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09/04/2021 | FRANCE | N°20MA02606

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 09 avril 2021, 20MA02606


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Sonovision a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 5 mai 2017 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, retiré sa décision implicite portant rejet du recours hiérarchique formé par Mme F... D... à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 19 septembre 2016 autorisant son employeur à la licencier pour motif économique, d'autre part, annulé cette décision de l'inspecteur du travail, enfin, refusé d'autoriser ce licenciement.

Par un ju

gement n° 1704855 du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Sonovision a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 5 mai 2017 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, retiré sa décision implicite portant rejet du recours hiérarchique formé par Mme F... D... à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 19 septembre 2016 autorisant son employeur à la licencier pour motif économique, d'autre part, annulé cette décision de l'inspecteur du travail, enfin, refusé d'autoriser ce licenciement.

Par un jugement n° 1704855 du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020, la SAS Sonovision, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 5 mai 2017 de la ministre du travail ;

3°) d'autoriser le licenciement de Mme D... ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision contestée ;

- cette décision est insuffisamment motivée en ce que la ministre ne précise pas pourquoi et en quoi le secteur d'activité de l'aéronautique ne constituerait pas un secteur d'activité à part entière ;

- la ministre ne pouvait légalement retirer sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique ;

- la ministre a porté sur les faits de l'espèce une appréciation erronée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SAS Sonovision la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 24 décembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête, en renvoyant à ses écritures produites devant le tribunal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me C..., représentant la SAS Sonovision, et de Me E..., substituant Me B..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Sonovision, qui exerce notamment une activité d'ingénierie documentaire, a intégré en février 2014 le groupe Ortec. Un projet de réorganisation a conduit à envisager le licenciement pour motif économique de 31 salariés de la société et a donné lieu à la signature, le 9 mai 2016, d'un accord majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi, accord qui a été validé par la DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Au nombre des 31 personnes concernées par le plan de licenciement collectif figurait Mme D..., qui exerçait au sein de la SAS Sonovision les fonctions d'assistante de direction. L'intéressée, qui détenait un mandat de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ayant refusé les solutions de reclassement proposées par son employeur, ce dernier a sollicité auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de la licencier. Par décision du 19 septembre 2016, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement. La SAS Sonovision a en conséquence notifié son licenciement à Mme D... par lettre du 28 septembre 2016. Saisie par cette dernière d'un recours hiérarchique contre cette décision, la ministre du travail a, par décision du 5 mai 2017, d'une part, retiré la décision implicite de rejet qu'elle a laissé naître, d'autre part, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 19 septembre 2016, enfin a refusé d'autoriser le licenciement de l'intéressée. La société Sonovision relève appel du jugement du 3 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette dernière décision.

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte par adoption des motifs retenus par le tribunal.

3. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de la décision contestée que, pour annuler la décision de l'inspecteur du travail et refuser d'autoriser le licenciement de Mme D..., la ministre a estimé que le motif économique invoqué par la société Sonovision n'était pas établi. Précisément, la ministre a estimé que le périmètre au sein duquel la société a entendu faire valoir le bien-fondé de ce motif économique, à savoir, au sein du groupe Ortec, le seul segment " aéronautique ", n'était pas pertinent. Pour justifier son appréciation, elle a dans un premier temps indiqué que, dans la note remise au comité central d'entreprise en vue de sa consultation sur le projet de réorganisation de la société, l'activité du groupe Ortec y est présentée comme regroupant cinq secteurs d'activité, dont l'ingénierie, qui y est présenté comme un secteur d'activité en tant que tel. Elle a ajouté que la circonstance selon laquelle le secteur de l'ingénierie est principalement centré sur les deux activités de l'énergie et de l'aéronautique, reprenant en cela les indications de la société selon lesquelles EDF et Airbus représenteraient près de 50 % du chiffre d'affaires global de cette activité " ingénierie " au sein du groupe, ne pouvait justifier que le périmètre du " secteur d'activité " pour l'appréciation du bien-fondé du motif économique soit limité à ces seules activités. La ministre a en outre relevé que, dans la demande d'autorisation de licenciement, il était fait état de ce que " le secteur de l'ingénierie doit faire face à une concurrence particulièrement agressive ". La ministre a ensuite relevé que la société n'avait pas fourni de données concernant l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans ce secteur de l'ingénierie et qu'en conséquence, l'administration ne pouvait valablement exercer son contrôle sur la réalité d'une menace pesant sur la compétitivité de ce secteur d'activité. Ce faisant, la ministre, qui a ainsi indiqué que l'administration ne pouvait valablement accomplir son office en l'absence de production par la société des informations utiles portant sur la globalité du " secteur de l'ingénierie ", secteur que la société a elle-même présenté comme un secteur d'activité unique, a suffisamment motivé en droit et en fait la décision querellée.

4. En dernier lieu, s'agissant des autres moyens de la requête, tirés de ce que la ministre ne pouvait légalement retirer sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique et de ce qu'elle a porté sur les faits de l'espèce une appréciation erronée, la SAS Sonovision n'apporte aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal sur son argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Sonovision n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence et en tout état de cause, les conclusions tendant à ce que la Cour autorise le licenciement de Mme D....

Sur les frais liés au litige :

6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Sonovision demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SAS Sonovision une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Sonovision est rejetée.

Article 2 : La SAS Sonovision versera à Mme D... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Sonovision, à Mme F... D... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2021.

2

N° 20MA02606

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02606
Date de la décision : 09/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : MIRANDE ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-09;20ma02606 ?
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