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31/03/2021 | FRANCE | N°19MA00308

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 31 mars 2021, 19MA00308


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) du canton de Bar-sur-Loup a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 novembre 2017 tendant à l'abrogation de l'arrêté du 19 mai 2017 du préfet des Alpes-Maritimes portant prescriptions pour la mise en sécurité de l'installation d'incinération d'ordures ménagères et de ses installations connexes situées au lieu-dit " La Sarrée " au Bar-sur-Loup.

Par une ordonnance n° 1705

140 du 23 novembre 2018, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) du canton de Bar-sur-Loup a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 novembre 2017 tendant à l'abrogation de l'arrêté du 19 mai 2017 du préfet des Alpes-Maritimes portant prescriptions pour la mise en sécurité de l'installation d'incinération d'ordures ménagères et de ses installations connexes situées au lieu-dit " La Sarrée " au Bar-sur-Loup.

Par une ordonnance n° 1705140 du 23 novembre 2018, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 et 23 janvier 2019, sous le n° 19MA00308, le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup, représenté par Me B... demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Nice du 23 novembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 novembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a retenu à tort l'irrecevabilité de sa demande qui n'était pas tardive s'agissant d'une demande d'abrogation d'un acte réglementaire ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'autorité de chose jugée par le jugement du 30 juin 2015 du tribunal administratif de Nice ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est entaché d'une erreur de fait ;

- cet arrêté se heurte à la prescription trentenaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me B..., représentant le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 19 septembre 1963, le préfet des Alpes-Maritimes a autorisé la constitution d'un syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) entre les communes de Roquefort-Les-Pins, Le Rouret, Valbonne puis la commune du Bar-sur-Loup en 1971, ayant pour objet notamment l'enlèvement et l'incinération des ordures ménagères. Par un arrêté du 4 décembre 1968, le SIVOM a été autorisé à ouvrir un four d'incinération d'ordures ménagères à Bare-sur-Loup lequel a été mis en service le 23 janvier 1973. Suite à un incendie survenu le 24 octobre 1978, l'installation a été entièrement démolie et le site mis en sécurité pour prévenir tout risque de pollution. Toutefois, le 1er juin 2012, l'inspection des installations classées a constaté, à l'occasion d'une visite, la pollution des terrains et la présence de déchets. Compte tenu d'un rapport ultérieur établi le 19 février 2014, le préfet des Alpes-Maritimes a mis en demeure le SIVOM de satisfaire aux obligations réglementaires de mise en sécurité du site par arrêté du 18 mars 2014. Par un jugement n° 1402227-5 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté pour erreur de droit. A la suite de chutes de blocs de rochers sur la RD3, des investigations réalisées le 5 mars 2016 ont révélé que la fouille laissée par une ancienne carrière située à proximité de l'incinérateur précité avait été utilisée comme décharge en palliatif probable de l'indisponibilité soudaine de l'incinérateur à la suite de l'incendie. Par arrêté du 19 mai 2017 notifié le 26 mai 2017 au SIVOM du canton de Bar-sur-Loup, le préfet des Alpes-Maritimes a fixé des prescriptions pour la mise en sécurité de l'installation d'incinération d'ordures ménagères et de ses installations connexes situées au lieu-dit " La Sarrée " au Bar-sur-Loup. Le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup a alors demandé, par un " recours gracieux " du 6 novembre 2017 notifié le 8 novembre 2017 au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à l'abrogation de cet arrêté, lequel a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup relève appel de l'ordonnance du 23 novembre 2018 du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 novembre 2017 tendant à l'abrogation de l'arrêté du 19 mai 2017 précité.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) ". Aux termes de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits peut, pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé sous réserve, le cas échéant, de l'édiction de mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6. ". L'article L. 243-2 du même code dispose que : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé. / L'administration est tenue d'abroger expressément un acte non réglementaire non créateur de droits devenu illégal ou sans objet en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : / 1° Installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés au I de l'article L. 214-3, y compris les prélèvements d'eau pour l'irrigation en faveur d'un organisme unique en application du 6° du II de l'article L. 211-3 ; / 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1. / Elle est également applicable aux projets mentionnés au deuxième alinéa du II de l'article L. 122-1-1 lorsque l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation est le préfet, ainsi qu'aux projets mentionnés au troisième alinéa de ce II. / L'autorisation environnementale inclut les équipements, installations et activités figurant dans le projet du pétitionnaire que leur connexité rend nécessaires à ces activités, installations, ouvrages et travaux ou dont la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers ou inconvénients ". Aux termes de l'article R. 512-39-5 du code précité : " Pour les installations ayant cessé leur activité avant le 1er octobre 2005, le préfet peut imposer à tout moment à l'exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article R. 181-45, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, en prenant en compte un usage du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation. "

