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21/12/2020 | FRANCE | N°19MA01857

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 21 décembre 2020, 19MA01857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alive a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat à lui verser la somme de 431 609 euros, majorée des intérêts moratoires au taux légal et du produit de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait des restrictions d'accès à l'espace aérien au-dessus de la baie de Cannes décidées par le service de la navigation aérienne sud-est.

Par un jugement n° 1602712 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.<

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Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 avril 2019...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alive a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat à lui verser la somme de 431 609 euros, majorée des intérêts moratoires au taux légal et du produit de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait des restrictions d'accès à l'espace aérien au-dessus de la baie de Cannes décidées par le service de la navigation aérienne sud-est.

Par un jugement n° 1602712 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 avril 2019 et le 27 août 2020, la société Alive, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 520 014 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car sa minute n'est pas signée ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée à raison de la faute qu'il a commise en édictant des restrictions à la circulation aérienne portant une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie et ne reposant sur aucun motif d'intérêt général ;

- ces mesures, qui affectent uniquement les entreprises exploitant une activité de remorquage de banderoles publicitaires, lui causent un préjudice anormal et spécial, de telle sorte que la responsabilité de l'Etat est engagée en raison de la rupture d'égalité devant les charges publiques qu'elle supporte.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juillet 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Alive ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 août 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 21 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement d'exécution (UE) n° 923/2012 de la Commission du 26 septembre 2012 ;

- l'arrêté ministériel du 11 juin 2014 relatif à la mise en oeuvre du règlement d'exécution (UE) n° 923/2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Grimaud, rapporteur ;

- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée pour la société Alive a été enregistrée le 9 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. A compter du mois de juin 2015, le service de la navigation aérienne sud-est a édicté des consignes opérationnelles modifiant le circuit des aéronefs remorquant des banderoles publicitaires au-dessus de la baie de Cannes et restreignant les possibilités d'évolution de ces aéronefs dans cette zone, notamment en conditionnant un deuxième survol de cette zone à une autorisation du contrôleur aérien en fonction sur l'aéroport de Cannes-Mandelieu. La société Alive, qui réalise notamment de telles prestations, a formé le 8 mars 2016 auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer une demande d'indemnisation des préjudices qu'elle prétend avoir subis en raison des conséquences de ces restrictions sur son activité. Cette demande a été implicitement rejetée. La société a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande indemnitaire tendant à la réparation de ce préjudice pour l'année 2015 ainsi que pour les années 2016, 2017 et 2018, au cours desquelles ces restrictions ont été reconduites. Le tribunal a rejeté cette demande dans son intégralité.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il résulte de l'examen du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises en vertu de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait à cet égard irrégulier manque en fait et doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes des dispositions du paragraphe SERA.3105 " hauteurs minimales " de l'annexe du règlement d'exécution (UE) n° 923/2012 du 26 septembre 2012 établissant les règles de l'air communes et des dispositions opérationnelles relatives aux services et procédures de navigation aérienne et modifiant le règlement d'exécution (UE) n° 1035/2011, ainsi que les règlements (CE) no 1265/2007, (CE) no 1794/2006, (CE) no 730/2006, (CE) no 1033/2006 et (UE) no 255/2010 : " Sauf pour les besoins du décollage ou de l'atterrissage, ou sauf autorisation des autorités compétentes, les aéronefs ne volent pas au-dessus des zones à forte densité, des villes ou autres agglomérations, ou de rassemblements de personnes en plein air, à moins qu'ils ne restent à une hauteur suffisante pour leur permettre, en cas d'urgence, d'atterrir sans mettre indûment en danger les personnes ou les biens à la surface. Les hauteurs minimales qui s'appliquent aux vols VFR sont spécifiées à la règle SERA.5005, point f), et les niveaux minimaux qui s'appliquent aux vols IFR sont spécifiés à la règle SERA.5015, point b) ". En vertu du point f) du paragraphe SERA.5005 de cette annexe : " (...) f) Sauf pour les besoins du décollage et de l'atterrissage, ou sauf autorisation de l'autorité compétente, aucun vol VFR n'est effectué: / 1) au-dessus des zones à forte densité, des villes ou autres agglomérations, ou de rassemblements de personnes en plein air, à moins de 300 m (1 000 ft) au-dessus de l'obstacle le plus élevé situé dans un rayon de 600 m autour de l'aéronef; / 2) ailleurs qu'aux endroits spécifiés au point 1), à une hauteur inférieure à 150 m (500 ft) au-dessus du sol ou de l'eau ou à 150 m (500 ft) au-dessus de l'obstacle le plus élevé situé dans un rayon de 150 m (500 ft) autour de l'aéronef ". En vertu du paragraphe FRA.3105 de l'arrêté ministériel du 11 juin 2014 relatif à la mise en oeuvre du règlement d'exécution (UE) n° 923/2012, pris pour l'application de ces dispositions : " Les autorisations mentionnées au premier alinéa de la disposition SERA.3105 sont délivrées par le préfet de département, ou le préfet de police pour ce qui concerne la ville de Paris, après avis technique des services compétents de l'aviation civile ". En vertu du paragraphe FRA.5005 f) 2° de cet arrêté : " i) Les aéronefs qui circulent sans personne à bord, les planeurs effectuant des vols de pente, les ballons et les planeurs ultralégers peuvent évoluer à une hauteur inférieure à la hauteur minimale fixée par les dispositions de SERA.5005 f) 2) sous réserve de n'entraîner aucun risque pour les personnes ou les biens à la surface. / ii) Dans le cadre d'un vol d'instruction, la hauteur minimale fixée par les dispositions de SERA 5005 f) 2) est abaissée à 50 m (150 ft) pour les entraînements aux atterrissages forcés. iii) Les aéronefs habités mentionnés au i) et ii) maintiennent en permanence une distance de 150 m par rapport à toute personne, tout véhicule, tout navire à la surface et tout obstacle artificiel ".

