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11/02/2021 | FRANCE | N°19MA03625

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 11 février 2021, 19MA03625


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 22 mars 2018 par laquelle le maire de la commune de Toudon n'a pas renouvelé son contrat de travail à durée déterminée, ainsi que la décision du 7 juin 2018 par laquelle il a rejeté son recours gracieux, et, d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune de renouveler son contrat de travail à la date du 25 juillet 2018.

Par un jugement n° 1803168 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Nice a annu

lé les décisions du maire de Toudon des 22 mars 2018 et 7 juin 2018 et enjoint ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 22 mars 2018 par laquelle le maire de la commune de Toudon n'a pas renouvelé son contrat de travail à durée déterminée, ainsi que la décision du 7 juin 2018 par laquelle il a rejeté son recours gracieux, et, d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune de renouveler son contrat de travail à la date du 25 juillet 2018.

Par un jugement n° 1803168 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Nice a annulé les décisions du maire de Toudon des 22 mars 2018 et 7 juin 2018 et enjoint à la commune de Toudon de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er août 2019, 17 octobre 2019 et 6 octobre 2020, la commune de Toudon, représentée par Me Wagner, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée du caractère non-décisoire de l'acte contesté ;

- le refus de renouvellement d'engagement opposé à M. B... ne repose pas sur la maladie dont il est atteint mais sur l'intérêt du service ;

- à titre subsidiaire, les insuffisances de l'agent ainsi que ses manquements disciplinaires peuvent être substitués au motif tiré de son état de santé.

Par des mémoires en défense enregistrés les 18 août et 6 novembre 2020, M. B..., représenté par Me Lambert, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Toudon la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête de la commune de Toudon est irrecevable, faute de justifier d'un mandat régulier autorisant le maire à ester en justice ;

- les insuffisances professionnelles invoquées par la commune ne peuvent davantage fonder la mesure d'éviction du service contestée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sanson,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., représentant la commune de Toudon.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté le 19 septembre 2016 en qualité d'agent technique, par contrat à durée déterminée renouvelé sans interruption en dernier lieu jusqu'au 31 mars 2018. La commune de Toudon relève appel du jugement du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Nice annulant la décision du 22 mars 2018, confirmée sur recours gracieux le 7 juin 2018, et lui enjoignant de procéder au réexamen de la situation de M. B....

Sur la recevabilité de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif :

2. Eu égard aux termes dans lesquels il est rédigé, le courrier du 22 mars 2018 du maire de la commune de Toudon doit être regardé, non comme une simple information de son intention de ne pas renouveler le contrat de travail de M. B... à l'échéance, mais comme une décision de non-renouvellement de ce contrat. Il suit de là que cette décision, confirmée le 7 juin 2018 sur le recours gracieux de l'intéressé, a le caractère d'un acte faisant grief susceptible d'être déférées au juge de l'excès de pouvoir. Dès lors, la commune de Toudon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a admis la recevabilité de la demande dirigée contre cette décision, dont il a prononcé l'annulation.

Sur la légalité des décisions du maire refusant de renouveler le contrat de travail de M. B... :

3. Aux termes de l'article 2 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 : " Aucun agent non titulaire ne peut être recruté : / (...) 4° S'il ne remplit pas les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice des fonctions compte tenu des possibilités de compensation du handicap ; (...) Les examens médicaux sont assurés par les médecins agréés visés à l'article 1er du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux. "

4. M. B..., en faisant valoir que le maire de la commune de Toudon n'était pas compétent pour apprécier son aptitude au travail et ne pouvait, pour ce motif, refuser de renouveler son contrat de travail, doit être regardé comme soutenant que la décision litigieuse est entachée d'erreur de droit.

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de renouveler son contrat de travail, le maire de Toudon s'est borné à relever que M. B... se trouvait en arrêt de maladie, sans rechercher si, malgré cette situation, l'intéressé était apte à exercer son emploi. Il a, ce faisant, entaché sa décision contestée d'erreur de droit.

6. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement invoqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. En premier lieu, dès lors qu'elles sont de nature à caractériser un intérêt du service justifiant le non renouvellement du contrat, la circonstance que des considérations relatives à la personne de l'agent soient par ailleurs susceptibles de justifier une sanction disciplinaire ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'une décision de non renouvellement du contrat soit légalement prise, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

8. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de Toudon, qui se borne à produire un courrier du 1er décembre 2017 par lequel le maire a reproché à M. B... des manquements par ailleurs susceptibles de justifier une sanction disciplinaire, aurait mis l'intéressé à même de faire valoir ses observations sur la mesure de non renouvellement qu'il envisageait alors en raison de ces manquements. Dès, lors, la commune n'est pas fondée à demander qu'un motif disciplinaire soit substitué à celui tiré de l'inaptitude au travail.

9. En second lieu, aux termes de l'article 39-2 du décret du 15 février 1988 : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. (...) "

10. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions.

11. En se bornant à se référer au courrier du 1er décembre 2017, par lequel le maire a rappelé à M. B... les règles relatives à l'utilisation du véhicule de service mis à sa disposition en relevant que la carrosserie était endommagée, et à invoquer deux carences ponctuelles au cours du mois de février 2018, la commune ne fait pas état d'éléments susceptibles de révéler l'inaptitude de l'intéressé à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé.

12. Il s'ensuit que la demande de substitution de motifs présentée par la commune de Toudon ne peut être accueillie.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. B..., que la commune de Toudon n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune de Toudon au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B....

D E C I D E

Article 1er : La requête de la commune de Toudon est rejetée.

Article 2 : La commune de Toudon versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B... et à la commune de Toudon.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,

- M. Sanson, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

2

N° 19MA03625


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03625
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET WAGNER - WILLM

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-11;19ma03625 ?
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