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05/07/2021 | FRANCE | N°19MA05053

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 05 juillet 2021, 19MA05053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Roberto B... et Chantal C... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2018 par lequel le préfet du Var a prononcé la fermeture administrative pour une durée de six mois du débit de boisson qu'elle exploite au Val, à l'enseigne " Le Café des Sports ", d'autre part, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 200 euros par jour de fermeture, en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n°1803230 du 26 septembre 2019, le tribunal admin

istratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Roberto B... et Chantal C... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2018 par lequel le préfet du Var a prononcé la fermeture administrative pour une durée de six mois du débit de boisson qu'elle exploite au Val, à l'enseigne " Le Café des Sports ", d'autre part, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 200 euros par jour de fermeture, en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n°1803230 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2019, Mme C..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 26 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 17 septembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le principe du contradictoire a été méconnu ;

- le juge pénal ne s'étant pas prononcé, l'existence d'un crime ou délit ne peut être tenue pour établie ; la décision est illégalement fondée sur une présomption de culpabilité ;

- les actes en cause ne sont pas en lien avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation ;

- à la date de l'arrêté, aucune mesure de prévention n'était justifiée ;

- le principe de proportionnalité a été méconnu au regard des libertés d'entreprendre et du commerce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2020, le préfet du Var conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Roberto B... et Chantal C..., associant M. B... et sa compagne, Mme C..., exploitait au Val le débit de boisson à l'enseigne " Le Café des Sports ". Par un arrêté du 17 septembre 2018, le préfet du Var a prononcé la fermeture administrative de l'établissement pour une durée de six mois. Mme C..., qui indique avoir repris l'exploitation du débit de boisson en son nom personnel, relève appel du jugement du 26 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / (...) / 3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l'exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée pour six mois. Dans ce cas, la fermeture entraîne l'annulation du permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. / 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation. / 5. Les mesures prises en application du présent article sont soumises aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration. / (...) ".

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ".

4. En l'espèce, par courrier du 20 juillet 2018 notifié le 2 août 2018, le préfet a informé la SNC Roberto B... et Chantal C... que lui avait été signalé, par rapport administratif du 16 avril 2018 établi par le commandant du groupement de gendarmerie départemental du Var, que " Le Café des Sports " avait été le lieu d'infractions liées aux stupéfiants, notamment de consommations et de ventes de cocaïne et de cannabis, et qu'il envisageait en conséquence de prononcer une mesure de fermeture administrative de l'établissement. Par l'intermédiaire de son conseil, la société a présenté des observations écrites par courrier du 2 août 2018, ainsi que des observations orales à l'occasion d'un rendez-vous le 27 août 2018. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que la société aurait, à un quelconque moment de cette procédure, sollicité la communication du rapport administratif du 16 avril 2018, tandis qu'il ne résulte ni des dispositions citées ci-dessus, ni du principe général des droits de la défense, que l'administration aurait eu l'obligation de lui communiquer spontanément ledit rapport. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

5. En deuxième lieu, les mesures de fermeture de débits de boissons ordonnées par le préfet sur le fondement des dispositions de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique ont toujours pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés au fonctionnement de l'établissement, indépendamment de toute responsabilité de l'exploitant. De telles mesures doivent être regardées non comme des sanctions présentant le caractère de punitions mais comme des mesures de police. Il en résulte que, si la légalité d'une décision prononcée sur le fondement du 3 de l'article L. 3332-15, telle celle de l'espèce, est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l'autorité administrative peut néanmoins la prononcer alors même que les juridictions répressives n'auraient pas été saisies ou ne se seraient pas prononcées, sans que ne puisse être utilement invoqué le principe de présomption d'innocence, applicable en matière répressive.

6. En troisième lieu, l'existence d'une atteinte à l'ordre public de nature à justifier la fermeture d'un établissement doit être appréciée objectivement. La condition, posée par les dispositions du 4 de l'article L. 3332-15, tenant à ce qu'une telle atteinte soit en relation avec la fréquentation de cet établissement peut être regardée comme remplie, indépendamment du comportement des responsables de cet établissement. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et particulièrement du rapport administratif du 16 avril 2018 mentionné ci-dessus, que " Le Café des Sports " a été un lieu habituel de consommations et d'échanges de cocaïne. Ces faits constituent des actes délictuels prévus par les dispositions pénales en vigueur, commis en relation avec la fréquentation de l'établissement, à plus forte raison que M B... consommait lui-même de la cocaïne dans l'établissement et, a minima, facilitait le trafic de stupéfiants en cause dont il avait connaissance. Ils sont dès lors de nature à justifier une mesure de fermeture administrative, alors même que Mme C... assurerait la gestion de ce débit de boissons depuis 36 ans sans avoir jamais rencontré de difficulté avec les forces de l'ordre et que " Le Café des Sports " serait également fréquenté par des familles.

7. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'apposition de scellés judiciaires sur les portes d'accès de l'établissement, effectuée le 20 mars 2018 à l'issue d'une perquisition judiciaire, aurait été pérenne de telle sorte que le prononcé d'une mesure administrative de fermeture n'aurait pas été nécessaire pour prévenir la continuation ou le retour de désordres.

8. En cinquième et dernier lieu, eu égard aux faits mentionnés ci-dessus au point 6 et alors même que l'exploitation de l'établissement serait l'unique source de revenus de Mme C..., le préfet du Var n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, notamment au regard des principes de liberté du commerce et de l'industrie et de liberté d'entreprendre, en fixant la durée de la fermeture à six mois, soit au maximum prévu par les dispositions applicables.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2021.

N°19MA05053 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05053
Date de la décision : 05/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-04 Police. - Polices spéciales. - Police des débits de boissons.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : CHARRIERAS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-07-05;19ma05053 ?
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