio et la décision par laquelle son recours gracieux a été rejeté et d'enjoindre à la commune de Gorbio de lui délivrer le permis de construire.

Par un jugement n° 1702437 du 6 novembre 2019, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 26 décembre 2016 et la décision portant rejet du recours gracieux de la SCCV SAMSUD, et a jugé qu'il n'y a pas de lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2019, et des mémoires complémentaires enregistrés les 23 juin, 21 juillet, et 15 septembre 2020, la commune de Gorbio, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 novembre 2019 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de rejeter la demande de la SCCV SAMSUD ;

3°) de mettre à la charge de la SCCV SAMSUD la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance de la règle du contradictoire est inopérant car la SCCV SAMSUD n'a pas obtenu de permis de construire tacite ;

- sur la mauvaise insertion des parkings, la commune a pris en compte les pièces complémentaires déposées par le pétitionnaire ;

- la SCCV SAMSUD n'était pas en possession d'une autorisation de défrichement et ne pouvait donc pas obtenir de permis de construire en application de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme et de l'article 341-7 du code forestier ;

- le SIECL a émis un avis défavorable sur la desserte par l'eau potable.

Par des mémoires enregistré les 11 juin, 8 juillet et 18 août 2020, la SCCV SAMSUD, représentée par Me E... B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Gorbio de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Un mémoire a été enregistré le 2 octobre 2020, présenté pour la SCCV SAMSUD, et non communiqué en application des dispositions de l'article R. 6111 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code forestier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SCCV SAMSUD.

Considérant ce qui suit :

1. La SCCV SAMSUD a déposé le 22 juillet 2016 une demande de permis de construire deux immeubles comportant huit logements sur une parcelle située route du sanatorium au lieu-dit La Sigua, sur le territoire de la commune de Gorbio. Par un arrêté du 26 décembre 2016, le maire de la commune de Gorbio a refusé le permis de construire. Par un jugement du 6 novembre 2019, dont la commune de Gorbio relève appel, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté.

2. En premier lieu, l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme dispose : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Aux termes de l'article R. 423-2 de ce code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". Aux termes de l'article R. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : a) Un mois pour les déclarations préalables ;b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ;c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. ". Aux termes de l'article R. 423-24 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois : a) Lorsque le projet est soumis, dans les conditions mentionnées au chapitre V, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme... ". Aux termes de l'article R. 425-30 : " Lorsque le projet est situé dans un site inscrit, la demande de permis ou la déclaration préalable tient lieu de la déclaration exigée par l'article L. 341-1 du code de l'environnement. Les travaux ne peuvent être entrepris avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande ou de la déclaration. La décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable intervient après consultation de l'architecte des Bâtiments de France. ". Aux termes de l'article R. 423-38 du même code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un courrier électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. ". Aux termes de l'article R. 423-39 du même code : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. ". Aux termes de l'article R. 423-40 du même code : " Si dans le délai d'un mois mentionné à l'article R. 423-38, une nouvelle demande apparaît nécessaire, elle se substitue à la première et dresse de façon exhaustive la liste des pièces manquantes et fait courir le délai mentionné au a de l'article R. 423-39. ". Aux termes de l'article R. 423-41 du même code: " Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d'un mois prévu à l'article R. 423-38 n'a pas pour effet de modifier les délais d'instruction définis aux articles R. 423-23 à R. 423-37-1 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R. 423-42 à R. 423-49. ". Aux termes de R. 423-42 du même code : " Lorsque le délai d'instruction de droit commun est modifié en application des articles R. 423-24 à R. 423-33, l'autorité compétente indique au demandeur ou à l'auteur de la déclaration, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie : a) Le nouveau délai et, le cas échéant, son nouveau point de départ ; b) Les motifs de la modification de délai ; c) Lorsque le projet entre dans les cas prévus à l'article R. 424-2, qu'à l'issue du délai, le silence éventuel de l'autorité compétente vaudra refus tacite du permis. Copie de cette notification est adressée au préfet. ". Enfin, aux termes de l'article R. 423-43 du même code : " Les modifications de délai prévues par les articles R. 423-24 à R. 423-33 ne sont applicables que si les notifications prévues par la présente sous-section ont été faites. ".

3. D'une part, eu égard à l'objet du projet, et le maire de la commune de Gorbio n'ayant pas notifié de majoration du délai d'instruction dans le délai d'un mois à compter du dépôt en mairie du dossier de demande de permis de construire, le délai d'instruction de la demande de permis de construire déposée par la SCCV SAMSUD était de trois mois.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la commune de Gorbio a adressé le 19 août 2016 à Mme A... une demande de pièces complémentaires, et il n'est pas contesté que cette personne a reçu cette demande dans le délai d'un mois du dépôt du dossier de demande de permis de construire. Si la SCCV SAMSUD soutient que cette personne n'avait pas qualité pour recevoir cette demande, il ressort de l'imprimé " CERFA " rempli par le pétitionnaire que Mme A... avait été désignée comme la personne à laquelle devaient être adressés les courriers du service instructeur. La lettre du 19 août 2016 a ainsi interrompu le délai d'instruction de trois mois de la demande de permis de construire, qui a recommencé à courir à compter de la réception en mairie des pièces demandées, le 29 août 2016. En revanche, il ressort des dispositions précitées de l'article R. 423-39 que seul l'envoi d'une demande de pièces complémentaires par le service instructeur est de nature à interrompre ce délai et que la circonstance que le pétitionnaire adresse spontanément des pièces à l'administration n'est pas de nature à faire courir un nouveau délai. La circonstance que la SCCV SAMSUD a adressé de nouvelles pièces à la commune les 27 octobre et 25 novembre 2016 n'a donc pas été de nature à faire courir un nouveau délai d'instruction. Un permis de construire tacite est né dès lors le 29 novembre 2016. L'arrêté en litige du 26 décembre 2016 s'analyse ainsi en un retrait de ce permis de construire tacite.

5. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, issu de la codification de l'article 24 de la loi du 12 juillet 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable.". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Dans l'hypothèse où un maire envisage de retirer un permis de construire, il est tenu de respecter la procédure prévue par les dispositions précitées.

6. Toutefois, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 121-1 constitue une garantie pour le titulaire du permis que le maire envisage de retirer. Dans les circonstances de l'espèce, la SCCV SAMSUD, qui n'a pas été en mesure de présenter ses observations sur les motifs du maire de la commune de Gorbio de retirer le permis de construire obtenu, a été effectivement privée de cette garantie. L'arrêté du 26 décembre 2016 est ainsi entaché d'illégalité.

7. En deuxième lieu, le maire de la commune de Gorbio a motivé sa décision par le fait que le projet comprend une zone de stationnement terrassée dans le terrain naturel avec un mur de soutènement, que l'effet d'atténuation de l'impact de ce mur par des pergolas végétalisées n'est pas suffisant, qu'il convient de prévoir un parking enterré en conservant le terrain naturel pour garantir l'insertion dans le paysage constitutif du site inscrit et que les pièces modificatives déposées en mairie le 25 novembre 2016 n'ont pas pu être prises en compte au stade de l'instruction auquel était le dossier et auraient dû en tout état de cause être accompagnées d'autres éléments modifiés, tels que notice décrivant le projet, plan de masse, documents graphiques d'insertion.

8. Contrairement à ce qui est mentionné dans cet arrêté, il appartenait au service instructeur de prendre en compte les nouveaux documents adressés par le pétitionnaire et qui comportaient précisément, en accord avec l'architecte des bâtiments de France, la réalisation d'un parking enterré. Ce motif ne pouvait donc pas justifier un refus de permis de construire.

9. En troisième lieu, le maire de la commune de Gorbio a motivé le refus de permis de construire par le fait que la desserte en eau du terrain objet de la demande de permis de construire ne pourra être assurée en l'état par le concessionnaire Orfeo-Veolia à partir du réseau du syndicat intercommunal des eaux des corniches et du littoral (SIECL).

10. Il résulte de l'avis du concessionnaire, non utilement contesté, que la desserte du projet nécessite une extension du réseau de distribution de l'eau potable sur une distance de 420 mètres pour un coût estimatif de 152 000 euros. Dès lors, alors même que le pétitionnaire était disposé à financer cette extension, le terrain ne pouvait être regardé comme raccordé au réseau de distribution d'eau potable et le projet ne respecte donc pas l'article UD4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Gorbio. Celle-ci est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a jugé que ce motif ne pouvait pas justifier un refus de permis de construire.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme : " Conformément à l'article L. 341-7 du nouveau code forestier, lorsque le projet porte sur une opération ou des travaux soumis à l'autorisation de défrichement prévue aux articles L. 341-1 et L. 341-3 du même code, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis ". Aux termes de l'article L. 341-3 du code forestier : " Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation. / L'autorisation est délivrée à l'issue d'une procédure fixée par décret en Conseil d'Etat. / La validité des autorisations de défrichement est fixée par décret. (...) ".

12. D'une part, si le précédent propriétaire du terrain d'assiette du projet a obtenu une autorisation de défrichement, la SCCV SAMSUD ne peut se prévaloir de cette autorisation qui n'a pas fait l'objet d'une décision administrative de transfert à son nom. Du reste, le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé cette autorisation par une décision du 13 mai 2016.

13. D'autre part, les dispositions précitées de l'article R. 423-38, qui se trouvent dans une section du code de l'urbanisme relative à l'instruction des demandes de permis et ont pour objet de préciser les conditions dans lesquelles est susceptible de naître, le cas échéant, au profit du demandeur un permis de construire tacite, ne peuvent être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une décision refusant un permis de construire. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la SCCV SAMSUD n'est pas fondée à se prévaloir de ces dispositions pour soutenir que le maire de la commune de Gorbio n'a pu valablement refuser le permis de construire au motif que le pétitionnaire ne bénéficie pas d'une autorisation de défrichement sans l'avoir invitée à produire ce document.

14. Il résulte de ce qui précède que la commune de Gorbio n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l'arrêté du 26 décembre 2016.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCCV SAMSUD, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la commune de Gorbio sur le fondement de ces dispositions. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gorbio la somme de 2 000 euros à verser à la SCCV SAMSUD au titre des frais engagés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Gorbio est rejetée.

Article 2 : La commune de Gorbio versera à la SCCV SAMSUD la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gorbio et à la société civile de construction vente (SCCV) SAMSUD.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Poujade, président,

- M. D..., président assesseur,

- Mme Gougot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.

4

N°19MA05781

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05781
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Retrait - Retrait des actes créateurs de droits - Conditions du retrait.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Régime d'utilisation du permis - Retrait du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : SCP COURTIGNON - BEZZINA - LE GOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-19;19ma05781 ?
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