4. Par l'arrêté contesté pris sur le fondement des articles L. 181-1 et R. 512-39-5 du code de l'environnement, le préfet des Alpes-Maritimes a fixé des prescriptions pour la mise en sécurité de l'installation d'incinération d'ordures ménagères et de ses installations connexes situées au lieu-dit " La Sarrée " au Bar-sur-Loup. Cet arrêté qui désigne nominativement le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup comme étant l'exploitant de cette installation, vise une situation particulière liée au constat effectué par l'inspection des installations classées de mise à l'air libre d'un mélange de déchets de plusieurs dizaines de mètres carrés reposant à même le sol, sans aucun dispositif d'imperméabilisation du terrain sous-jacent, et du non-respect de l'obligation d'enlever ou d'éliminer tous les déchets de l'exploitation mise à l'arrêt par le dernier exploitant. Par ailleurs, l'arrêté impose au SIVOM un certain nombre de prescriptions dénuées de caractère impersonnel ou général. Cet arrêté n'a pas, par lui-même, pour objet l'organisation d'un service public. Ainsi, il ne revêt pas le caractère d'un acte réglementaire mais celui d'une mesure individuelle de police spéciale non créatrice de droits dont l'abrogation peut être demandée sans condition de délai en vertu des dispositions des articles L. 243-1 et L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration mentionnées au point 2. Par suite, le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice a estimé que sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 novembre 2017 tendant à l'abrogation de l'arrêté du 19 mai 2017 était manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté. Par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup devant le tribunal et la Cour.

Sur la légalité de la décision implicite de refus d'abroger l'arrêté du 19 mai 2017 :

6. Il résulte des dispositions mentionnées au point 2 que si l'administration est tenue d'abroger un acte règlementaire illégal, elle ne l'est, s'agissant des actes non réglementaires, non créateur de droits, que si cette décision est devenue illégale à la suite de changements dans les circonstances de droit ou de fait postérieurs à son édiction.

7. Pour contester la légalité de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup soutient que l'arrêté du 19 mai 2017 méconnaît l'autorité de chose jugée par le jugement du 30 juin 2015 du tribunal administratif de Nice qui a annulé l'arrêté du 18 mars 2014 pour erreur de droit, qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne saurait être fondé sur les rapports d'inspection des installations classées des 19 février 2014, 25 août et 15 février 2017 et repose ainsi sur une erreur de qualification juridique des faits, qu'il est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article R. 512-39-5 du code de l'environnement et qu'une simple suspicion ne saurait constituer un danger avéré. Il oppose également la prescription trentenaire. Toutefois, ces moyens qui relèvent de l'illégalité initiale de l'arrêté du 19 mai 2017 sont inopérants. Par ailleurs, le syndicat requérant n'invoque aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait, postérieurs à l'édiction de cet arrêté, qui l'aurait rendu illégal et n'est par suite pas fondé à demander l'annulation de la décision refusant de l'abroger.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 novembre 2017.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du tribunal administratif de Nice du 23 novembre 2018 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par le SIVOM du canton de Bar-sur-Loup devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au SIVOM du canton de Bar-sur-Loup et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2021.

2

N° 19MA00308

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00308
Date de la décision : 31/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - classification - Actes individuels ou collectifs - Actes non créateurs de droits.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SELARL PLENOT-SUARES-BLANCO-ORLANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-31;19ma00308 ?
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