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17/12/2020 | FRANCE | N°19MA05318

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 17 décembre 2020, 19MA05318


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2019 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1903388 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistré les 3 et 6 décembre 2019, le préfet d

u Var demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 novembre 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2019 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1903388 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistré les 3 et 6 décembre 2019, le préfet du Var demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 novembre 2019 et d'ordonner le remboursement de la somme de 1 500 euros versée en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il ne pouvait délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'intéressé ne justifie pas de son identité et ne justifie pas de motifs exceptionnels ;

- l'intéressé ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 février 2020, M. B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du préfet la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que les moyens sont infondés.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-malien de coopération en matière de justice du 1er mars 1962 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Var relève appel du jugement du 18 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 1er juillet 2019 par lequel il a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 18 novembre 2019 au motif que, alors même que M. B... n'établissait pas avec certitude sa date de naissance, en refusant la régularisation exceptionnelle de l'intéressé sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Var avait commis une erreur manifeste d'appréciation.

3.Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ".

4. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ". L'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. En outre, selon l'article 24 de l'accord franco-malien de coopération en matière de justice du 1er mars 1962, seront notamment admises, sans légalisation, sur les territoires respectifs de la République française et de la République du Mali, " les expéditions des actes de l'état civil " établies par " les autorités administratives " de chacun des deux Etats, revêtues de " la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer " et certifiées "conformes à l'original par ladite autorité ".

7. D'une part, comme le soutient le préfet du Var, il appartient à l'étranger qui demande la délivrance d'un titre de séjour, fût-ce par le biais d'une régularisation exceptionnelle, de justifier de son état civil. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. B... a d'abord produit un passeport délivré le 12 avril 2013, une carte d'identité, ainsi qu'une copie d'extrait d'acte de naissance établie le 12 avril 2013. Si le rapport simplifié d'analyse documentaire de la direction zonale sud de la police aux frontières du 16 juillet 2018 indiquait à tort que l'expédition de l'extrait d'acte de naissance n'était pas légalisée, alors que de telles copies n'ont pas à être légalisées en vertu de l'accord franco-malien précité, ce rapport indiquait également, sans que cela ne soit contesté, que l'extrait comportait des erreurs sur la qualité de l'officier d'état civil et l'indication de dates non inscrites en toutes lettres. M. B... a ensuite produit, après l'annulation du premier refus de séjour par le tribunal administratif, un nouvel extrait d'acte de naissance en date du 19 février 2019 et un extrait d'un jugement supplétif du tribunal de Diéroua du 1er février 2019, certifié conforme le 20 février suivant. La direction zonale sud de la police aux frontières du 9 mai 2019, statuant sur l'original de l'acte de naissance, a émis un avis défavorable au motif que le formalisme de l'acte de naissance n'était pas respecté. Si le préfet indique au contentieux que l'extrait original n'est pas légalisé, il est constant que si la légalisation d'un acte original permet de vérifier son authenticité formelle, sa seule absence ne signifie pas pour autant que l'acte présenté est irrégulier ou falsifié. Toutefois, le préfet indique également que les copies conformes de l'extrait d'acte de naissance et du jugement supplétif comportent des erreurs et ne correspondent pas aux formes exigées par la législation malienne. Si l'article 148 de la loi n° 11-080 du 30 décembre 2011 de la république du Mali portant code des personnes et de la famille n'impose pas l'apposition d'un timbre sur les extraits d'acte de naissance demandés par les autorités judiciaires et que le préfet ne peut donc critiquer l'absence de timbre sur l'extrait d'acte de naissance établi suivant jugement supplétif du tribunal de Diéroua du 1er février 2019, cet extrait comporte toutefois un numéro de référence incomplet ainsi que des dates non écrites en toutes lettres en méconnaissance de l'article 126 de la loi du 30 décembre 2011 susmentionnée, et ne comporte aucun numéro d'identification NINA, tout comme la carte d'identité délivrée en 2015, alors que le numéro NINA a été institué par la loi malienne du n° 06-040 du 11 août 2006 portant institution du numéro d'identification nationale des personnes physiques et morales qui impose d'inscrire ce numéro d'identification sur les cartes d'identité, passeports ou encore actes d'état civil. M. B... ne conteste pas le caractère irrégulier de ces actes, mais se borne à soutenir à tort que le préfet ne pouvait lui opposer l'absence de preuve de son identité dans le cadre d'une demande de régularisation exceptionnelle, et insiste sur le fait que son passeport, qui n'est toutefois pas un acte d'état civil, comporte le numéro NINA. En outre, s'il indique avoir bénéficié d'un suivi par l'aide sociale à l'enfance, puis de contrats jeunes majeurs et de récépissés de demandes de titre, ces circonstances ne sauraient suffire à établir son identité dès lors que d'une part, aucun élément ne démontre qu'une vérification d'identité ait été effectuée avant la demande de titre de séjour, et que d'autre part, le préfet, saisi d'une demande de titre de séjour complète, doit délivrer un récépissé sans avoir à vérifier, à ce stade, l'authenticité des documents produits. Dans ces conditions, le préfet du Var doit être considéré comme renversant la présomption de validité des documents d'état civil produits par M. B... et pouvait refuser de délivrer un titre de séjour à l'intéressé en l'absence d'établissement de son identité. Aussi, et sans qu'il soit besoin d'examiner si M. B... justifie de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens des dispositions précitées, le préfet du Var est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 1er juillet 2019 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, au motif que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il appartient à la cour d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Toulon à l'encontre de l'arrêté en litige.

9. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".

10. Pour les raisons exposées au point 7 du présent arrêt, le préfet était fondé à considérer que M. B..., qui n'établit pas son identité, n'établissait pas avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et pouvait, pour ce seul motif, refuser la demande de titre de séjour présentée sur ce fondement.

11. Le refus de titre de séjour n'étant entaché d'aucune erreur de droit ou erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour invoqué à l'appui de la contestation de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

12. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2015. S'il a suivi une scolarité en France, obtenu un diplôme de CAP cuisine et travaillé sous couvert de contrats jeunes majeurs après l'obtention de son diplôme, il ne peut justifier d'une insertion significative par le travail au vu du caractère récent de son entrée en France. En outre, il dispose toujours d'attaches familiales au Mali ou résident ses parents et où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la vie personnelle de M. B... doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la requête présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulon doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

14. L'Etat n'étant pas la partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. En outre, le présent arrêt annulant le jugement du tribunal administratif du 18 novembre 2019, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de remboursement présentée par le préfet du Var.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : La requête de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... B... et à Me D....

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020 où siégeaient :

- M. Poujade, président,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

2

N° 19MA05318

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05318
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : LEBRETON

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-17;19ma05318 ?
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