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01/07/2021 | FRANCE | N°20MA03191

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 01 juillet 2021, 20MA03191


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2018 par lequel le maire de Maureillas-las-Illas a délivré à la société à responsabilité limitée Numaa Aménagement un permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement de vingt-et-un lots, la décision implicite rejetant son recours gracieux dirigé contre ce permis d'aménager et l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel cette autorité a délivré un permis d'aménager modificatif à la société par

actions simplifiée Numaa.

Par un jugement n° 1902501 du 30 juin 2020, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2018 par lequel le maire de Maureillas-las-Illas a délivré à la société à responsabilité limitée Numaa Aménagement un permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement de vingt-et-un lots, la décision implicite rejetant son recours gracieux dirigé contre ce permis d'aménager et l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel cette autorité a délivré un permis d'aménager modificatif à la société par actions simplifiée Numaa.

Par un jugement n° 1902501 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 août et 13 octobre 2020, ainsi que deux mémoires enregistrés le 22 janvier 2021, M. E..., représenté par le cabinet Coudray, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Maureillas-las-Illas du 22 novembre 2018, la décision implicite rejetant son recours gracieux formé contre cet arrêté, ainsi que l'arrêté de cette même autorité du 13 juin 2019 ;

3°) de rejeter les conclusions présentées par la société Numaa sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Maureillas-las-Illas la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est suffisamment motivée ;

- le tribunal n'a pas répondu à son moyen, opérant, tiré de ce que les arrêtés contestés méconnaissent l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme ;

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal n'a pas relevé d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que l'arrêté du 13 juin 2019 portant permis d'aménager modificatif est entaché d'incompétence ;

- le permis d'aménager modificatif, qui a été signé par une autorité incompétente, n'a pas régularisé les vices dont était entaché le permis d'aménager initial ;

- ce permis d'aménager modificatif est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il a été délivré au vu du règlement national d'urbanisme alors que le plan d'occupation des sols de la commune était maintenu en vigueur à la date de son édiction ;

- les dispositions des articles L. 111-3 et R. 111-14 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

- le permis d'aménager modificatif méconnaît l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ;

- le permis d'aménager initial, qui n'a pas été régularisé sur ce point, méconnaît l'article 1NA 3 du règlement du plan d'occupation des sols ;

- les prescriptions du point 3 de l'annexe 2 du plan de prévention des risques d'incendie de forêt ont été méconnues et le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- l'article 4.1.2 du règlement du plan de prévention des risques d'incendie de forêt a été méconnu ;

- les prescriptions du règlement du plan de prévention des risques d'inondation ont été méconnues et le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- les permis d'aménager initial et modificatif en litige méconnaissent l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme ;

- il n'a fait preuve d'aucun comportement abusif et la société Numaa ne justifie d'aucun préjudice.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2020, la société par actions simplifiée Numaa, représentée par la SCP Nicolau-Malavialle-Gadel-C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est insuffisamment motivée en ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du règlement national d'urbanisme ;

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal a considéré que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, auquel il n'a pas répondu, était inopérant ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme est inopérant ;

- les autres moyens invoqués par M. E... ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 10 décembre 2020, la société Numaa, représentée par la SCP Nicolau-Malavialle-Gadel-C..., demande à la cour de condamner M. E... à lui verser la somme totale de 107 850 euros sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme et de mettre à la charge de M. E... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. E... a fait preuve d'un comportement abusif ;

- elle subit d'importants préjudices.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 janvier 2021, la commune de Maureillas-las-Illas, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens invoqués par M. E... ne sont pas fondés.

Par une lettre du 8 juin 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 60051 du code de l'urbanisme et invitées à présenter leurs observations sur ce point.

Des observations présentées pour la société Numaa ont été enregistrées le 11 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant M. E..., celles de Me A..., représentant la commune de Maureillas-las-Illas, et celles de Me C..., représentant la société Numaa.

