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10/12/2020 | FRANCE | N°19MA04371-19MA04372

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 10 décembre 2020, 19MA04371-19MA04372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... E... et, son épouse, Mme D... F... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les arrêtés du 26 juin 2019 par lesquels le préfet du Var a rejeté leur demande de titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination et d'enjoindre au préfet du Var de procéder à un nouvel examen de leur demande d'admission au séjour et de surseoir à ce réexamen dans l'attente de la décision des juridictions de l'asile.<

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Par des jugements n° 1902822 et n° 1902823 du 22 août 2019, le président du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... E... et, son épouse, Mme D... F... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les arrêtés du 26 juin 2019 par lesquels le préfet du Var a rejeté leur demande de titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination et d'enjoindre au préfet du Var de procéder à un nouvel examen de leur demande d'admission au séjour et de surseoir à ce réexamen dans l'attente de la décision des juridictions de l'asile.

Par des jugements n° 1902822 et n° 1902823 du 22 août 2019, le président du tribunal administratif de Toulon a annulé ces arrêtés en tant qu'ils font obligation à M. E... et à Mme F... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe l'Ukraine comme pays de destination, a enjoint au préfet du Var de procéder au réexamen de la situation de M. E... et de Mme F... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme totale de 1 500 euros à verser au conseil des requérants au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 septembre 2019 et le 30 décembre 2019 sous le n° 19MA04371, le préfet du Var, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Toulon du 22 août 2019 en tant qu'il annule la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination et a mis à la charge de l'Etat la somme de 750 euros à verser au conseil de Mme F... ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) d'ordonner le remboursement de la somme de 750 euros versée au conseil de Mme F... au titre des frais irrépétibles de première instance.

Il soutient que :

- la cour nationale du droit d'asile qui avait connaissance des deux documents sur lesquels le président du tribunal administratif de Toulon s'est fondé pour annuler l'arrêté du 26 juin 2019 ne les a pas considérés comme suffisamment probants et a refusé de reconnaître à l'intéressée la qualité de réfugié ;

- l'Office français de protection des réfugiés et apatrides auquel a été transmis ces documents a rejeté comme irrecevable la demande de réexamen de la demande d'asile ;

- l'arrêté ne méconnait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne viole pas l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 6 novembre 2019, Mme F..., représentée par Me Keita, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet du Var ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Keita au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la demande de remboursement est irrecevable dès lors que l'Etat dispose du pouvoir d'émettre un titre exécutoire ;

- les moyens soulevés par le préfet du Var ne sont pas fondés.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2019.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 septembre 2019 et le 30 décembre 2019 sous le n° 19MA04372, le préfet du Var, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Toulon du 22 août 2019 en tant qu'il annule la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination et a mis à la charge de l'Etat la somme de 750 euros à verser au conseil de M. E... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) d'ordonner le remboursement de la somme de 750 euros versée au conseil de M. E... au titre des frais irrépétibles de première instance.

Il soutient que :

- la cour nationale du droit d'asile qui avait connaissance des deux documents sur lesquels le président du tribunal administratif de Toulon s'est fondé pour annuler l'arrêté du 26 juin 2019 ne les a pas considérés comme suffisamment probants et a refusé de reconnaître à l'intéressé la qualité de réfugié ;

- l'Office français de protection des réfugiés et apatrides auquel a été transmis ces documents a rejeté comme irrecevable la demande de réexamen de la demande d'asile ;

- l'arrêté ne méconnait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne viole pas l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 6 novembre 2019, M. E..., représenté par Me Keita, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet du Var ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Keita au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la demande de remboursement est irrecevable dès lors que l'Etat dispose du pouvoir d'émettre un titre exécutoire ;

- les moyens soulevés par le préfet du Var ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Var relève appel des jugements du 22 août 2019 par lesquels le président du tribunal administratif de Toulon a, d'une part, annulé les arrêtés du 26 juin 2019 du préfet du Var rejetant la demande de titre de séjour de M. E... et de Mme F..., les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination en tant qu'ils font obligation aux intéressés de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixent l'Ukraine comme pays de destination, d'autre part, enjoint au préfet du Var de procéder au réexamen de la situation de M. E... et de Mme F... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme totale de 1 500 euros à verser à l'avocat de M. E... et de Mme F... sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

2. Les requêtes visées ci-dessus se rapportent à la situation au regard du droit au séjour des membres d'une même famille et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par une même décision.

