La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2021 | FRANCE | N°19MA03634

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 22 mars 2021, 19MA03634


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1903312 du 31 juillet 2019, la présidente du tribunal administratif de Montpellier a transmis à la cour la requête présentée par la SARL A2H.

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 juin, 9 octobre et 2 décembre 2019 et les 15 janvier et 11 février 2021, la SARL A2H, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le maire de Montpellier a délivré à la société Odysseum Place de France un permis de construire pour la réhabi

litation et l'extension d'un centre commercial et l'arrêté du 3 décembre 2020 délivrant un...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1903312 du 31 juillet 2019, la présidente du tribunal administratif de Montpellier a transmis à la cour la requête présentée par la SARL A2H.

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 juin, 9 octobre et 2 décembre 2019 et les 15 janvier et 11 février 2021, la SARL A2H, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le maire de Montpellier a délivré à la société Odysseum Place de France un permis de construire pour la réhabilitation et l'extension d'un centre commercial et l'arrêté du 3 décembre 2020 délivrant un permis de construire modificatif à cette même société ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement la commune de Montpellier et la société Odysseum Place de France à lui verser la somme de 1 200 000 euros ;

3°) de mettre la somme de 4 000 euros à la charge de la société Odysseum Place de France et celle de 2 000 euros à la charge de la commune de Montpellier en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- les articles L. 425-4, 600-1-4 et L. 600-10 du code de l'urbanisme et l'article L. 725-17 du code de commerce sont contraires à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne car ils sont difficilement intelligibles, et de surcroît répartis entre plusieurs codes ;

- le permis de construire n'indique pas l'emprise au sol du projet ;

- ses mentions ne permettent pas de vérifier que le projet est conforme au plan local d'urbanisme ;

- les avis de l'architecte des bâtiments de France et de la direction régionale de l'aménagement, de l'environnement et du logement n'ont pas été rendus sur le projet définitif ;

- la notice paysagère est insuffisante ;

- le projet va conduire à la destruction de son local et à la perte de son fonds de commerce ;

- le permis modificatif aurait dû être soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 juillet et le 2 août 2019, ainsi que le 29 janvier 2021, la société Odysseum Place de France, représentée par Adden avocats, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la SARL A2H ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées contre l'arrêté attaqué en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables, dès lors qu'elles n'ont pas été précédées par la saisine de la Commission nationale de l'aménagement commercial conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme ;

- la société n'a pas intérêt à agir contre l'arrêté attaqué en tant qu'il vaut autorisation de construire ;

- il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur le préjudice que causerait la réalisation du projet à des tiers lorsqu'il est saisi d'un recours contre un arrêté de permis de construire ;

- les conclusions indemnitaires dirigées à son encontre sont irrecevables, faute d'avoir été précédées d'une demande conformément à l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par la SARL A2H ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 octobre 2019 et le 28 janvier 2021, la commune de Montpellier, représentée par la SCP Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la SARL A2H ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle n'a pas été précédée par la saisine de la Commission nationale de l'aménagement commercial conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme ;

- la justice administrative est incompétente pour se prononcer sur les conclusions indemnitaires dirigées à son encontre ;

- celles-ci sont irrecevables, faute d'avoir été précédées d'une demande conformément à l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par la SARL A2H ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la justice administrative pour connaître des conclusions indemnitaires dirigées contre une personne privée.

Par un mémoire, enregistré le 11 février 2021, la SARL A2H demande à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme.

Elle soutient que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité et le droit au recours.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de justice administrative.

- l'ordonnance du 17 octobre 2019 par laquelle le premier vice-président de la cour a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l'appui de la requête de la SARL A2H.

La présidente de la cour a désigné M. Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., de la SCP Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et associés, représentant la commune de Montpellier, et de Me D..., représentant la société Odysseum Place de France.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 29 avril 2019, le maire de Montpellier a délivré à la société Odysseum Place de France un permis de construire pour la réhabilitation et l'extension d'un centre commercial. La SARL A2H exploite un établissement de restauration rapide sous l'enseigne " Pomme de Pain " au sein de ce centre commercial et fait valoir que le projet entraînera la démolition de son local. Par un arrêté du 3 décembre 2020, le maire de Montpellier a délivré à la société Odysseum Stade de France un permis modificatif portant sur le même centre commercial. La SARL A2H demande, à titre principal, l'annulation des arrêtés du 29 avril 2019 et du 3 décembre 2020, et, à titre subsidiaire, la condamnation solidaire de la commune de Montpellier et de la société Odysseum Place de France à lui verser la somme de 1 200 000 euros.

Sur le permis de construire initial :

2. En premier lieu, les articles L. 425-4, 600-1-4 et L. 600-10 du code de l'urbanisme et l'article L. 725-17 du code de commerce ne font pas obstacle à ce qu'un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale puisse faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en tant qu'il vaut autorisation de construire par une personne justifiant d'un intérêt à agir en lien direct avec l'objet de la décision attaquée, ainsi que le prévoit expressément le deuxième alinéa de l'article L. 600-1-4, qui renvoie à l'article L. 600-1-2. Les moyens tirés de ce que ces articles méconnaîtraient le droit au recours protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent en tout état de cause être écartés.