Une note en délibéré, présentée par M. E..., a été enregistrée le 16 juin 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de Maureillas-las-Illas a, par un arrêté du 22 novembre 2018, délivré à la société à responsabilité limitée Numaa Aménagement un permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement de vingt-et-un lots sur un terrain situé au lieu-dit " Les Aiguals ". Après avoir rejeté implicitement le recours gracieux formé contre cet arrêté par M. E..., cette autorité a, par un arrêté du 13 juin 2019, délivré un permis d'aménager modificatif à la société par actions simplifiée Numaa, laquelle s'était vu transférer le permis d'aménager initial le 2 janvier 2019. M. E... relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2018, de la décision implicite rejetant son recours gracieux formé contre cet arrêté, ainsi que de l'arrêté du 13 juin 2019.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. La requête de M. E... comporte une critique du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 juin 2020 et contient l'exposé des faits et moyens, conformément aux exigences de l'article R. 4111 du code de justice administrative. Par suite, la fin de nonrecevoir tirée de l'insuffisance de motivation de la requête d'appel doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Montpellier n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité invoqué, M. E... est fondé à soutenir que ce jugement est irrégulier et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur les dispositions applicables au présent litige :

5. L'article L. 174-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 34 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dispose que : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale intervenant après le 31 décembre 2015 ayant pour effet de remettre en application le document immédiatement antérieur, en application de l'article L. 600-12, peut remettre en vigueur, le cas échéant, le plan d'occupation des sols immédiatement antérieur. / Le plan d'occupation des sols immédiatement antérieur redevient applicable pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la date de cette annulation ou de cette déclaration d'illégalité. Il ne peut durant cette période faire l'objet d'aucune procédure d'évolution. / A défaut de plan local d'urbanisme ou de carte communale exécutoire à l'issue de cette période, le règlement national d'urbanisme s'applique sur le territoire communal ".

6. Les dispositions de l'article 34 de la loi du 23 novembre 2018 modifiant l'article L. 174-6 du code de l'urbanisme sont, en l'absence de dispositions expresses contraires, immédiatement applicables et sont entrées en vigueur le 25 novembre 2018, un jour après la publication de la loi au Journal Officiel. Ces dispositions prévoient notamment que la remise en vigueur, prévue par l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols immédiatement antérieur au plan local d'urbanisme annulé ou déclaré illégal ne rend celui-ci à nouveau applicable que pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la décision d'annulation ou de la déclaration d'illégalité.

7. Eu égard à l'objet et aux termes mêmes de l'article L. 174-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018, qui ne prévoit aucune rétroactivité, le délai de vingt-quatre mois qu'il prévoit, qui est immédiatement applicable, y compris lorsque la décision prononçant l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un plan local d'urbanisme est intervenue avant son entrée en vigueur, ne commence à courir, pour les plans d'occupation des sols remis en vigueur par des annulations prononcées avant l'entrée en vigueur de la loi, qu'à la date de son entrée en vigueur.

8. Le plan local d'urbanisme de Maureillas-las-Illas, approuvé par une délibération du 25 juin 2013, a été annulé en totalité par un jugement, devenu irrévocable, du tribunal administratif de Montpellier du 4 mai 2016. L'annulation contentieuse de ce document d'urbanisme a eu pour effet de remettre en vigueur le plan d'occupation des sols antérieurement applicable. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point précédent que ce plan d'occupation des sols communal était en vigueur à la date d'édiction des arrêtés contestés.

Sur la légalité des arrêtés et de la décision implicite en litige :

9. Lorsqu'un permis d'aménager a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis d'aménager, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

10. En premier lieu, l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme dispose que : " L'autorité compétente pour délivrer le permis (...) d'aménager (...) est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...). Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif (...) ".

11. Il ressort de ses termes mêmes que l'arrêté du 13 juin 2019 portant permis d'aménager modificatif a été délivré par le maire de Maureillas-las-Illas au nom de la commune. La circonstance que cet arrêté vise le règlement national d'urbanisme, dont certaines dispositions sont au demeurant opposables sur le territoire des communes dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, n'implique nullement, contrairement à ce que soutient M. E..., que cet arrêté doive être regardé comme ayant été signé par le maire au nom de l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce que le permis d'aménager modificatif en litige aurait été signé par une autorité incompétente, ainsi que celui tiré de ce que ce permis modificatif n'a pu régulariser le permis initial en raison du vice d'incompétence allégué, doivent être écartés. Au surplus, le plan d'occupation des sols de la commune étant encore en vigueur à la date de son édiction, l'avis émis par le préfet des Pyrénées-Orientales dans le cadre de l'instruction de la demande de permis d'aménager modificatif de la société Numaa doit être regardé comme un avis simple.

