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05/02/2021 | FRANCE | N°19MA03240

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 05 février 2021, 19MA03240


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia, en premier lieu, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par F... de la commune de Cognocoli-Monticchi sur sa demande tendant, d'une part, au retrait de la délibération du 13 novembre 2017 du conseil municipal lui enjoignant de déplacer la clôture délimitant sa parcelle cadastrée section E n° 95, et d'autre part, au rétablissement de la libre circulation sur la voie communale de Stiliccione, en

deuxième lieu, d'enjoindre à cette commune de rendre à la circulation publ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia, en premier lieu, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par F... de la commune de Cognocoli-Monticchi sur sa demande tendant, d'une part, au retrait de la délibération du 13 novembre 2017 du conseil municipal lui enjoignant de déplacer la clôture délimitant sa parcelle cadastrée section E n° 95, et d'autre part, au rétablissement de la libre circulation sur la voie communale de Stiliccione, en deuxième lieu, d'enjoindre à cette commune de rendre à la circulation publique la totalité du chemin de Stiliccione dans un délai de deux mois sous astreinte de 500 euros par jour de retard, en troisième lieu, de condamner la même commune à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice de jouissance qu'il aurait subi, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande d'indemnisation et enfin, en quatrième lieu, de mettre à la charge de la commune de Cognocoli-Monticchi une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800374 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Bastia a, par son article 1er, annulé la décision implicite du maire de Cognocoli-Monticchi en tant qu'elle refusait de procéder au retrait de la délibération du 13 novembre 2017 du conseil municipal enjoignant à M. C... de déplacer la clôture délimitant sa parcelle cadastrée section E n° 95, par son article 2, a condamné cette commune à lui verser une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par son article 3, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juillet 2019 et le 13 juillet 2020, la commune de Cognocoli-Monticchi, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 16 mai 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Bastia tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de retrait de la délibération du 13 novembre 2017 du conseil municipal ;

3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en enjoignant à M. C..., par la délibération du conseil municipal du 13 novembre 2017, de déplacer la clôture délimitant sa parcelle cadastrée section E n° 95 conformément au plan de bornage établi par un géomètre-expert, la commune s'est bornée à exécuter l'article 3 de l'arrêt n° 09MA01059 du 3 mai 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille lui enjoignant de rétablir la libre circulation sur la voie communale de Stiliccione et le refus de retirer cette délibération n'est entaché d'aucune illégalité ;

- les autres moyens invoqués par M. C... à l'encontre de cette décision implicite et à l'appui de ses conclusions d'appel incident ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 septembre 2019 et le 5 août 2020, M. C..., représenté par la SCP Casalta, Gaschy, conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident à ce qu'il soit fait droit à l'intégralité de sa demande de première instance et à ce que soit mise à la charge de la commune de Cognocoli-Monticchi la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen soulevé par la commune n'est pas fondé ;

- la délibération du conseil municipal du 13 novembre 2017 est illégale, F... étant directement intéressé à son adoption ;

- le rejet implicite de sa demande tendant au rétablissement de la libre circulation sur la voie communale de Stiliccione est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions incidentes de M. C... qui conteste l'article 3 du jugement attaqué sont irrecevables car elles soulèvent un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal de la commune de Cognocoli-Monticchi.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 9 décembre 2020, M. C... a produit des observations en réponse à la communication du moyen susceptible d'être relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me E..., représentant la commune de Cognocoli-Monticchi.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... est propriétaire d'une parcelle de terrain castrée E n° 95 située à Cognocoli-Monticchi (Corse du Sud) sur laquelle se trouve un monument funéraire où sont inhumés des membres de sa famille. Il a demandé au maire de la commune de faire libérer de tous obstacles et empiètements la voie communale n° 5 dite de Stiliccione, allant d'Alféruccio à Pratavone, pour lui permettre d'accéder à son terrain. F... a rejeté implicitement cette demande. Par un arrêt n° 09MA01059 du 3 mai 2011, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé cette décision et enjoint au maire de faire rétablir, dans un délai de deux mois, la libre circulation sur cette voie communale dans l'intégralité de son assiette. Par une délibération n° 23-2017 du 13 novembre 2017, le conseil municipal de la commune de Cognocoli-Monticchi a demandé à M. C... " d'exécuter sur le terrain l'application de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 3 mai 2011 et de faire procéder au déplacement de la clôture, sur la parcelle E 95 ". Après avoir adressé le 5 décembre 2017 au maire une demande tendant, d'une part, au retrait de cette délibération du 13 novembre 2017, et d'autre part, à ce qu'il rétablisse, conformément à l'injonction de la Cour, la libre circulation sur la voie communale dans l'intégralité de son assiette, M. C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur ses demandes, ainsi que d'enjoindre à la commune de rendre à la circulation publique la totalité du chemin de Stiliccione dans un délai de deux mois sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de condamner la même commune à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice de jouissance qu'il estime avoir subi. Par un jugement du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Bastia a, par son article 1er, annulé la décision implicite du maire en tant qu'elle refusait de procéder au retrait de la délibération du 13 novembre 2017 du conseil municipal enjoignant à M. C... de déplacer sa clôture et, par son article 3, a rejeté le surplus des conclusions de la demande. La commune de Cognocoli-Monticchi relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable et demande l'annulation de son article 1er ainsi que de son article 2 la condamnant au paiement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, M. C... demande à ce qu'il soit fait droit à l'intégralité de sa demande de première instance. Il doit être regardé comme demandant l'annulation de l'article 3 du jugement qui rejette le surplus de ses conclusions.