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

5. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments de fait avancés par la ministre de la transition écologique, que le trafic aérien aux alentours de l'aéroport de Cannes-Mandelieu est particulièrement dense au cours de la période estivale et engendre une charge de travail importante pour les contrôleurs aériens de cette installation, qui doivent assurer, outre la gestion de son trafic, celui des hélicoptères manoeuvrant depuis l'héliport du quai du Large du port de Cannes et des aéronefs de passage dans cette zone, dont ceux effectuant des missions de remorquage de banderoles publicitaires. Eu égard à cet impératif de sécurité aérienne, aux caractéristiques de ces vols en termes d'altitude, de vitesse et de manoeuvrabilité, et au caractère dérogatoire des autorisations de survol à basse altitude qui peuvent leur être octroyées en application des dispositions précitées, la société Alive n'est pas fondée à soutenir que les restrictions de circulation dont elle se plaint constitueraient une mesure de police ne reposant pas sur un motif d'intérêt général, discriminatoire, ou portant une atteinte disproportionnée au principe de la liberté du commerce et de l'industrie. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que la responsabilité pour faute de l'Etat serait engagée à raison de ces mesures.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

6. En premier lieu, les restrictions de circulation critiquées par la société Alive n'ont en tout état de cause pu lui causer un préjudice à caractère anormal, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, son activité de remorquage, qui suppose des vols à une altitude inférieure à l'altitude minimale prévue au point f) du paragraphe SERA.5005 de l'annexe du règlement d'exécution du 26 septembre 2012, s'exerce dans le cadre d'un régime d'autorisation dérogatoire dont l'attribution ne constitue pas, en vertu de ce règlement et de l'arrêté ministériel du 11 juin 2014, un droit.

7. En second lieu et au surplus, il résulte de l'instruction, et notamment des factures produites par la société elle-même que, si ses activités de remorquage de banderoles publicitaires menées en tout ou partie au-dessus de la baie de Cannes ont fortement diminué entre l'année 2013-2014 et l'année 2017-20218, entraînant une réduction du montant facturé à ce titre de 39 %, les produits de l'ensemble des opérations de remorquage de banderoles de la société sur le littoral du Var et des Alpes-Maritimes ont diminué de 43 % sur la même période tandis que la facturation pour les opérations de tractage excluant la zone de Cannes diminuait de 48 % sur la même période. Il en résulte que le lien de causalité entre les restrictions de circulation aérienne dans la zone de Cannes et le préjudice invoqué par la société n'est en tout état de cause pas établi.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Alive n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 431 609 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi. Sa requête doit donc être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Alive sur leur fondement soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Alive est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alive et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme C... D..., présidente assesseure,

- M. B... Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2020.

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N° 19MA01857


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01857
Date de la décision : 21/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Police - Polices spéciales.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère spécial et anormal du préjudice - Absence de caractère anormal.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : NIZOU-LESAFFRE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-21;19ma01857 ?
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