3. Pour annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination, le président du tribunal administratif de Toulon a estimé que les risques encourus par M. E... et Mme F... en Russie eu égard à leur confession et en Ukraine du fait de leur appartenance ethnique à la communauté russe étaient établis.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la traduction des documents russe et ukrainien selon lesquels M. E..., ressortissant ukrainien appartenant à la communauté russe, serait poursuivi en Russie, où il serait passible d'un emprisonnement de 7 à 12 ans pour avoir participé au développement et aux activités de l'organisation religieuse des témoins de Jéhovah considérée comme extrémiste, a été établie d'après des photocopies alors que les documents originaux n'ont été produits ni en première instance, ni en appel. Il en va de même de la traduction des pièces relatives à l'enquête pénale dont M. E... ferait également l'objet en Ukraine pour des faits d'espionnage liés au conflit entre l'Ukraine et la Russie dans la région du Donbass, qui serait susceptible d'aboutir à sa détention provisoire. Ces mêmes éléments, également produits devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont d'ailleurs été écartés par ces instances en raison de leur authenticité douteuse. En l'absence de tout élément nouveau produit en appel, le préfet du Var est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ses jugements attaqués, le président du tribunal administratif de Toulon s'est fondé sur ces seuls documents, qui ne peuvent être regardés comme probants, pour considérer que le moyen tiré par les requérants de la méconnaissance des stipulations des articles 8 et 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme était fondé et a, en conséquence, annulé ses arrêtés contestés du 26 juin 2019.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... et Mme F... devant le tribunal administratif de Toulon.

6. Par arrêté du 6 novembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, le préfet du Var a accordé une délégation de signature à M. C... A..., sous-préfet, secrétaire général de la préfecture du Var, à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances, documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du Var, (...) notamment en matière de rétention administrative (...) " à l'exclusion des déclinatoires de compétence, arrêtés de conflit, réquisition du comptable public et actes pour lesquels une délégation a été conférée à un chef de service de l'Etat dans le département. Cette délégation qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'a pas une portée générale et est suffisamment précise, donnait légalement compétence à M. A... pour signer les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté manque en fait et doit être écarté.

7. Si les intéressés soutiennent que le préfet était tenu, en application des dispositions de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de leur délivrer l'attestation de demande d'asile faisant obstacle à ce que soit prises les décisions contestées, il ressort des pièces du dossier que l'office français de protection des réfugiés et apatrides n'a été saisi d'une demande de réexamen que le 6 août 2019, soit postérieurement aux arrêtés contestés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par les articles 1 et 2 des jugements attaqués, le président du tribunal administratif de Toulon a annulé les décisions du préfet du Var du 26 juin 2019 portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. E... et de Mme F.... Il y a lieu, par suite, d'annuler ces jugements dans cette mesure et de rejeter les demandes présentées par M. E... et Mme F... devant le tribunal administratif de Toulon

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais mis en première instance à la charge de l'Etat au titre des frais du litige :

9. L'Etat n'étant pas en première instance la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisaient obstacle à ce qu'une somme totale de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur ce fondement. Par suite, le préfet du Var est également fondé à demander l'annulation de l'article 3 des jugements attaqués.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à M. E... et à Mme F... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1 : Les articles 1, 2 et 3 des jugements n° 1902822 et n° 1902823 du président du tribunal administratif de Toulon du 22 août 2019 sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par M. E... et Mme F... devant le tribunal administratif de Toulon sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par M. E... et Mme F... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. J... E..., à Mme D... F... et à Me Keita

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2020.

2

N° 19MA04371, 19MA04372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04371-19MA04372
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : KEITA ; KEITA ; KEITA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-10;19ma04371.19ma04372 ?
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