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07/06/2021 | FRANCE | N°19MA04528-19MA04540

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 07 juin 2021, 19MA04528-19MA04540


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office de tourisme intercommunal de l'Oriente a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'avis n°2017/0003 de la chambre régionale des comptes de Corse du 7 juin 2017.

Par un jugement n°1701233 du 22 août 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé ledit avis en tant qu'il porte sur les exercices 2015 et 2016 et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 octobre 2019, 24 février 2021 e

t 17 mars 2021 sous le n°19MA04528, l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente, représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office de tourisme intercommunal de l'Oriente a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'avis n°2017/0003 de la chambre régionale des comptes de Corse du 7 juin 2017.

Par un jugement n°1701233 du 22 août 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé ledit avis en tant qu'il porte sur les exercices 2015 et 2016 et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 octobre 2019, 24 février 2021 et 17 mars 2021 sous le n°19MA04528, l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente, représenté par la SELARL DELSOL Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 août 2019 en ce qu'il rejette sa demande d'annulation de l'avis n°2017/0003 de la chambre régionale des comptes de Corse du 7 juin 2017 en tant qu'il porte sur l'exercice 2017 ;

2°) d'annuler ledit avis dans sa totalité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Linguizzetta une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a intérêt à relever appel d'un jugement qui lui donne partiellement tort ;

- il a intérêt à demander l'annulation de l'avis qui lui fait grief en le privant de sa principale recette de fonctionnement ;

- il dispose de la qualité à agir au regard de ses statuts et de sa qualité d'établissement public industriel et commercial qui est définitivement acquise ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit dont est entaché l'avis litigieux au regard des dispositions de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales ;

- ledit avis est entaché d'une erreur de droit au regard de ces dispositions ; la seule existence d'un litige n'est pas de nature à caractériser une contestation sérieuse ;

- la dépense revêt un caractère obligatoire pour la commune, sans contestation sérieuse, en application des dispositions des articles L. 2333-27 du code général des collectivités territoriales et L. 133-7 du code du tourisme, a fortiori compte-tenu de l'annulation de la délibération du conseil municipal du 29 avril 2015 ;

- la délibération du conseil municipal du 23 janvier 2017 n'était que confirmative de celle du 29 avril 2015 et superfétatoire ; dès lors, compte-tenu de l'annulation de cette dernière, elle ne peut caractériser une contestation sérieuse du caractère obligatoire de la dépense ;

- l'issue du litige ne dépend pas de l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Bastia.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 décembre 2019, 31 janvier 2020, 10 mars 2021 et 24 mars 2021, la commune de Linguizzetta, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement après avoir sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Bastia à intervenir dans l'instance n°RG21/00100, et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'office de tourisme n'a pas de qualité à agir dès lors que son assise institutionnelle est incertaine ;

- il n'est pas régulièrement constitué sous la forme d'un établissement public industriel et commercial de telle sorte qu'il ne peut, en application de l'article L. 133-7 du code du tourisme, recouvrer la taxe litigieuse et est ainsi dépourvu d'intérêt à agir ; la cour d'appel de Bastia est saisie de cette question qui relève de la compétence du juge administratif ;

- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

II°) Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 octobre 2019, 31 janvier 2020 et 10 mars 2021 sous le n°19MA04540, la commune de Linguizzetta, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 août 2019 en tant qu'il a fait droit à la demande de l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente et annulé l'avis n°2017/0003 de la chambre régionale des comptes de Corse du 7 juin 2017 en tant qu'il porte sur les exercices 2015 et 2016 ;

2°) de rejeter cette demande, subsidiairement après avoir sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Bastia à intervenir dans l'instance n°RG21/00100 ;

3°) de mettre à la charge de l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'office de tourisme n'avait pas de qualité à agir dès lors que son assise institutionnelle est incertaine ;

- il n'est pas régulièrement constitué sous la forme d'un établissement public industriel et commercial de telle sorte qu'il ne peut, en application de l'article L. 133-7 du code du tourisme, recouvrer la taxe litigieuse et était ainsi dépourvu d'intérêt à agir ; la cour d'appel de Bastia est saisie de cette question qui relève de la compétence du juge administratif ;

- à la date à laquelle la chambre régionale des comptes s'est prononcée, la délibération de son conseil municipal du 29 avril 2015 instituant la taxe était en vigueur et la question de sa légalité ainsi que de celles des titres émis à son encontre par l'office de tourisme faisaient l'objet d'une contestation sérieuse justifiant le sens de l'avis en cause ;

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 février et 12 avril 2021, l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente, représenté par la SELARL DELSOL Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Linguizzetta au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Les procédures ont été communiquées à la chambre régionale des comptes de Corse, au ministre de l'action et des comptes publics, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au Premier ministre qui n'ont pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du tourisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me D..., représentant l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente, et de Me B..., substituant Me E..., représentant la commune de Linguizzetta.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis du 7 juin 2017, la chambre régionale des comptes de Corse a refusé de faire droit à la demande présentée par l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente sur le fondement de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, tendant à ce que soit inscrit d'office au budget 2017 de la commune de Linguizzetta le reversement à son profit du produit de la taxe de séjour perçu par celle-ci au titre des années 2015, 2016 et 2017. Par un jugement du 22 août 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'avis du 7 juin 2017 de la chambre régionale des comptes de Corse en tant qu'il porte sur les exercices 2015 et 2016 et a rejeté le surplus des conclusions.

