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23/03/2021 | FRANCE | N°19MA02200

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 23 mars 2021, 19MA02200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler, d'une part, la décision du 8 juin 2016 par laquelle le préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur lui a demandé de faire réaliser à ses frais l'abattage de chênes-lièges présents sur sa propriété située à Biot (Alpes-Maritimes) et, d'autre part, la décision du 12 septembre 2016 par laquelle le préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur l'a mise en demeure de faire réaliser cet abattage avant la date du 30 septembre 2016.>
Par un jugement n° 1603548, 1604755 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de N...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler, d'une part, la décision du 8 juin 2016 par laquelle le préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur lui a demandé de faire réaliser à ses frais l'abattage de chênes-lièges présents sur sa propriété située à Biot (Alpes-Maritimes) et, d'autre part, la décision du 12 septembre 2016 par laquelle le préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur l'a mise en demeure de faire réaliser cet abattage avant la date du 30 septembre 2016.

Par un jugement n° 1603548, 1604755 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 mai 2019, le 5 septembre 2019, le 16 avril 2020, le 22 décembre 2020 et le 23 février 2021, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 19 mars 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur du 8 juin 2016 et du 12 septembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

l'arrêté du préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur du 5 novembre 2015 est entaché d'incompétence ;

- le préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur a méconnu le 6 de l'article 4 de la décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission européenne du 18 mai 2015 ;

- la délimitation de la zone infectée est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article 4 de la décision d'exécution (UE) 2015/789 ;

- la procédure suivie, eu égard à sa complexité, a nui à son information ;

- le préfet de la région a méconnu le caractère contradictoire de la procédure, dès lors que la décision finale résulte de dispositions non applicables à l'origine de la procédure ;

- la décision du 12 septembre 2016 est insuffisamment motivée en droit ;

- les vices de procédure entachent la décision d'une nullité absolue, en application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- à l'issue de la modification, en 2017, de la décision d'exécution (UE) 2015/789, les Etats membres ont pu décider du maintien de végétaux hôtes dont la valeur historique est officiellement reconnue s'ils ne sont pas infectés par la bactérie, même s'ils se trouvent dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux infectés ;

- la mesure d'abattage est disproportionnée ;

- à l'issue d'une révision, la décision d'exécution 2015/789 a prévu à compter de 2017 la possibilité d'enrayer la maladie en Corse ;

- la Commission européenne a adopté, le 14 août 2020, un règlement d'exécution (UE) supprimant l'obligation d'établir une zone délimitée lorsque l'organisme nuisible peut être éliminé des végétaux récemment introduits dans lesquels sa présence a été constatée, prévoyant que la zone infectée s'étend sur un rayon d'au moins 50 mètres autour du végétal infecté, ainsi que la possibilité de prendre des mesures d'enrayement de l'organisme ;

- à l'issue de la révision du plan local d'urbanisme de la commune de Biot, en 2018, les chênes en cause ont été classés en éléments du paysage à préserver.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'exécution (UE) 2015/789 de la commission européenne du 18 mai 2015 relative à des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa ;

