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18/03/2021 | FRANCE | N°20MA00185

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 18 mars 2021, 20MA00185


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Laboratoire Promicéa a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 13 mars 2017 par laquelle l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a ordonné la suspension de la fabrication, de l'exportation, de la distribution en gros, de la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, de la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, de la publicité des produits dénommés " Neostem Serum " et " Neostem pocket l

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Laboratoire Promicéa a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 13 mars 2017 par laquelle l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a ordonné la suspension de la fabrication, de l'exportation, de la distribution en gros, de la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, de la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, de la publicité des produits dénommés " Neostem Serum " et " Neostem pocket lift ", ainsi que le retrait de ces produits, confirmée le 24 mai 2017 par le rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1705051 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 janvier 2020 et le 29 janvier 2021, la société Laboratoire Promicéa, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 novembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision de l'ANSM du 13 mars 2017, confirmée le 24 mai 2017 par le rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision rejetant son recours gracieux n'est pas motivée ;

- la décision du 13 mars 2017 est entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle qualifie ces produits de médicaments par présentation, cette qualification n'ayant d'ailleurs pas été reprise dans le rejet de son recours gracieux le 24 mai 2017 ;

- la décision du 13 mars 2017 est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'ANSM s'est bornée à constater que certaines des substances entrant dans la composition de ses produits avaient des propriétés pharmacologiques, sans apprécier si, eu égard notamment à leurs caractéristiques et à leur dosage, ces produits pouvaient effectivement être qualifiés de médicaments ;

- en l'occurrence, eu égard à leur très faible teneur en substances médicamenteuses et à leur innocuité, tant oculaire que médicamenteuse, les produits " Neostem serum " et " Neostem pocket lift " ne peuvent être qualifiés de médicaments par fonction.

Par un mémoire enregistré le 2 septembre 2020, l'ANSM, représentée par la SCP B... et Texier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Laboratoire Promicéa la somme de 4 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de légalité interne invoqués sont irrecevables, dès lors qu'ils ne sont pas d'ordre public et que la requérante n'a soulevé devant le tribunal, dans le délai de recours contentieux, que des moyens de légalité externe ;

- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation est inopérant à l'encontre de la décision portant rejet du recours gracieux ;

- à titre subsidiaire, ces moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la cour a désigné Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Laboratoire Promicéa, et de Me B..., représentant l'ANSM.

Considérant ce qui suit :

1. La société Laboratoire Promicéa relève appel du jugement du 18 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mars 2017 de l'ANSM ordonnant la suspension de la fabrication, de l'exportation, de la distribution en gros, de la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, de la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, de la publicité des produits dénommés " Neostem Serum " et " Neostem pocket lift ", ainsi que le retrait de ces produits, ensemble la décision du 24 mai 2017 portant rejet de son recours gracieux.

2. Aux termes de l'article L. 5312-1 du code de la santé publique : " L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé peut (...) suspendre les essais, la fabrication, la préparation, l'importation, l'exploitation, l'exportation, la distribution en gros, le conditionnement, la conservation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la publicité, la mise en service, l'utilisation, la prescription, la délivrance ou l'administration d'un produit ou groupe de produits mentionné à l'article L. 5311-1, non soumis à une autorisation ou un enregistrement préalable à sa mise sur le marché, sa mise en service ou son utilisation, lorsque ce produit ou groupe de produits, soit présente ou est soupçonné de présenter, dans les conditions normales d'emploi ou dans des conditions raisonnablement prévisibles, un danger pour la santé humaine, soit est mis sur le marché, mis en service ou utilisé en infraction aux dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables. (...) ". En outre, l'article L. 5111-1 du même code dispose que : " On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique ".

3. En premier lieu, le caractère de médicament par présentation s'apprécie au regard de l'aspect matériel du produit et des indications éventuellement portées sur son étiquette, son emballage ou sur un prospectus distinct, tenant à sa composition, à sa posologie et aux vertus curatives ou préventives qui lui sont prêtées.