12. En deuxième lieu, si l'arrêté du 13 juin 2019 vise le règlement national d'urbanisme, il ressort des pièces du dossier que le maire de Maureillas-las-Illas ne s'est pas fondé, pour délivrer le permis d'aménager modificatif en litige, sur une ou plusieurs dispositions du règlement national d'urbanisme inapplicables, en vertu de l'article R. 111-1 du code de l'urbanisme, sur le territoire de la commune. Cette erreur, au demeurant partielle compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, affectant les visas de l'arrêté du 13 juin 2019 demeure sans incidence sur sa légalité. Il suit de là que M. E... n'est pas fondé à soutenir que le permis d'aménager modificatif contesté serait entaché d'une erreur de droit au motif qu'il vise le règlement national d'urbanisme.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune ".

14. Le plan d'occupation des sols de Maureillas-las-Illas, remis en vigueur dans les conditions rappelées précédemment, constituant un document d'urbanisme tenant lieu de plan local d'urbanisme, M. E... ne peut utilement soutenir que la règle de constructibilité limitée énoncée à l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme aurait été méconnue. En tout état de cause, pour l'application de la règle de constructibilité limitée, les dispositions citées ci-dessous de l'article L. 122-5 du même code régissent entièrement la situation des communes classées, à l'instar de Maureillas-las-Illas, en zone de montagne.

15. En quatrième lieu, l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme dispose que : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ". Selon l'article L. 122-5-1 du même code : " Le principe de continuité s'apprécie au regard des caractéristiques locales de l'habitat traditionnel, des constructions implantées et de l'existence de voies et réseaux ".

16. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du lotissement projeté, dont la partie nord jouxte une route départementale, s'inscrit dans la continuité d'un secteur densément urbanisé de la commune de Maureillas-las-Illas qui borde sa partie ouest. Si M. E... soutient que le tènement en cause est séparé de cette partie agglomérée par " le ravin et le torrent des Aygals ", l'espace en cause ne saurait, compte tenu en particulier de son étroitesse, être regardé comme constituant une rupture d'urbanisation. Dans ces conditions, au regard de la configuration des lieux en cause et des caractéristiques de l'urbanisation avoisinante, le maire de Maureillas-las-Illas n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.

17. En cinquième lieu, le deuxième alinéa de l'article R. 111-1 du code de l'urbanisme prévoit que " les dispositions des articles (...) R. 111-5 à R. 111-19 (...) ne sont pas applicables dans les territoires dotés d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ". Il résulte de ces dispositions que, la commune de Maureillas-las-Illas étant dotée d'un plan d'occupation des sols à la date des arrêtés contestés, les dispositions des articles R. 111-5 et R. 111-14 ne sont pas applicables au présent litige.

18. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 1NA 3 du règlement du plan d'occupation des sols de Maureillas-las-Illas : " Les construction(s) ou installations doivent être desservies par des voies publiques ou privées, dont les caractéristiques correspondent à leur destination, ainsi qu'aux exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie et la protection civile ". La conformité d'un immeuble à de telles prescriptions d'un plan local d'urbanisme s'apprécie non par rapport à l'état initial de la voie mais en tenant compte des prévisions inscrites dans le plan local d'urbanisme à l'égard de celle-ci et des circonstances de droit et de fait déterminantes pour leur réalisation qui doit être certaine dans son principe comme dans son échéance de réalisation.

19. Les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.

20. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du lotissement projeté doit être desservi, depuis la route départementale n° 13B, dénommée Traverse des Cluses à cet endroit, par un chemin rural d'une largeur inférieure à 4 mètres dans sa portion longeant le terrain d'assiette, dont il est séparé par un fossé.

21. D'une part, le programme des travaux joint à la demande de permis d'aménager initial prévoit la " création d'une voie d'accès ", dénommée " voie A ", correspondant à la portion en cause de ce chemin ouvert à la circulation publique et présentant une largeur de 7 mètres dont une " chaussée à double sens de 5,50 m " et un " trottoir de 1,50 m ". Toutefois, il n'est pas établi que la réalisation de l'élargissement de la partie de ce chemin rural permettant d'assurer la desserte du lotissement projeté aurait fait l'objet d'une programmation par les collectivités publiques compétentes, aucune précision n'étant apportée quant à son calendrier de réalisation et à ses modalités de mise en oeuvre. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de délivrance du permis d'aménager initial, le chemin en cause, dans sa partie essentiellement non goudronnée reliant le terrain d'assiette à la route départementale n° 13B, ne présentait pas, compte tenu en particulier de son étroitesse ainsi que de l'importance du lotissement projeté, des caractéristiques suffisantes au regard des exigences de l'article 1NA 3 du règlement du plan d'occupation des sols de Maureillas-las-Illas.