- le règlement d'exécution (UE) 2020/1201 de la Commission européenne du 14 août 2020 relatif à des mesures visant à prévenir l'introduction et la dissémination dans l'Union de Xylella fastidiosa ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La Commission européenne, par une décision d'exécution (UE) 2015/789 du 18 mai 2015, a pris des mesures visant à éviter l'introduction et la propagation dans l'Union européenne de la bactérie Xyllela fastidiosa. Par un arrêté du 5 novembre 2015, pris au visa, notamment, de cette décision, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a adopté des mesures de lutte applicables contre la bactérie, notamment en délimitant une zone autour de végétaux infectés dans le département des Alpes-Maritimes, et en prenant des mesures d'éradication des végétaux dans cette zone. Mme A..., qui est propriétaire d'un terrain situé à Biot, a été informée par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le 3 décembre 2015, de la découverte d'un foyer de Xyllela fastidiosa situé à moins de 100 mètres de sa propriété et de la mise en oeuvre des mesures d'éradication. Au cours des opérations de traitement et d'arrachage des végétaux hôtes de la bactérie, qui se sont déroulées les 16 et 17 décembre 2005, elle a demandé à l'administration de surseoir à l'abattage de deux des trois chênes-lièges implantés sur la propriété. À l'issue de l'organisation d'une visite sur place, à la demande de Mme A..., et de la présentation par cette dernière d'observations, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur lui a demandé, le 8 juin 2016, de procéder à l'abattage des deux arbres après la réalisation d'un constat contradictoire de l'état des lieux puis, le 12 septembre 2016, l'a mise en demeure de faire réaliser à ses frais l'abattage avant le 30 septembre 2016. Mme A... fait appel du jugement du 19 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur du 8 juin 2016 et du 12 septembre 2016.

I. Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté du 5 novembre 2015 :

2. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 4 de la décision d'exécution (UE) 2015/789 : " Lorsque la présence de l'organisme spécifié est confirmée, l'Etat membre concerné délimite sans délai une zone conformément au paragraphe 2 (...) ". Aux termes de l'article L. 251-8 du code rural et de la pêche maritime, alors en vigueur : " I.- Le ministre chargé de l'agriculture peut prescrire par arrêté les traitements et les mesures nécessaires à la prévention de la propagation des organismes nuisibles inscrits sur la liste prévue à l'article L. 251-3. (...) / II. - En l'absence d'arrêté ministériel, les mesures mentionnées au I peuvent être prises par arrêté du préfet de région ". Aux termes de l'article L. 251-3 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sont considérés comme des organismes nuisibles tous les ennemis des végétaux ou des produits végétaux, qu'ils appartiennent au règne animal ou végétal ou se présentent sous forme de virus, mycoplasmes ou autres agents pathogènes. / L'autorité administrative dresse la liste des organismes nuisibles qui sont des dangers sanitaires de première catégorie et de deuxième catégorie définis à l'article L. 201-1 ". Par arrêté du 15 décembre 2014 relatif à la liste des dangers sanitaires de première et deuxième catégorie pour les espèces végétales, le ministre de l'agriculture a classé la bactérie Xylella fastidiosa au sein de la liste des organismes nuisibles présentant un danger sanitaire de première catégorie au sens de l'article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime.

3. En l'absence d'arrêté ministériel prescrivant les mesures nécessaires à la prévention de la propagation de la bactérie Xylella fastidiosa à la date du 5 novembre 2015, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur était compétent pour prescrire de telles mesures, alors même qu'aucun arrêté ministériel n'avait désigné le préfet de région pour délimiter la zone prévue par l'article 4 de la décision (UE) 2015/789. Par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que l'arrêté du préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur du 5 novembre 2015 serait entaché d'incompétence.

4. En deuxième lieu, aux termes du 6 de l'article 4 de la décision d'exécution (UE) 2015/789 : " Par dérogation au paragraphe 1, l'Etat membre peut décider de ne pas établir une zone délimitée sur-le-champ lorsque toutes les conditions suivantes sont remplies : / a) il apparaît que l'organisme spécifié a été récemment introduit dans la zone avec les végétaux sur lesquels sa présence a été constatée ; / b) tout indique que ces végétaux étaient infectés avant leur introduction dans la zone concernée ; / c) aucun vecteur porteur de l'organisme spécifié n'a été détecté à proximité de ces végétaux à partir des analyses pratiquées conformément à des méthodes d'analyse validées à l'échelon international. ".

5. La seule production d'une attestation rédigée dans le cadre de l'instance par les propriétaires du fonds voisin de celui de Mme A... n'est pas suffisante pour démontrer que la bactérie Xylella fastidiosa aurait été introduite en juillet 2015 dans la zone, avec les végétaux sur lesquels sa présence a été constatée. Par suite et en tout état de cause, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur aurait méconnu le 6 de l'article 4 de la décision d'exécution (UE) 2015/789.