4. Il ressort des pièces du dossier que le conditionnement des produits " Neostem Serum " et " Neostem pocket lift " comporte les mentions suivant lesquelles l'action combinée de " l'oméga statine " et du " Z-dronate ", nom commercial, respectivement, de la pravastatine et de l'alendronate, stimule la synthèse de collagène et freine la fabrication de la protéine responsable du vieillissement, complétées de la posologie recommandée. Le descriptif de ces produits, tel qu'il était publié sur le site internet de la société requérante le 2 décembre 2016, reprenait ces mentions en indiquant, en outre, qu'ils étaient déconseillés aux femmes enceintes. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ANSM aurait opéré une confusion entre les produits commercialisés par la société requérante et ceux élaborés par la société Prenyl B, avant sa liquidation judiciaire, sous l'appellation " Neostem ". Dans ces conditions, ces produits se présentent comme des médicaments au sens des dispositions précitées de l'article L. 51111 du code de la santé publique.

5. En second lieu, il résulte de la définition du médicament par fonction donnée par ces mêmes dispositions de l'article L. 51111, prises pour la transposition de la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne, que pour décider si un produit relève de la définition du médicament par fonction, il y a lieu de procéder à un examen au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble des caractéristiques du produit, dont, notamment, sa composition, ses propriétés pharmacologiques, telles qu'elles peuvent être établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation.

6. D'une part, il ressort des termes mêmes de la décision du 13 mars 2017 que le directeur de l'ANSM ne s'est pas borné à constater qu'entraient dans la composition des produits " Neostem Serum " et " Neostem pocket lift " des substances dotées de propriétés pharmacologiques et inscrites sur la liste 1 des substances vénéneuses, mais a recherché si ces produits, eu égard à leur composition, à leur finalité et au risque qu'ils peuvent représenter pour la santé des consommateurs, devaient être qualifiés de médicaments " par fonction ". Dans ces conditions, la société Laboratoire Promicéa n'est pas fondée à soutenir que la décision du 13 mars 2017 est entachée d'une erreur de droit.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les produits " Neostem Serum " et " Neostem pocket lift " sont composés de pravastatine et d'alendronate, substances aux propriétés, respectivement, hypocholestérolémiantes et antiostéoporotiques, et associées à des risques connus de troubles neurologiques, du système immunitaire, gastro-intestinaux, hépato-biliaires, musculo-squelettiques, cutanés, métaboliques et nutritionnels, ainsi que de développement de syndromes de Stevens Johnson et de nécrolyses épidermiques toxiques. Si les rapports réalisés les 5 avril 2017 et 11 janvier 2018 par l'organisme Expertox mentionnent que les concentrations en alendronate et en pravastatine sont suffisamment faibles pour garantir que la dose quotidienne maximale à laquelle l'utilisateur puisse se trouver exposé reste 10 à 400 fois inférieure à celles habituellement prescrites dans le cadre de protocoles thérapeutiques, ils se bornent à en déduire l'absence d'effet observable, sans se référer à des études cliniques permettant de déterminer des marges précises de sécurité pharmacologique. En outre, ces rapports n'excluent pas tout risque de double exposition ou de synergie avec d'autres substances actives, notamment l'interaction médicamenteuse mentionnée dans la décision litigieuse entre la pravastatine et les fibrates et ciclosporines. Enfin, si la société requérante soutient que le mode d'application cutané de ses produits protège l'utilisateur d'une absorption excessive de principes actifs, elle ne conteste pas qu'il expose cet utilisateur à un risque particulier de toxicité ophtalmique eu égard à la zone sur laquelle ils ont vocation à être appliqués. Ainsi, ni ces rapports, qui mentionnent au demeurant un risque de reprotoxicité chez la femme enceinte, ni aucun des autres documents versés au dossier par la société requérante ne permettent d'écarter avec certitude tout risque de potentiel pharmacologique, voire toxique. Dans ces conditions, c'est sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation que le directeur de l'ANSM a retenu que les produits " Neostem Serum " et " Neostem pocket lift " présentaient les caractéristiques de médicaments " par fonction ".

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par l'ANSM aux moyens de légalité interne soulevés par la société requérante, que la société Laboratoire Promicéa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ANSM, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Laboratoire Promicéa au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante le versement à cette autorité de la somme de 2 000 euros à ce même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Laboratoire Promicéa est rejetée.

Article 2 : La société Laboratoire Promicéa versera à l'ANSM la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Laboratoire Promicéa et à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, où siégeaient :

- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme E..., première conseillère,

- M. D..., conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2021.

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N° 20MA00185

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00185
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-04-01-001 Santé publique. Pharmacie. Produits pharmaceutiques.


Composition du Tribunal
Président : Mme JORDA-LECROQ
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : MOATTI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-18;20ma00185 ?
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