22. D'autre part, si les plans joints à la demande de permis d'aménager, qui modifie cet aspect du projet, font apparaître un élargissement de la portion litigieuse du chemin rural à l'intérieur du terrain d'assiette du lotissement en cause, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu des caractéristiques actuelles de ce chemin qui est bordé d'un fossé et de ce qui a été dit au point précédent, que le permis d'aménager modificatif en litige permettrait de garantir que les constructions susceptibles d'être implantées au sein du lotissement pourront être desservies par une voie répondant aux exigences des dispositions citées ci-dessus de l'article 1NA 3 du règlement du plan d'occupation des sols de Maureillas-las-Illas.

23. En septième lieu, d'une part, l'article 2.3.3 du titre 2 du règlement du plan de prévention des risques d'incendie de forêt de la commune de Maureillas-las-Illas renvoie, s'agissant des constructions qui ne sont pas interdites dans la zone bleue B2, au " respect du point 3 de l'annexe 2 ". Selon le point 3 de cette annexe 2 : " En zone sensible, les voies ouvertes à la circulation publique doivent présenter les caractéristiques suivantes pour permettre l'évacuation des personnes et faciliter l'intervention des moyens de secours : / Chaussée revêtue susceptible de supporter un véhicule de 13 tonnes dont 9 sur l'essieu arrière, d'une largeur minimale de 5 mètres. Sur des tronçons limités, une largeur minimum de 3 mètres peut être admise dans la mesure où des places de croisement de longueur supérieure ou égale à 25 mètres et de largeur supérieure ou égale à 5,5 mètres sont implantées à des distances de moins de 300 mètres les unes des autres (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

24. Les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés aux risques en cause et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Il incombe à l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme de vérifier que le projet respecte les prescriptions édictées par le plan de prévention et, le cas échéant, de préciser dans l'autorisation les conditions de leur application. Si les particularités de la situation l'exigent et sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, il peut subordonner la délivrance du permis de construire sollicité à des prescriptions spéciales, s'ajoutant aux prescriptions édictées par le plan de prévention dans cette zone, si elles lui apparaissent nécessaires pour assurer la conformité de la construction aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Ce n'est que dans le cas où l'autorité compétente estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, qu'il n'est pas légalement possible d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions permettant d'assurer la conformité de la construction aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, qu'elle peut refuser, pour ce motif, de délivrer le permis.

25. Il n'est pas contesté que le terrain d'assiette du projet est classé en zone B2 du plan de prévention des risques d'incendie de forêt de la commune de Maureillas-las-Illas. Il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à ce qui a été dit aux points 20 à 22, que, dans sa partie empruntant la portion déjà évoquée du chemin rural, la voie de desserte du terrain d'assiette du lotissement projeté répondrait dans son intégralité aux exigences des dispositions du règlement de ce plan citées au point 23. Dans ces conditions, M. E... est fondé à soutenir que le lotissement en cause, y compris dans sa version autorisée par le permis d'aménager modificatif en litige, méconnaît ces dispositions. En revanche, le moyen tiré de ce que le maire de Maureillas-las-Illas aurait également commis, sur ce point, une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'est pas assorti de précisions suffisantes.

26. En huitième lieu, l'article 4.1.2 du titre 4 du règlement du plan de prévention des risques d'incendie de forêt de la commune de Maureillas-las-Illas prévoit que : " (...) Le débroussaillement et le maintien en état débroussaillé sont obligatoires dans les zones suivantes : / a) Abords des constructions, chantiers, travaux et installations de toute nature, sur une profondeur de cinquante mètres. (...) / c) Terrains servant d'assiette à l'une des opérations régies par [le] code de l'urbanisme ((...) lotissements (...)) ". L'annexe 2 du même règlement précise que : " Le débroussaillement peut être pratiqué de manière sélective et intégrer les objectifs paysagers dans le respect des dispositions suivantes : (...) / 3- Les arbres peuvent être conservés dans la mesure où ils ne permettent pas la transmission du feu (...). / Le débroussaillement ne vise pas à faire disparaître l'état boisé, il doit permettre un développement harmonieux des peuplements et assurer leur régénération en préservant les jeunes sujets d'avenir ".

27. M. E... n'établit pas que le lotissement projeté ne respecterait pas les exigences du c) de l'article 4.1.2 du règlement du plan de prévention des risques d'incendie de forêt de la commune de Maureillas-las-Illas. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet de lotissement de la société Numaa permettrait l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les dispositions du a) du même article ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises. A cet égard, M. E... ne saurait utilement invoquer la méconnaissance de prescriptions du plan de prévention des risques naturels prévisibles relatives au déboisement, les dispositions du plan de prévention des risques d'incendie de forêt citées au point précédent concernant uniquement le débroussaillement. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du a) de l'article 4.1.2 du règlement du plan de prévention des risques d'incendie de forêt de la commune de Maureillas-las-Illas ne saurait être accueilli.

