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24/12/2020 | FRANCE | N°18MA04435

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 24 décembre 2020, 18MA04435


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Sita Sud, devenue société Suez RV Méditerranée, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a mise en demeure de respecter les dispositions des articles 2 et 1.6.1 des arrêtés préfectoraux du 22 juillet 2011 et du 22 décembre 2014 réglementant la réception des déchets en provenance de départements autres que celui des Bouches-du-Rhône au sein de l'installation de stockage de déchets non dangereux sur le

territoire de la commune des Pennes-Mirabeau.

Par un jugement n° 1602532 du 8 ao...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Sita Sud, devenue société Suez RV Méditerranée, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a mise en demeure de respecter les dispositions des articles 2 et 1.6.1 des arrêtés préfectoraux du 22 juillet 2011 et du 22 décembre 2014 réglementant la réception des déchets en provenance de départements autres que celui des Bouches-du-Rhône au sein de l'installation de stockage de déchets non dangereux sur le territoire de la commune des Pennes-Mirabeau.

Par un jugement n° 1602532 du 8 août 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 9 octobre 2018 et le 20 janvier 2020, la société Suez RV Méditerranée, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 août 2018 ;

2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône et, à titre subsidiaire, d'abroger cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la procédure contradictoire préalable à la mise en demeure prévue aux articles L. 171-6 et L. 514-5 du code de l'environnement n'a pas été respectée ;

- les prescriptions des arrêtés préfectoraux du 22 juillet 2011 et du 22 décembre 2014 sur lesquelles se fonde la mise en demeure, sont illégales en ce qu'elles soumettent la réception de déchets en provenance d'autres départements que celui des Bouches-du-Rhône à l'accord préalable du préfet et à la consultation d'un comité de suivi alors que les dispositions de l'article R. 512-34 du code de l'environnement prévoient seulement que les modifications dans l'origine géographique des déchets sont portées à la connaissance du préfet, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'accord de ce dernier ;

- la réception des déchets en provenance de départements voisins n'entraîne aucun danger ou inconvénient pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, l'accord préalable du préfet ne saurait dès lors constituer une prescription nécessaire ;

- cette prescription méconnaît le principe de proximité ;

- la circonstance selon laquelle le comité de suivi mis en place par arrêté préfectoral dans l'attente de l'approbation du plan d'élimination des déchets a été supprimé avant l'édiction de l'arrêté de mise en demeure en litige n'a pu avoir pour effet de régulariser les prescriptions en cause ;

- la prescription de sollicitation d'accords préalables porte une atteinte illégale à la liberté contractuelle ;

- l'arrêté préfectoral du 22 octobre 2019 portant autorisation d'exploiter les installations en cause a abrogé les prescriptions imposées par l'article 2 de l'arrêté préfectoral du 22 juillet 2011 et reprises à l'article 1.6.1 de l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2014, et l'obligation d'obtenir l'accord du préfet avant de conclure de nouveaux contrats de réception de déchets a été purement et simplement supprimée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions de la société Suez RV Méditerranée tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône portant mise en demeure dès lors que, par l'effet de l'édiction de l'arrêté préfectoral du 22 octobre 2019 portant autorisation d'exploiter les installations en cause, les prescriptions imposées par l'article 2 de l'arrêté préfectoral du 22 juillet 2011 et reprises à l'article 1.6.1 de l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2014 ainsi que l'obligation d'obtenir l'accord du préfet avant de conclure de nouveaux contrats de réception de déchets ont disparu de l'ordonnancement juridique.

Par un mémoire enregistré le 8 décembre 2020, la société Suez RV Méditerranée a présenté des observations en réponse au moyen susceptible d'être relevé d'office par la Cour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code pénal ;

- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Suez RV Méditerranée.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Sita Sud a initialement été autorisée par arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 juillet 1977 à exploiter une installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) sur le territoire de la commune des Pennes-Mirabeau, autorisation renouvelée par arrêté du 16 mai 2002 pour une durée de vingt ans assortie d'une extension de capacité pour atteindre la limite approximative d'enfouissement de 4 000 000 m3. En raison de l'absence de plan départemental de gestion des déchets non dangereux et du constat d'importants flux de déchets d'origine extérieure au département des Bouches-du-Rhône, le préfet a édicté, le 22 juillet 2011, quatre arrêtés encadrant la réception de ce type de déchets dans les installations de stockage du département, dont l'un concernait spécifiquement la société Sita Sud. Par un arrêté du 22 décembre 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône a notamment confirmé l'autorisation d'exploiter l'ISDND, dans la limite de capacité prévue par l'arrêté du 16 mai 2002, et a repris, à l'article 1.6.1 de cet acte, les prescriptions figurant à l'article 2 de son arrêté du 22 juillet 2011 précité aux termes desquelles : " (...) Toute réception de déchets en provenance de départements autres que les Bouches-du-Rhône doit rester exceptionnelle et doit respecter les dispositions précisées ci-après à compter de la notification du présent arrêté. / Pour les nouveaux contrats envisagés après la date de la notification de cet arrêté, la réception de déchets en provenance des [départements] voisins, doit préalablement être portée à la connaissance du préfet avec les éléments d'appréciation nécessaires (origine et type de déchets, raisons du transfert, principe de proximité, durée et quantités prévisionnelles concernées, réciprocité éventuelle...). / Celle-ci est soumise à l'avis du comité de suivi mis en place par arrêté préfectoral dans l'attente de l'approbation du plan d'élimination des déchets et à l'accord explicite de Monsieur le préfet. (...) ". A l'occasion d'une visite du site d'exploitation en date du 17 avril 2015, l'inspection de l'environnement a constaté la réception de déchets extérieurs au département des Bouches-du-Rhône sans que l'accord préalable du préfet n'ait été recueilli. Par arrêté du 26 janvier 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a mis en demeure la SAS Sita Sud de respecter les dispositions des articles 2 et 1.6.1 des arrêtés préfectoraux du 22 juillet 2011 et du 22 décembre 2014, d'une part, en sollicitant, avant le 15 février 2016, l'accord du préfet pour continuer à recevoir les déchets en provenance d'autres départements que celui des Bouches-du-Rhône ayant fait l'objet de contrats postérieurs au 22 juillet 2011 et, d'autre part, en cessant à compter du 15 février 2016 de réceptionner des déchets provenant d'autres départements que celui des Bouches-du-Rhône et n'ayant pas fait l'objet d'un accord du préfet avant le 15 février 2016. La société Suez RV Méditerranée, venant aux droits de la SAS Sita Sud, relève appel du jugement du 8 août 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de cet arrêté et, à titre subsidiaire, à son abrogation.