6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 4 de la décision d'exécution (UE) 2015/789 : " La zone délimitée se compose d'une zone infectée et d'une zone tampon. / La zone infectée englobe tous les végétaux dont l'infection par l'organisme spécifié est connue, tous les végétaux présentant des symptômes d'une éventuelle infection par ledit organisme et tous les autres végétaux susceptibles d'être infectés par cet organisme en raison de leur proximité immédiate avec des végétaux infectés ou, si elle est connue, d'une source de production qu'ils ont en commun avec des végétaux infectés ou des végétaux qui en sont issus. / (...) La zone tampon s'étend sur au moins 10 kilomètres autour de la zone infectée. La délimitation exacte des zones se fonde sur des principes scientifiques fiables, la biologie de l'organisme spécifié et de ses vecteurs, le niveau d'infection, la présence des vecteurs et la répartition des végétaux spécifiés dans la zone concernée (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la région ProvenceAlpes-Côte d'Azur, par l'article 1er de son arrêté du 5 novembre 2015, à délimité une zone infectée d'une distance de 100 mètres autour des végétaux infectés par la bactérie. En délimitant un tel périmètre, alors que la zone infectée doit englober notamment les végétaux susceptibles d'être infectés par la bactérie en raison de leur proximité immédiate avec des végétaux infectés, le préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article 4 de la décision d'exécution (UE) 2015/789.

En ce qui concerne les vices propres des décisions du 8 juin 2016 et du 12 septembre 2016 :

S'agissant de la légalité externe :

8. En premier lieu, la circonstance que la procédure suivie aurait nui à l'information de la requérante, eu égard à sa complexité, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité des décisions en litige.

9. En deuxième lieu, la circonstance que l'arrêté du préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur du 5 novembre 2015 serait illégal ne saurait avoir d'incidence sur le caractère contradictoire de la procédure. En tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que les moyens tirés de l'illégalité de cet arrêté doivent être écartés.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° (...) de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

11. La décision du préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur du 12 septembre 2016, qui vise notamment la décision d'exécution (UE) 2015/789, l'article L. 251-8 du code rural et de la pêche maritime, ainsi que l'arrêté préfectoral du 5 novembre 2015, comporte de façon suffisamment précise les considérations de droit qui la fondent.

12. En quatrième lieu, Mme A... ne saurait utilement soutenir que les décisions du préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur auraient été prises en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la procédure administrative concernant la prévention de la propagation des organismes nuisibles n'entrant pas, en tout état de cause, dans le champ d'application de cet article, lequel est relatif aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits ou obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale.

S'agissant de la légalité interne :

13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les deux chênes-lièges en cause sont situés à 76 mètres du foyer d'infection. Ainsi, alors que le préfet de la région ProvenceAlpesCôte d'Azur a accordé à Mme A... la possibilité de maintenir les souches des deux arbres afin de ne pas déstabiliser le terrain et la maison, la mesure d'abattage de ces arbres n'apparaît pas disproportionnée, eu égard à la virulence de la bactérie et à son mode de propagation. La circonstance que, postérieurement aux décisions en litige, les deux arbres n'ont pas été infectés et sans incidence sur leur légalité.

14. En second lieu, la requérante ne saurait se prévaloir de circonstances postérieures aux décisions en litige, résultant de révisions de la décision d'exécution (UE) 2015/789, de l'adoption du règlement d'exécution (UE) 2020/1201 de la Commission européenne du 14 août 2020, et de la révision du plan local d'urbanisme de la commune de Biot, en 2018, qui sont sans incidence sur leur légalité.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes.

II. Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme A... de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée à la région ProvenceAlpesCôte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2021, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- Mme Carotenuto, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2021.

7

N° 19MA02200


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02200
Date de la décision : 23/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-045-01 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : MSELLATI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-23;19ma02200 ?
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