Sur l'appel principal de la commune de Cognocoli-Monticchi :

2. D'une part, en vertu de l'article L. 141-2 du code de la voirie routière, F... exerce sur la voirie communale les attributions mentionnées aux 1o et 5o de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales. Aux termes de ce dernier article : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département, F... est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : 1o De conserver et d'administrer les propriétés de la commune et de faire, en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits ; (...) 5o De pourvoir aux mesures relatives à la voirie communale (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière : " L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel. / Le plan d'alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine après enquête publique (...) la limite entre voie publique et propriétés riveraines. / L'alignement individuel est délivré au propriétaire conformément au plan d'alignement s'il en existe un. En l'absence d'un tel plan, il constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine ". Aux termes de l'article L. 116-1 du même code : " La répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier est poursuivie devant la juridiction judiciaire sous réserve des questions préjudicielles relevant de la compétence de la juridiction administrative ".

4. En l'absence même d'un plan d'alignement, il appartient au maire, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à un empiètement sur la voie publique. Si un élément immobilier vient à être construit au-delà de ce qui était auparavant la limite de fait de la voie, F... peut, le cas échéant à la suite d'une mise en demeure de le démolir non suivie d'effet, faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie afin de mettre l'autorité judiciaire en mesure d'ordonner la démolition.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier adressé le 4 avril 2018 par F... de Cognocoli-Monticchi à M. C..., que pour refuser de faire droit à sa demande tendant au retrait de la délibération du 13 novembre 2017, la commune s'est fondée sur la circonstance que " le bornage du chemin communal effectué en 2012 par M. A..., géomètre expert, démontrait l'empiètement de la clôture au niveau de la parcelle E 95 sur le dit chemin communal " et qu'il lui appartenait en conséquence de faire rétablir l'assiette de ce chemin au niveau de cette parcelle. Toutefois, ce plan de bornage, nonobstant ses mentions, ne saurait être regardé en l'absence de la mise en oeuvre de la procédure mentionnée à l'article L. 112-1 du code de la voirie routière, et notamment de l'enquête publique qu'il prévoit, comme un plan d'alignement au sens et pour l'application de ces dispositions. Portant la mention " alignement de la voirie communale défini avec M. F... le 2 avril 2012 " et dépourvu de tout caractère contradictoire, il n'a pu fixer les limites de la voie par rapport aux propriétés riveraines. En l'absence de plan d'alignement, la limite du domaine public routier au droit de la propriété de M. C... ne peut être fixée, comme il a été dit au point 4, qu'en fonction de ce qui était auparavant la limite de fait de la voie communale.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de constat d'huissier du 4 octobre 2016 produit par M. C... ainsi que les photographies qui y sont annexées, que la clôture métallique de la parcelle E n° 95, dont l'implantation est contestée, est posée en limite des vestiges d'un mur constituant l'ancienne clôture de la propriété, dont la présence est attestée par endroits par des moellons, qui formait auparavant selon le plan cadastral napoléonien, la limite de fait de la voie publique. Ainsi, cette clôture ne peut être regardée comme implantée sur le domaine public communal. Dans cette mesure, la décision de la commune enjoignant à l'intéressé de procéder à son déplacement est illégale.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Cognocoli-Monticchi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision implicite du maire en tant qu'elle refusait de faire procéder au retrait de la délibération du 13 novembre 2017 du conseil municipal enjoignant à M. C... de déplacer la clôture délimitant sa parcelle cadastrée section E n° 95.

Sur l'appel incident de M. C... :

8. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4 (...) ".

9. L'appel principal formé par la commune de Cognocoli-Monticchi est dirigé contre l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bastia annulant la décision implicite du maire en tant qu'elle refusait de procéder au retrait de la délibération du 13 novembre 2017 du conseil municipal enjoignant à M. C... de déplacer la clôture délimitant sa parcelle. Les conclusions de l'appel incident formé par M. C... sont dirigées contre l'article 3 du même jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté la demande de l'intéressé visant à l'annulation de la décision implicite refusant le rétablissement de la libre circulation sur la voie communale de Stiliccione, à ce qu'il soit enjoint à la commune de rendre à la circulation publique la totalité de cette voie et à sa condamnation à lui verser une somme d'argent en réparation du préjudice de jouissance qu'il aurait subi. La contestation par M. C... de cette partie du jugement soulève un litige différent de celui qui résulte de l'appel principal. Il ressort des pièces du dossier que ces conclusions ont été formulées dans un mémoire enregistré le 27 septembre 2019, soit après l'expiration du délai d'appel, lequel a couru à compter de la notification du jugement le 20 mai 2019 selon l'accusé de réception postal figurant au dossier de première instance. Par suite, ces conclusions sont irrecevables car tardives et doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions pour mettre à la charge de la commune de Cognocoli-Monticchi la somme de 2 000 euros à verser à M. C....

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Cognocoli-Monticchi est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident présentées par M. C... sont rejetées.

Article 3 : La commune de Cognocoli-Monticchi versera à M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cognocoli-Monticchi et à M. G... C....

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. D..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.

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N° 19MA03240

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03240
Date de la décision : 05/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Biens de la commune - Voirie communale.

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Protection contre les occupations irrégulières.

Voirie - Régime juridique de la voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : GIANSILY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-05;19ma03240 ?
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