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16/02/2021 | FRANCE | N°19MA01690

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 16 février 2021, 19MA01690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 juin 2017 par lequel le maire de Montclus s'est opposé à sa déclaration préalable relative à un camping à la ferme.

Par un jugement n° 1702597 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 avril 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admin

istratif de Nîmes du 12 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Montclus du 16 juin 2017 ;

3°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 juin 2017 par lequel le maire de Montclus s'est opposé à sa déclaration préalable relative à un camping à la ferme.

Par un jugement n° 1702597 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 avril 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 12 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Montclus du 16 juin 2017 ;

3°) d'enjoindre au maire de Montclus de lui délivrer un certificat de non-opposition à sa déclaration préalable, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de l'arrêt à venir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Montclus la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité au regard des articles L. 5 et R. 611-7 du code de justice administrative dès lors que le tribunal a requalifié l'arrêté attaqué en décision de retrait sans en informer les parties ;

- l'arrêté contesté est illégal dès lors qu'elle est devenue titulaire d'une décision tacite de non-opposition à déclaration à l'issue du délai d'instruction d'un mois ;

- cet arrêté est entaché d'une erreur de fait relative à la consistance de son projet qui ne porte pas sur la création d'un nouveau camping ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'elle peut se prévaloir de la prescription administrative énoncée à l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme ;

- il est entaché d'une autre erreur de droit au regard de l'article R. 161-4 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2019, la commune de Montclus, représentée par la SELARL Plantavin-Reina et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient, à titre principal, que les moyens invoqués par Mme E... ne sont pas fondés.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune de Montclus.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... a déposé, le 18 avril 2017, une déclaration préalable présentée comme tendant à la " régularisation administrative " d'un " camping à la ferme " existant de six emplacements sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Montclus. Par un arrêté du 16 juin suivant, le maire de Montclus s'est opposé à cette déclaration. Mme E... relève appel du jugement du 12 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 16 juin 2017.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de donner aux décisions administratives qui lui sont déférées leur exacte qualification.

3. D'une part, en vertu des dispositions du a) de l'article R. 423-23 et de celles du a) de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme, à défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction d'une déclaration préalable, qui est d'un mois sous réserve des délais particuliers prévus par les articles R. 42324 et suivants du même code, le silence gardé par l'autorité compétente vaut décision de non-opposition à la déclaration préalable.

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 423-24 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois : (...) / c) Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques (...) ". Selon l'article R. 423-42 du même code : " Lorsque le délai d'instruction de droit commun est modifié en application des articles R. 423-24 à

R. 423-33, l'autorité compétente indique (...) à l'auteur de la déclaration, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie : / a) Le nouveau délai et, le cas échéant, son nouveau point de départ ; / b) Les motifs de la modification de délai (...) ". Son article R. 423-43 dispose que : " Les modifications de délai prévues par les articles R. 423-24 à R. 423-33 ne sont applicables que si les notifications prévues par la présente sous-section ont été faites (...) ". L'article R. 423-46 précise que : " Les notifications et courriers prévus par les sous-sections 1 et 2 ci-dessus sont adressés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, par échange électronique ". Ces dernières dispositions ne font pas obstacle à l'utilisation d'autres procédés de notification, sous réserve qu'ils présentent des garanties équivalentes.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du dépôt, le 18 avril 2017, de la déclaration préalable de Mme E..., le maire de Montclus a, par une lettre du 9 mai suivant, entendu porter à deux mois le délai d'instruction de cette déclaration en application des dispositions citées ci-dessus du c) de l'article R. 423-24 du code de l'urbanisme. Si la commune de Montclus produit une attestation établie le 8 août 2019 par l'un de ses agents, lequel indique avoir remis cette lettre en mains propres à Mme E... " un jour de la semaine " du 9 mai 2017, ce seul document imprécis ne permet pas d'établir la réalité et la date de notification à l'intéressée de la lettre du 9 mai 2017 portant modification du délai d'instruction de sa déclaration préalable. Dans ces conditions, faute pour la commune de Montclus d'établir que ce courrier a été effectivement notifié dans le délai d'un mois prévu à l'article R. 423-42 du code de l'urbanisme, Mme E... est devenue titulaire d'une décision tacite de non-opposition à sa déclaration à l'expiration du délai d'instruction de droit commun, soit le 18 mai 2017. Il suit de là que l'arrêté contesté du 16 juin 2017 constitue le retrait de cette décision tacite de non-opposition.