2. Il résulte de l'instruction que, l'autorisation d'exploiter l'installation de stockage de déchets non dangereux sur le territoire de la commune des Pennes-Mirabeau que détenait la société Suez RV Méditerranée arrivant à échéance en 2022 et ses capacités étant proches de la saturation, le préfet des Bouches-du-Rhône a, par arrêté du 22 octobre 2019, soit postérieurement au jugement attaqué, délivré à cette société une autorisation environnementale concernant l'exploitation d'un écopôle comprenant notamment une installation de stockage de déchets non dangereux et un centre de tri des déchets. Selon les articles 1.1.1 et 1.1.2 de cet arrêté, les prescriptions applicables à l'installation de stockage de déchets non dangereux contenues par cet acte remplacent celles fixées par l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2014 mentionné au point 1 ci-dessus. Parmi les nouvelles prescriptions figure, à l'article 1.2.4 dudit acte intitulé " Autres limites de l'autorisation des installations de stockage de déchets ", un point 7 libellé " origine géographique des déchets pouvant être admis " aux termes duquel : " La provenance des déchets est limitée, hors situation exceptionnelle dûment justifiée, aux seules communes du bassin de vie provençal, tel que défini dans le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires. / La provenance des déchets correspond à la localisation de leur lieu de production initiale. Elle n'est pas modifiée par les étapes éventuelles de regroupement, transfert, tri subies en préalable à leur mise en décharge. ".

3. Le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui intègre le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) défini à l'article L. 541-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de loi du 7 août 2015, lequel a été approuvé par délibération du conseil régional du 26 juin 2019, a été arrêté par le préfet de région le 15 octobre 2019. Le SRADDET a ainsi défini, au sein de la région, quatre bassins de vie, dont le " bassin de vie provençal ", mentionné au point 7 de l'article 1.2.4 de l'arrêté du 22 octobre 2019 cité au point précédent, qui couvre une partie du territoire du département des Bouches-du-Rhône et une partie de celui du département du Var.

4. Ainsi, les énonciations de l'article 2 de l'arrêté du 22 juillet 2011 et de l'article 1.6.1 de l'arrêté du 22 décembre 2014, que la SAS Sita Sud a été, aux termes de l'arrêté attaqué, mise en demeure de respecter, ont été abrogées et elle n'est plus soumise, en vertu de l'arrêté du 22 octobre 2019, à des mesures de nature et de portée identiques et notamment à l'obligation de soumettre à l'autorisation préalable du préfet la réception de certains déchets, eu égard à leur provenance. Par suite, alors même que l'arrêté attaqué portant mise en demeure n'a pas lui-même fait l'objet d'une abrogation expresse, les obligations ainsi mises à la charge de la société requérante par cet arrêté doivent implicitement mais nécessairement être regardées comme caduques. Cette caducité prive, en conséquence, d'objet ses conclusions tendant à l'annulation et, de plus fort, à l'abrogation de cet arrêté. La circonstance, au demeurant, purement éventuelle, invoquée par la société Suez RV Méditerranée selon laquelle le non-respect de cette mise en demeure durant la période comprise entre le 26 janvier 2016 et le 22 octobre 2019, reste constitutive d'une infraction susceptible d'être réprimée, en application de l'article L. 173-2 du code de l'environnement, est sans influence sur la constatation de ce non-lieu par le juge administratif, dès lors que celui-ci ne saurait faire obstacle à l'appréciation qu'il appartiendrait, le cas échéant, au juge pénal de porter sur la légalité de cette mise en demeure, en application de l'article 111-5 du code pénal. Il n'y a donc plus lieu de statuer sur les conclusions de la présente requête.

Sur les frais liés au litige :

5. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Suez RV Méditerranée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation ou d'abrogation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 janvier 2016.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Suez RV Méditerranée au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Suez RV Méditerranée et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme B..., présidente de la Cour,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2020.

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N° 18MA04435

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04435
Date de la décision : 24/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Pouvoirs du préfet - Contrôle du fonctionnement de l'installation.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes constituant des décisions susceptibles de recours - Mises en demeure.

Procédure - Incidents - Non-lieu - Existence.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : DEFRADAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-24;18ma04435 ?
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