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07/04/2021 | FRANCE | N°19MA04182

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 07 avril 2021, 19MA04182


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 septembre et le 5 décembre 2019, la SAS Distribution Casino France, représentée par la SELARL Concorde avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire délivré le 12 juillet 2019 par le maire du Castellet à la société Lidl en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune du Castellet la somme de 1 500 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justic

e administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de la Commission nationale d'aménagemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 septembre et le 5 décembre 2019, la SAS Distribution Casino France, représentée par la SELARL Concorde avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire délivré le 12 juillet 2019 par le maire du Castellet à la société Lidl en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune du Castellet la somme de 1 500 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) est insuffisamment motivé ;

- le dossier soumis à la CNAC était incomplet ;

- la CNAC a inexactement apprécié l'impact du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2020, la commune du Castellet, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la SAS Distribution Casino France ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors que le recours préalable devant la CNAC n'a pas été notifié au pétitionnaire conformément à l'article R. 752-32 du code de commerce ;

- les moyens soulevés par la SAS Distribution Casino France sont infondés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 4 novembre 2019 et le 23 janvier 2020, la société Lidl, représentée par Adden avocats, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la SAS Distribution Casino France ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SAS Distribution Casino France sont infondés.

La requête a été communiquée à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SAS Distribution Casino France, de Me D..., représentant la commune du Castellet, et de Me A..., représentant la société Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. La société Lidl a demandé, le 24 août 2018, au maire du Castellet un permis de construire un supermarché d'une surface de vente de 1 276 mètres carrés. La commission départementale d'aménagement commercial du Var a rendu un avis favorable sur le projet le 21 janvier 2019. La Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), à l'issue de sa séance du 13 juin 2019, a rejeté le recours présenté par la SAS Distribution Casino France et émis un avis favorable sur le projet de la société Lidl. Le maire du Castellet a délivré le permis de construire demandé par un arrêté du 12 juillet 2019. La SAS Distribution Casino France demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la motivation de l'avis de la CNAC :

2. L'avis de la CNAC est motivé par six paragraphes comportant des éléments factuels précis sur la localisation du projet, son effet sur l'animation de la vie urbaine, sa compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT) Provence Méditerranée, son effet sur les flux de transports, la qualité environnementale du projet, son insertion paysagère et architecturale, et l'absence de nuisances. Il est par suite suffisamment motivé conformément à l'article R. 752-16 du code de commerce, quand bien même il ne prend pas partie sur le respect de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par la loi.

Sur le caractère complet du dossier :

3. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce relatives aux émissions de gaz à effet de serre et à l'analyse d'impact du projet, issues de l'article 166 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, n'étaient pas applicables à la demande de la société Lidl, déposée avant le 1er janvier 2019. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est donc inopérant.

4. En deuxième lieu, il résulte du c) du 4° de l'article R. 752-6 du code de commerce que le dossier de demande comprend une " évaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ". Ces dispositions n'imposent ni de réaliser un comptage au cours de la " période touristique ", ni d'indiquer la date à laquelle des travaux routiers à proximité seront achevés. La société requérante n'apporte aucun élément factuel de nature à démontrer que les estimations de flux réalisées par la pétitionnaire seraient inexactes ou incomplètes. Les éléments dont elle fait état sur les difficultés ponctuelles de circulation à proximité sont extraites du dossier transmis par le pétitionnaire à la CNAC, et ont donc nécessairement été portées à la connaissance de celle-ci.

5. En troisième lieu, le g) du 4° de l'article R. 752-6 du code de commerce, prévoit, dans sa version applicable, que le dossier de demande comporte également " En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ". L'aménagement concomitant du carrefour giratoire entre la route départementale 82, le chemin des Fanges et l'allée du Cinsault à l'angle sud-ouest du projet s'inscrit dans le cadre du programme de la zone d'aménagement concertée du Plan, sans être lié à la réalisation du magasin à l'enseigne Lidl ni porter sur la desserte de celui-ci. L'élargissement de la voie transversale entre les départementales 82 et 559b doit être réalisé par le pétitionnaire lui-même, sans financement ou participation extérieurs.