6. En second lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme qu'une décision de non-opposition à une déclaration préalable, tacite ou explicite, ne peut être retirée que si elle est illégale et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision.

7. Pour retirer la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable dont Mme E... était devenue titulaire, le maire de Montclus a estimé, en substance, que le camping à la ferme en cause n'était autorisé ni par le règlement des zones F-NU et M-A... du plan de prévention des risques d'inondation applicable sur le territoire communal, ni par l'article R. 161-4 du code de l'urbanisme.

8. D'une part, il résulte de l'article 1er du règlement des zones F-NU et M-A... du plan de prévention des risques d'inondation du bassin versant de la Cèze que " la création de nouveaux campings " et " l'extension ou l'augmentation de capacité d'accueil des campings " sont interdites dans ces deux zones non urbanisées dans lesquelles l'aléa identifié est, respectivement, fort et modéré.

9. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de celles produites pour la première fois en appel par Mme E..., que le terrain d'assiette du projet accueille un camping à la ferme déclaré en mairie de Montclus au moins depuis l'année 1976. Le dossier de déclaration préalable déposé le 18 avril 2017 par Mme E... précise que ce camping à la ferme existant depuis plusieurs décennies ne doit faire l'objet d'aucun aménagement supplémentaire, qu'il comporte d'ores et déjà six emplacements et qu'il permet d'accueillir vingt personnes au maximum. Il ressort des plans et photographies joints à ce dossier qu'aucune construction n'est présente sur les parcelles d'assiette des différents emplacements, lesquelles sont engazonnées et plantées d'arbres, et que les installations sanitaires liées à ce camping à la ferme sont situées dans une bâtisse ancienne implantée à proximité de ces parcelles. Compte tenu des caractéristiques du camping à la ferme en cause, et à supposer même qu'une régularisation de ce camping existant était effectivement nécessaire en l'espèce, le projet litigieux ne saurait être regardé comme consistant en la création d'un nouveau camping ou comme portant sur l'extension ou l'augmentation de la capacité d'accueil d'un camping au sens et pour l'application des dispositions citées au point précédent. Par suite, Mme E... est fondée à soutenir que le maire de Montclus ne pouvait légalement se fonder sur ces dispositions pour édicter l'arrêté contesté.

10. D'autre part, aux termes de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ou des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à l'exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles ". Selon l'article R. 161-4 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le ou les documents graphiques délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et ceux où les constructions ne peuvent pas être autorisées, à l'exception : / 1° De l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ; / 2° Des constructions et installations nécessaires : (...) / b) A l'exploitation agricole ou forestière ; / c) A la mise en valeur des ressources naturelles ".

11. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'aucune construction n'est présente sur les parcelles d'assiette du projet de Mme E..., lequel ne prévoit l'édification d'aucune construction et n'implique aucun aménagement supplémentaire. Dans ces conditions, et compte tenu des caractéristiques décrites ci-dessus du camping à la ferme existant, c'est à tort que le maire de Montclus a retenu le motif tiré ce que le projet litigieux ne pouvait être autorisé dans un secteur de la commune dans lequel les constructions ne sont pas autorisées en vertu de la carte communale de Montclus.

12. Pour l'application de l'article L. 60041 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté contesté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Montclus du 16 juin 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

14. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Selon l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme : " En cas (...) de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande (...) du déclarant (...) ".

15. L'exécution du présent arrêt, qui annule l'arrêté retirant la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable dont Mme E... était titulaire, implique nécessairement que le certificat prévu par l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme lui soit délivré. Il y a lieu d'enjoindre au maire de Montclus de délivrer à Mme E... un certificat de non-opposition à déclaration dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

16. D'une part, les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la commune de Montclus la somme que cette dernière demande sur ce fondement.

17. D'autre part, Mme E... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. Son avocat n'a pas demandé que lui soit versée par la commune de Montclus la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de Mme E... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

18. Enfin, faute de dépens exposés au cours de la présente instance, les conclusions présentées par les parties au titre de l'article R. 7611 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 12 mars 2019 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de Montclus du 16 juin 2017 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Montclus de délivrer à Mme E... le certificat prévu à l'article R. 42413 du code de l'urbanisme dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E..., à la commune de Montclus et à Me D....

Délibéré après l'audience du 2 février 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Simon, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme F..., première conseillère,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.

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N° 19MA01690


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01690
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Régimes de déclaration préalable.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CUBELLS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-16;19ma01690 ?
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