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30/11/2020 | FRANCE | N°19MA00047

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 30 novembre 2020, 19MA00047


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Haute-Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 23 février 2018 par lequel le maire de la commune de Bastia a interdit les spectacles de cirques d'animaux sauvages et/ou domestiques sur le site de l'Arinella jusqu'au 31 décembre 2018.

Par un jugement n° 1800479 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 23 février 2018.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2019, la com

mune de Bastia, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Haute-Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 23 février 2018 par lequel le maire de la commune de Bastia a interdit les spectacles de cirques d'animaux sauvages et/ou domestiques sur le site de l'Arinella jusqu'au 31 décembre 2018.

Par un jugement n° 1800479 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 23 février 2018.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2019, la commune de Bastia, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 8 novembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par le préfet de la Haute-Corse devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le risque d'atteinte à l'ordre public était réel, de même que celui d'entrave à la circulation et de maltraitance animale, laquelle est contraire à la moralité publique et donc à l'ordre public ; l'interdiction prononcée était dès lors justifiée, a fortiori compte-tenu du public concerné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2019, le préfet de la Haute-Corse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 18 mars 2011 fixant les conditions de détention et d'utilisation des animaux vivants d'espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Bastia relève appel du jugement du 8 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia, faisant droit à la demande du préfet de la Haute-Corse, a annulé l'arrêté pris par son maire le 23 février 2018, interdisant les spectacles de cirques d'animaux sauvages et/ou domestiques sur le site de l'Arinella jusqu'au 31 décembre 2018.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) / (...) / 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ; / (...) ". S'il appartient au maire, en application des pouvoirs de police qu'il tient de ces dispositions, de prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, les interdictions édictées à ce titre doivent être strictement proportionnées à leur nécessité.

3. En premier lieu, en l'espèce, le maire de la commune de Bastia fait valoir que, dans le fil d'un mouvement de contestation nationale, il a reçu, préalablement à l'édiction de l'arrêté attaqué, de nombreux courriers électroniques d'administrés, faisant part de leur hostilité aux spectacles itinérants faisant intervenir des animaux vivants, et plusieurs manifestations d'opposition à de tels spectacles ont été organisées en Corse. Il ne ressort toutefois pas des éléments qu'il produit à ce sujet qu'un risque de débordement à l'entrée des cirques aurait existé, ni en tout état de cause, qu'un tel risque n'aurait pu être circonscrit par d'autres mesures que l'interdiction des spectacles en cause.

4. En deuxième lieu, il n'est pas davantage établi que l'organisation de ces spectacles sur le site de l'Arinella serait, de par les manifestations d'opposition qu'elle serait susceptible de susciter, de nature à générer une entrave à la circulation qui ne pourrait être évitée autrement que par le prononcé de la mesure litigieuse.

5. En troisième lieu, selon les principes énoncés aux articles L. 214-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, tout animal, étant un être sensible, doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce et il est interdit d'exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques et sauvages apprivoisés ou tenus en captivité. Les dispositions du code de l'environnement, particulièrement son article L. 413-3, prévoient un régime d'autorisation préalable pour l'ouverture des établissements destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère. Afin de permettre notamment l'application de ces dispositions, précisées aux articles R. 413-1 à R. 413-51 du code de l'environnement auxquels les dispositions législatives et réglementaires du code rural et de la pêche maritime relatives à la protection des animaux renvoient, l'arrêté du 18 mars 2011 fixe les conditions de détention et d'utilisation des animaux vivants d'espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants. Selon le cadre législatif et réglementaire ainsi mis en place, il appartient au préfet de département de délivrer les autorisations nécessaires à l'exercice de cette activité et d'en effectuer le contrôle. Dès lors, le maire ne saurait, sur le fondement de ses pouvoirs de police générale, et sans porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale ainsi conférés aux autorités de l'Etat, adopter, dans le but d'assurer la protection du bien-être et de la dignité des animaux, une mesure d'interdiction des spectacles de cirques d'animaux sur le territoire de sa commune telle celle de l'espèce.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bastia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté pris par son maire le 23 février 2018.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la commune de Bastia et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Bastia est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bastia et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2020.

N°19MA00047 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00047
Date de la décision : 30/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Étendue des pouvoirs de police - Illégalité des mesures excédant celles qui sont nécessaires à la réalisation des buts poursuivis.

Police - Étendue des pouvoirs de police - Police générale et police spéciale - Combinaison des pouvoirs de police générale et de police spéciale.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : GIANSILY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-30;19ma00047 ?
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