2. Par sa requête n°19MA04528, l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente relève appel du dispositif du jugement portant rejet de ses conclusions tendant à l'annulation de l'avis de la chambre régionale des comptes en ce qu'il porte sur l'exercice 2017. La commune de Linguizzetta, par sa requête n°19MA04540, fait appel du dispositif du jugement portant annulation de l'avis de la chambre régionale des comptes en ce qu'il est relatif aux exercices 2015 et 2016. Ces requêtes n°19MA04528 et n°19MA04540 présentées respectivement par l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente et par la commune de Linguizzetta sont relatives à un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. Le tribunal a jugé, s'agissant de l'année 2017, que l'existence d'une délibération adoptée par le conseil municipal de Linguizzetta le 23 avril 2017 décidant la perception de la taxe de séjour forfaitaire au profit de la commune constituait une contestation sérieuse de la créance de l'office de tourisme, sur le bien-fondé de laquelle la chambre régionale des comptes n'avait pas à se prononcer, et qui justifiait seule le bien-fondé de l'avis litigieux. Les premiers juges ont, ce faisant, implicitement mais nécessairement écarté comme inopérant le moyen, qu'ils ont dûment visé, tenant à l'erreur de droit que la chambre aurait prétendument commise au regard des dispositions combinées des articles L. 2333-27 du code général des collectivités territoriales et L. 133-7 du code du tourisme. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit ainsi être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales : " Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé. / La chambre régionale des comptes saisie, (...) par toute personne y ayant intérêt, constate qu'une dépense obligatoire n'a pas été inscrite au budget ou l'a été pour une somme insuffisante. Elle opère cette constatation dans le délai d'un mois à partir de sa saisine et adresse une mise en demeure à la collectivité territoriale concernée. / (...) ". Il ressort de ces dispositions que la chambre régionale des comptes ne peut constater qu'une dépense est obligatoire pour une commune et mettre celle-ci en demeure de l'inscrire à son budget qu'en ce qui concerne les dettes échues, certaines, liquides et non contestées dans leur principe et dans leur montant, et découlant de la loi, d'un contrat, d'un délit, d'un quasi-délit ou de toute autre source d'obligations. Ainsi la chambre régionale des comptes est tenue, lorsque le principe ou le montant de la dette fait l'objet d'une contestation sérieuse, de rejeter la demande tendant à l'inscription d'office au budget de la commune de la dépense correspondante.

5. Par une délibération du 30 juin 2010, le conseil communautaire de la communauté de communes de l'Oriente, créée en 2008, compétente notamment en matière de développement touristique et dont la commune de Linguizzetta est membre, a décidé l'institution d'une taxe de séjour forfaitaire sur son territoire à compter du 1er janvier 2011. Toutefois, le conseil municipal de la commune de Linguizzetta a, par une délibération du 29 avril 2015, décidé d'instituer à nouveau une taxe de séjour forfaitaire sur son territoire à compter du 1er janvier 2015 et en a fixé les tarifs. Par une délibération du 23 janvier 2017, il a décidé du maintien de cette taxe.

6. A la date de l'avis litigieux, ces deux délibérations faisaient obstacle à ce que la taxe de séjour forfaitaire instituée par le conseil communautaire de la communauté de communes de l'Oriente soit perçue sur le territoire de la commune de Linguizzetta. Si la délibération du 29 avril 2015 a depuis lors été annulée par un arrêt de la cour administrative d'appel de céans du 29 avril 2019, confirmé par une décision du Conseil d'Etat du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Bastia ne s'était pas prononcé sur la légalité de cette délibération lorsque la chambre régionale des comptes a rendu l'avis litigieux. La commune pouvait se prévaloir, à l'appui de sa position, d'une ambigüité des textes applicables, d'un courrier du chef de cabinet du ministre de l'intérieur lui indiquant qu'elle pouvait, depuis le 1er janvier 2015, instituer une taxe de séjour forfaitaire à son profit, ainsi que d'un courrier du préfet de la Haute-Corse confirmant la légalité de la délibération prise par son conseil municipal le 29 avril 2015. La légalité de la délibération du 23 janvier 2017 ne faisait pour sa part l'objet d'aucun contentieux. Ainsi, à la date à laquelle la chambre régionale des comptes s'est prononcée, la dette litigieuse faisait l'objet d'une contestation sérieuse dont elle n'avait pas à apprécier le bien-fondé. Elle était dès lors tenue de refuser d'adresser une mise en demeure à la commune de Linguizzetta.

7. Dès lors qu'elle était tenue d'opposer un tel refus, le moyen de l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente tiré de ce que l'avis est entaché d'une erreur de droit, au motif que la seule persistance d'un différend entre la commune de Linguizzetta et la communauté de communes de l'Oriente à ce sujet ne suffirait pas à caractériser une contestation sérieuse, doit être écarté comme inopérant.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer ni d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la demande de l'office de tourisme, que la commune de Linguizzetta est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a annulé l'avis litigieux en ce qui concerne les années 2015 et 2016. En revanche, l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande dirigée contre l'avis de la chambre régionale des comptes en ce qu'il portait sur l'année 2017.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de commune de Linguizzetta ou de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes, une quelconque somme au titre des frais exposés par l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice de la commune de Linguizzetta.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 août 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de l'avis de la chambre régionale des comptes de Corse du 7 juin 2017 en ce qu'il porte sur les années 2015 et 2016 est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'office de tourisme intercommunal de l'Oriente, à la commune de Linguizzetta, à la chambre régionale des comptes de Corse, au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au Premier ministre.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Merenne, premier conseiller,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2021.

N°19MA04528 - 19MA04540 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04528-19MA04540
Date de la décision : 07/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-01-07-07 Collectivités territoriales. Dispositions générales. Dispositions financières. Contrôle des collectivités territoriales par les juridictions financières.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : GIANSILY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-07;19ma04528.19ma04540 ?
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