6. Le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande doit donc être écarté.

Sur l'objectif d'aménagement du territoire :

7. Ainsi que l'a relevé la CNAC, le projet s'inscrit dans une partie de la commune du Castellet en pleine évolution du fait de plusieurs programmes immobiliers, et dans une zone de chalandise qui connaît une croissance démographique supérieure à la moyenne nationale. Il s'implante dans le tissu urbanisé ou en cours d'urbanisation de la commune et permet une diversification de l'offre de proximité, " dans un cadre confortable ". La présence de deux supermarchés et d'autres magasins alimentaires dans la zone de chalandise du projet est par elle-même sans incidence sur l'appréciation portée par la CNAC sur le critère relatif à l'animation de la vie urbaine, qui n'a pas pour objet de les protéger de la concurrence de nouveaux commerçants.

8. Les difficultés ponctuelles de circulation résultant de travaux routiers réalisés dans le cadre du programme de la zone d'aménagement concertée du Plan ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par la CNAC, étayée par l'étude de trafic produite par le pétitionnaire, selon laquelle le projet n'aura pas d'effet sensible sur les flux automobiles. L'un des aménagements dont les garanties de réalisation sont contestées par la société requérante est précisément celui dont les travaux étaient en cours, l'autre étant partie intégrante du projet ainsi qu'il a été vu au point 5. Il n'est pas démontré que la desserte en bus serait insuffisante.

9. Il est vrai que le projet, constitué d'un magasin de plain-pied et d'un parc de stationnement en surface, ne répond pas au critère de consommation économe de l'espace, et qu'il n'est pas desservi par des pistes cyclables. Toutefois, ces éléments, au regard de ceux examinés aux point 7 et 8, ne suffisent pas pour considérer que le projet compromettrait l'objectif d'aménagement du territoire. La CNAC n'a donc pas inexactement qualifié les faits en estimant que le projet ne méconnaissait pas cet objectif.

Sur l'objectif de développement durable :

10. Les motifs retenus par la CNAC sur la qualité environnementale du projet ne sont pas contestés.

11. S'agissant de l'insertion paysagère et architecturale, la CNAC a retenu que l'insertion du projet dans l'environnement proche est qualitative, avec un projet s'inspirant de l'architecture traditionnelle locale, dont une toiture à quatre pentes couvertes par des tuiles romanes, et qu'il prévoit la création d'un écran végétal sur le pourtour du site et plus de 2 100 mètres carrés d'espaces verts. En se bornant à discuter de la couleur du sol environnant et à critiquer l'insuffisance du dossier de demande sur ce point, la société requérante ne remet pas utilement en cause cette appréciation.

12. Enfin, l'existence de nuisances sonores, visuelles et lumineuses n'est pas établie.

13. La CNAC n'a donc pas non plus inexactement qualifié les faits en considérant que le projet ne portait pas atteinte à l'objectif de développement durable.

Sur l'objectif de protection des consommateurs :

14. Le projet, quand bien même il est distant de 3,3 kilomètres du centre-ville de la commune du Castellet, est situé à proximité de plusieurs zones d'habitation, dont celle procédant de la zone d'aménagement concerté du Plan. Le projet commercial proposé correspond à une amélioration du confort d'achat, notamment par un gain de temps et de praticité et une adaptation à l'évolution des modes de consommation. La CNAC a retenu sans être contestée qu'il contribue à limiter l'évasion commerciale et les déplacements vers d'autres pôles pour les achats courants et quotidiens. Il ne comporte pas de mesures propres à valoriser les filières de production locales. Il n'est pas établi que l'offre proposée par le supermarché sous l'enseigne " Lidl " entre directement en concurrence avec les commerçants locaux dans des conditions de nature à défavoriser les consommateurs. Il concourre en revanche à l'objectif de protection de ces derniers par la concurrence générée avec les autres supermarchés déjà implantés dans sa zone de chalandise.

15. La CNAC n'a donc pas non plus inexactement qualifié les faits en considérant que le projet ne portait pas atteinte à l'objectif de protection des consommateurs.

16. Il résulte de ce qui précède que la SAS Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation du permis de construire délivré le 12 juillet 2019 par le maire du Castellet à la société Lidl en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

17. Il n'est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune en défense.

Sur les frais liés au litige :

18. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la SAS Distribution Casino France le versement de la somme de 2 500 euros à la commune du Castellet et celle de 3 500 euros à la société Lidl au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.

19. Les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la SAS Distribution Casino France sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : La SAS Distribution Casino France versera la somme de 2 500 euros à la commune du Castellet et celle de 3 500 euros à la société Lidl en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Distribution Casino France, à la commune du Castellet, à la SNC Lidl, à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2021.

2

No 19MA04182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04182
Date de la décision : 07/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS ADDEN-NAHMIAS-CATTIER-SACKSICK

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-07;19ma04182 ?
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