28. En neuvième lieu, l'article IV.1 du règlement du plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de Maureillas-las-Illas fixe les règles applicables aux zones rouges, exposées à un fort risque d'inondation. Il dispose à son premier paragraphe que, dans ces zones, " le principe est l'interdiction de construire ou d'aménager ". Le deuxième paragraphe du même article, qui dresse une liste des occupations et utilisations du sol autorisées en zone rouge, prévoit notamment que sont admis, " hors risque de chute de pierres et/ou de blocs, la construction et l'aménagement d'accès de sécurité extérieurs en limitant l'encombrement par rapport à l'écoulement des eaux ".

29. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que le terrain d'assiette du lotissement en litige est inclus dans la zone blanche du plan de prévention des risques naturels prévisibles évoqué au point précédent. Le projet litigieux prévoit la création d'une passerelle piétonne surplombant le cours d'eau n° 18, ou " ravin des Aygals ", lequel borde la partie ouest de ce terrain et est classé en zone rouge de ce plan. Les dispositions du règlement du plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de Maureillas-las-Illas citées au point précédent ne sauraient être interprétées comme faisant obstacle à un tel aménagement dont seule la partie située à l'extérieur du terrain d'assiette du projet surplombe un cours d'eau classé en zone rouge. Le service compétent de la direction des territoires et de la mer des PyrénéesOrientales a d'ailleurs émis, le 14 août 2018, un avis favorable au projet " sous réserve de caler la passerelle au-dessus de la cote 136,36 NGF ". L'arrêté du 22 novembre 2018 comporte une prescription, rappelée par l'arrêté du 13 juin 2019, imposant le respect de cet avis sur ce point. Dans ces conditions, le maire de Maureillas-las-Illas n'a pas, en délivrant les permis d'aménager initial et modificatif en litige, fait une inexacte application des dispositions du règlement du plan de prévention des risques naturels prévisibles applicables aux zones rouges exposées à un risque d'inondation, ni commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

30. En dixième et dernier lieu, si M. E... soutient que le plan de prévention des risques naturels prévisibles évoqué précédemment, en tant qu'il concerne le risque d'inondation, et le plan de prévention des risques d'incendie de forêt " comportent des exigences incompatibles entre elles et ne pourront être, chacun, respectés ", il n'assortit pas ses allégations sur ce point de précisions suffisantes permettant d'en apprécier tant la portée que le bien-fondé.

31. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... est seulement fondé à soutenir que le maire de Maureillas-las-Illas a fait une inexacte application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 1NA 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune, ainsi que des dispositions du point 3 de l'annexe 2 du règlement du plan de prévention des risques d'incendie de forêt de cette commune.

Sur la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 60051 du code de l'urbanisme :

32. Aux termes de l'article L. 60051 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis (...) d'aménager (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".

33. Il résulte de l'instruction que les vices retenus, tirés de la méconnaissance des dispositions du paragraphe 2 de l'article 1NA 3 du règlement du plan d'occupation des sols de Maureillas-las-Illas et de celles du point 3 de l'annexe 2 du règlement du plan de prévention des risques d'incendie de forêt de cette commune, sont susceptibles d'être régularisés. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer, en application de l'article L. 60051 du code de l'urbanisme, et d'impartir à la société Numaa un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt afin de produire la mesure de régularisation nécessaire.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

34. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel ".

35. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... ne peut être regardé comme ayant mis en oeuvre son droit de former un recours dans des conditions traduisant un comportement abusif. Par suite, les conclusions présentées par la société Numaa au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 juin 2020 est annulé.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. E..., jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois, afin de permettre la régularisation des vices mentionnés au point 33 du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Numaa sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E..., à la commune de Maureillas-las-Illas et à la société par actions simplifiée Numaa.

Copie en sera adressée pour information au préfet des PyrénéesOrientales.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Simon, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 22226 du code de justice administrative,

- Mme F..., première conseillère,

- M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2021.

2

N° 20MA03191


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03191
Date de la décision : 01/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-04-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Lotissements. Autorisation de lotir.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS EMERIC VIGO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-07-01;20ma03191 ?
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