3. En deuxième lieu, l'absence de mention de l'emprise au sol de la construction et l'absence de détails concernant les modifications successives du plan local d'urbanisme de la commune de Montpellier dans les visas de l'arrêté attaqué sont sans incidence sur la légalité de ce dernier.

4. En troisième lieu, l'architecte des bâtiments de France a indiqué, par un courrier du 27 août 2018, que son accord n'était pas obligatoire car l'immeuble n'était pas situé dans le périmètre délimité des abords ou dans le champ de visibilité d'un monument historique. Le préfet de la région Occitanie a indiqué, par un courrier du 19 septembre 2018, que le projet n'entrait pas dans le champ de l'article R. 122-2 du code de l'environnement. Ni l'une, ni l'autre de ces circonstances ne sont contestées par la SARL A2H. Celle-ci n'est en conséquence pas fondée à soutenir que ces autorités auraient dues être consultées sur le projet de la société Odysseum Place de France.

5. En quatrième lieu, le dossier de demande de permis de construire comportait une notice de trente pages qui précise notamment l'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé conformément au a) du 2° de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme. Les dispositions de cet article n'imposaient pas au pétitionnaire d'indiquer dans cette notice le sort particulier du local occupé par la société requérante. Le moyen tiré de l'insuffisance de cette notice doit donc être écarté.

6. En cinquième lieu, la société A2H n'indique pas en quoi des dispositions particulières du plan local d'urbanisme auraient été méconnues. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions n'est donc pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

7. Enfin, les autorisations d'urbanisme, dont l'objet est d'assurer la conformité des aménagements et travaux projetés à la législation et la réglementation d'urbanisme, sont accordées sous réserve des droits des tiers. La circonstance que le projet autorisé porte atteinte aux conditions d'exploitation de l'établissement de la SARL A2H est étrangère à la légalité de l'arrêté attaqué.

Sur le permis de construire modificatif :

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

8. L'article L. 425-4 du code de l'urbanisme n'a ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à ce qu'un permis de construire modificatif, qu'il tienne lieu ou non d'autorisation d'exploitation commerciale, fasse l'objet d'un recours pour excès de pouvoir par une personne justifiant d'un intérêt à agir en lien direct avec l'objet de la décision attaquée. Il suit de là que le moyen tiré de ce que cet article méconnaît le principe d'égalité et le droit au recours ne soulève pas une question présentant un caractère sérieux. Il doit donc être écarté sans qu'il soit nécessaire de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

En ce qui concerne le moyen invoqué :

9. Les dispositions du code de commerce et du code de l'urbanisme constituent des législations indépendantes, répondant à des finalités distinctes. Par suite, des moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du code de commerce ne peuvent être utilement invoqués à l'appui d'une requête dirigée contre un permis relevant de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme en tant qu'il vaut autorisation de construire. En conséquence, la société requérante ne peut utilement soutenir que les modifications apportées au projet litigieux nécessitaient qu'une nouvelle demande soit formée par le pétitionnaire devant la commission départementale d'aménagement commercial afin que cette dernière procède à une nouvelle instruction du projet.

10. Il résulte de ce qui précède que la SARL A2H n'est pas fondée à demander l'annulation du permis de construire et du permis modificatif délivrés le 29 avril 2019 et le 3 décembre 2020 par le maire de Montpellier à la société Odysseum Place de France pour la réhabilitation et l'extension d'un centre commercial.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la responsabilité d'une personne privée, en dehors de cas spécifiques dont l'examen n'est pas pertinent dans le cadre du présent litige. Les conclusions indemnitaires de la SARL A2H dirigées contre la société Odysseum Place de France doivent donc être rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

12. Il appartient en revanche au juge administratif de se prononcer sur la responsabilité d'une personne publique dans l'exercice de ses missions de service public, telles que l'instruction des demandes d'autorisations d'urbanisme. La commune de Montpellier n'est en conséquence pas fondée à soutenir que les conclusions indemnitaires de la SARL A2H dirigées à son encontre seraient présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

13. Toutefois, la seule circonstance que le projet autorisé par l'arrêté du 29 avril 2019 cause un préjudice à la SARL A2H n'est pas de nature à engager la responsabilité de la commune de Montpellier. Ces conclusions doivent donc être rejetées.

14. Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur les fins de non-recevoir invoquées par la commune de Montpellier et la société Odysseum Place de France.

Sur les frais liés au litige :

15. La SARL A2H est partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à sa charge le versement à la commune de Montpellier et à la société Odysseum Place de France de la somme de 2 000 euros chacune au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.

16. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la SARL A2H sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SARL A2H.

Article 2 : Les conclusions indemnitaires de la SARL A2H dirigées contre la société Odysseum Place de France sont rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SARL A2H est rejeté.

Article 4 : La SARL A2H versera à la commune de Montpellier et à la société Odysseum Place de France la somme de 2 000 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL A2H, à la commune de Montpellier et à la société Odysseum Place de France.

Copie en sera adressée pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2021, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. B... et Mme C..., premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2021.

2

No 19MA03634


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03634
Date de la décision : 22/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS ADDEN-NAHMIAS-CATTIER-SACKSICK

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-22;19ma03634 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award