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31/12/2020 | FRANCE | N°18MA03317

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 31 décembre 2020, 18MA03317


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 150 435 euros, en ce comprise la provision de 22 582 euros accordée par le juge des référés du tribunal par ordonnance du 11 avril 2016, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de sa prise en charge par l'assistance publique - hôpitaux de Marseille (AP-HM,

Sainte-Marguerite).

Par un jugement n° 1702683 du 23 mai 2018, le tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 150 435 euros, en ce comprise la provision de 22 582 euros accordée par le juge des référés du tribunal par ordonnance du 11 avril 2016, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de sa prise en charge par l'assistance publique - hôpitaux de Marseille (AP-HM, Sainte-Marguerite).

Par un jugement n° 1702683 du 23 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'ONIAM à payer à Mme A... une somme de 82 135,30 euros avant déduction de la provision de 22 582 euros qui lui avait été accordée en référé, ainsi qu'une rente annuelle d'un montant de 4 590 euros à compter du 1er février 2020.

Procédure devant la cour :

Par un arrêt avant dire droit n° 18MA03317 du 5 décembre 2019, la cour, statuant sur l'appel formé par l'ONIAM tendant à la réformation du jugement du 23 mai 2018 en ce qu'il fixe à la somme de 4 590 euros le montant annuel de la rente allouée à compter du 1er février 2020, a ordonné une expertise en vue de déterminer, d'une part, le taux de déficit fonctionnel que présentait Mme A..., notamment du fait de son accident du 6 mars 2006, avant l'intervention chirurgicale du 10 mars 2010, et, d'autre part, le taux de son déficit fonctionnel permanent, après consolidation de l'ensemble de ses séquelles, et notamment de celles qu'elle conserve à la suite de cette intervention.

Par des mémoires enregistrés le 18 septembre, le 6 octobre et le 2 décembre 2020, Mme E... A..., représentée par Me C..., conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens.

Mme A... fait valoir en outre que :

- l'appel initial de l'ONIAM se limite à la contestation du montant alloué par le tribunal au titre de l'assistance par une tierce personne à compter du 1er février 2020 ;

- l'ONIAM n'est pas recevable à demander que l'indemnité mise à sa charge en réparation de son déficit fonctionnel permanent soit ramenée à de plus justes proportions, dès lors que ces conclusions additionnelles ont été enregistrées après expiration du délai d'appel ;

- le tribunal a déjà tenu compte, dans son jugement, de la perception de l'allocation personnalisée d'autonomie ;

- à titre subsidiaire, dès lors que ses droits à l'allocation personnalisée d'autonomie présentent un caractère incertain pour l'avenir, il y a simplement lieu de juger que la rente allouée sera versée sous justification des sommes le cas échéant perçues au titre de cette allocation ;

- à titre infiniment subsidiaire, la rente d'un montant annuelle de 453,60 euros sera capitalisée au taux de 12,842.

Par des mémoires enregistrés les 27 novembre et 4 décembre 2020, l'ONIAM, représenté par Me D..., conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, et demande en outre que l'indemnité mise à sa charge en réparation du déficit fonctionnel permanent de Mme A... soit ramenée à de plus justes proportions.

Il soutient, en outre, que :

- il est recevable à demander que l'indemnité mise à sa charge au titre du déficit fonctionnel permanent de Mme A... soit ramenée à de plus justes proportions dès lors que l'étendue réelle de ce déficit n'a été révélée qu'après le dépôt du rapport de l'expertise ordonnée par la cour ;

- Mme A... présente un déficit fonctionnel permanent de 30% dont il convient de déduire un état antérieur évalué à 12%, soit une incapacité de 18% au titre de laquelle elle ne saurait prétendre au versement d'une indemnité supérieure à 18 632 euros.

Vu :

- le rapport d'expertise enregistré le 8 juillet 2020, et l'ordonnance du 15 juillet 2020 par laquelle la présidente de la cour a liquidé et taxé les frais d'expertise à la somme de 600 euros ;

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la cour a désigné Mme F..., présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A..., née le 7 septembre 1943, a été victime le 6 mars 2006 d'un accident de la voie publique. Le 10 mars 2010, elle a bénéficié de la pose chirurgicale d'une prothèse totale du genou à l'AP-HM (Hôpital Sainte-Marguerite), à la suite de laquelle elle a présenté une thrombose veineuse profonde nécessitant un traitement par anticoagulants et une plaie de l'artère poplitée. Par un avis du 8 avril 2015, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) Provence-Alpes-Côte d'Azur, saisie par Mme A..., a retenu l'existence d'un accident médical non fautif. Après avoir refusé une offre d'indemnisation de la part de l'ONIAM d'un montant de 22 582 euros, Mme A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, qui lui a accordé une provision du même montant par ordonnance du 11 avril 2016. L'ONIAM relève appel du jugement du 23 mai 2018 en tant que par ce jugement le tribunal administratif de Marseille a mis à sa charge le versement à Mme A... d'une rente annuelle d'un montant de 4 590 euros au titre de l'assistance par une tierce personne et une somme de 41 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.

Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme A... aux conclusions d'appel de l'ONIAM relatives à l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent :

2. Si les conclusions de l'ONIAM tendant à ce que l'indemnité allouée à Mme A... par les premiers juges au titre de son déficit fonctionnel permanent soit ramenée à de plus justes proportions n'ont été présentées que dans son mémoire du 27 novembre 2020, l'étendue réelle de la part de cette incapacité exclusivement imputable à l'intervention subie par l'intéressée le 10 mars 2010 n'a été révélée que postérieurement au dépôt du rapport de l'expertise réalisée en exécution de l'arrêt avant dire droit du 5 décembre 2019 et la réparation de ce préjudice se rattache à la même cause juridique que les conclusions d'appel initiales. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par Mme A... à ces conclusions fondées sur un élément nouveau et ne relevant pas d'une cause juridique nouvelle doit être écartée.

Sur la mise en jeu de la solidarité nationale :

3. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...) ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs (...) des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. (...) ".

4. D'une part, il résulte de l'instruction que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les séquelles que Mme A... conserve de l'intervention chirurgicale subie le 10 mars 2010 devaient être regardées comme des conséquences anormales au sens des dispositions précitées de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

5. D'autre part et en revanche, il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par la cour, que les séquelles que présentait Mme A... du fait de l'accident de la circulation dont elle a été victime le 6 mars 2006 sont constitutives d'un déficit fonctionnel permanent de 12% tandis que l'incapacité totale qu'elle conserve depuis la consolidation de son état de santé a été évaluée à 30%, de sorte que l'aggravation du déficit fonctionnel permanent subie du fait de l'intervention chirurgicale, soit 18%, est inférieure au seuil de gravité fixé par le premier alinéa de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges. Toutefois, dès lors qu'il résulte encore de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la CRCI, que Mme A... a subi un déficit fonctionnel temporaire évalué à au moins 50% entre les 10 mars 2010 et 5 mars 2011, soit pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs, le seuil de gravité fixé par le deuxième alinéa de cet article est atteint. Les conditions d'engagement de la solidarité nationale sont donc remplies.

Sur l'indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne et du déficit fonctionnel permanent :

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que c'est à bon droit que par le jugement attaqué, non contesté sur ce point, les premiers juges ont fixé le montant de la rente annuelle allouée à Mme A... à la somme de 4 590 euros. En revanche, il y a lieu de retrancher de ce montant les droits, perçus sur une même période, à l'allocation personnalisée d'autonomie, dont l'intéressée ne conteste pas continuer à bénéficier depuis le 1er février 2020 à hauteur de 4 136,40 par an. Le préjudice annuel subi s'élève donc à 453,60 euros.

7. Dans ces conditions, au titre de la période courant du 1er février 2020 à la date du présent arrêt, soit le 31 décembre 2020, le montant de l'indemnité due à Mme A... s'élève à la somme de 415,80 euros. Pour la période postérieure à cette date, il y a lieu de capitaliser la rente annuelle de 453,60 euros, par application d'un coefficient de 12,711 issu du barème 2020 de la Gazette du Palais correspondant à une victime âgée de 77 ans, soit 5 765,71 euros.

8. En second lieu, il y a lieu, pour évaluer la part du déficit fonctionnel permanent de Mme A... en lien exclusif avec son accident médical, de retrancher de l'indemnité susceptible d'être allouée pour un tel déficit d'un taux égal à celui que présentait l'intéressée à la date de consolidation de son état de santé, soit 30 %, le montant correspondant au taux d'incapacité qu'elle présentait avant cet accident, soit 12%. Eu égard à l'âge de l'intéressée à la date de la consolidation de son état de santé, le 17 octobre 2014, ces montants doivent être évalués aux sommes respectives de 40 000 euros et 10 000 euros. Dès lors, il y a lieu de ramener le montant de l'indemnité allouée par les premiers juges au titre du déficit fonctionnel permanent de Mme A... à la somme de 30 000 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM est seulement fondé à demander, d'une part, que l'indemnité globale mise à sa charge soit ramenée à la somme de 77 316,81 euros, dont 6 181,51 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne à compter du 1er février 2020 en lieu et place de la rente allouée par les premiers juges.

Sur les frais liés à l'instance :

10. D'une part, dans les circonstances de l'espèce, les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 600 euros par l'ordonnance de la présidente de la cour du 15 juillet 2020, doivent être mis à la charge définitive de l'ONIAM.

11. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de la somme que sollicite Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1702683 du 23 mai 2018 est annulé en ce qu'il a condamné l'ONIAM à verser à Mme A... une rente annuelle de 4 590 euros à compter du 1er février 2020.

Article 2 : La somme de 82 135,30 euros dont le versement a été mis à la charge de l'ONIAM par le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1702683 du 23 mai 2018 est ramenée à 77 316,81 euros, sous déduction de la provision de 22 582 euros versée en exécution de l'ordonnance du 11 avril 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : Le surplus du jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 mai 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 600 euros, sont mis à la charge définitive de l'ONIAM.

Article 5 : Les conclusions présentées par Mme A..., y compris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme E... A..., et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme F..., présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme G..., première conseillère,

- M. B..., conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2020.

6

N° 18MA03317


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03317
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Interprétation

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme JORDA-LECROQ
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : BONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-31;18ma03317 ?
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