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20/07/2021 | FRANCE | N°20MA02254

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 20 juillet 2021, 20MA02254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000753 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 juillet 2020

, M. E..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000753 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 juillet 2020, M. E..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer une carte de séjour d'un an portant la mention " salarié ", subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le signataire de l'arrêté attaqué n'était pas compétent pour refuser la délivrance d'une autorisation de travail et d'un titre de séjour ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- en méconnaissance des dispositions de l'article R. 5221 du code du travail, la décision refusant la délivrance d'une autorisation de travail n'a été notifiée ni au requérant, ni à l'employeur ;

- en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-6 du code des relations entre le public et les administrations, l'employeur n'a pas été invité à régulariser la procédure de délivrance d'une autorisation de travail ;

- le préfet ne pouvait fonder sa décision sur les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que seules les stipulations de l'accord franco-tunisien de l'article lui sont applicables ;

- il résulte du point 2.3.3 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 que le préfet était tenu de viser le contrat de travail présenté, puisqu'il postulait à un emploi en rapport avec l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I de ce protocole, sans pouvoir lui opposer la situation de l'emploi ;

- le préfet s'est cru lié à tort par l'avis défavorable émis par la DIRRECTE ;

- il résulte des dispositions de l'article 5221-5 du code du travail que le préfet a commis une erreur de droit en considérant applicable la procédure de visa d'un contrat de travail car il était entré en France en tant que travailleur saisonnier ;

- la situation de l'emploi en matière de pâtisserie orientale est tendue ;

- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. F....

Considérant ce qui suit :

1. Entré en France le 5 mai 2016 sous couvert d'un visa D délivré en qualité de travailleur saisonnier, valable du 28 avril 2016 au 27 juillet 2016, M. E..., ressortissant tunisien, a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant cette mention, valable du 22 juillet 2016 au 21 juillet 2019. Produisant un contrat de travail à durée indéterminée déjà conclu à compter du 1er septembre 2018 pour un emploi d'aide-boulanger au sein de la société La Goulette, il a demandé le 24 septembre 2019 un changement de statut par l'attribution d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Après avoir consulté la DIRRECTE, qui a émis un avis défavorable le 7 novembre 2019, le préfet des Pyrénées-Orientales a, par un arrêté du 10 janvier 2020 refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. E... relève appel du jugement du 12 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / (...) La carte porte la mention " salarié " lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié ". (...) ". L'article 11 de cet accord stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ".

3. Dans la mesure où la situation des ressortissants tunisiens désireux d'obtenir une carte de séjour portant la mention " salarié " est régie par les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et non par les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Pyrénées-Orientales ne pouvait légalement se fonder, pour refuser au requérant de lui délivrer un titre de séjour, sur les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'application des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant cependant privé M. E... d'aucune des garanties prévues par les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, c'est à bon droit que le tribunal administratif a procédé à une substitution de base légale en examinant la légalité de la décision portant refus d'admission au séjour au regard de ces dernières stipulations.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 5221-3 du code du travail : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) 8° La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. Elle peut également être présentée par une personne habilitée à cet effet par un mandat écrit de l'employeur. ". Aux termes de l'article R. 5221-17 du même code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. " Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail (...) ". En vertu du point 2.3.3 du protocole du 28 avril 2008 : " Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi ".

5. Par arrêté du 9 septembre 2019, publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, M. Kévin C..., secrétaire général de la préfecture des Pyrénées-Orientales, a reçu délégation du préfet des Pyrénées-Orientales, pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports mémoires, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans ce département, à l'exception des réquisitions de la force armée et des arrêtés portant élévation de conflit. Par suite, manque en fait le moyen tiré de l'incompétence de M. C... pour signer l'arrêté attaqué, en tant notamment qu'il refuse au requérant la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", valant, en application de l'article R. 5221-3 du code du travail, autorisation de travail.

6. Le requérant ne peut utilement soulever le moyen tiré de l'absence de notification des décisions attaquées, aucune décision distincte refusant la délivrance d'une autorisation de travail n'ayant par ailleurs été prise en application de l'article R. 5221-3 du code du travail.

7. Il résulte des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, qui prévoient que le titre de séjour " salarié " n'est délivré que sur la présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente, que les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail relatives aux conditions de délivrance des autorisations de travail demeurent applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " et valable un an formulées par les ressortissants tunisiens. La réserve prévue au point 2.3.3 du protocole du 28 avril 2008 a pour seul effet d'écarter, pour les seuls métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I de ce protocole, l'application de la condition relative à la prise en compte de la situation de l'emploi prévue par le 1° de l'article R. 5221-20 du code du travail.

8. Il ressort des pièces du dossier que le contrat de travail produit porte sur un emploi d'aide-boulanger au sein de la société La Goulette qui exerce une activité de boulangerie et boulangerie-pâtisserie portant sur la fabrication de pain et de pâtisserie fraîche. Cet emploi n'est pas mentionné sur la liste figurant à l'annexe I du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 et ne correspond pas au métier de préparateur en produits de pâtisserie et confiserie qui y est mentionné. Cette activité de fabrication de pain et de pâtisserie fraîche exclut par ailleurs que l'emploi auquel postulait M. E... relève du métier d'employé en terminal de cuisson (boulangerie, viennoiserie) mentionné sur cette liste. Par suite, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a commis aucune erreur de droit en opposant à l'intéressé la situation de l'emploi pour le métier d'aide-boulanger dans ce département.

9. Pour soutenir que l'appréciation faite par le préfet de la situation de l'emploi serait entachée d'une erreur manifeste, le requérant se borne à alléguer des difficultés à recruter selon lui un salarié spécialisé dans la pâtisserie orientale. Ainsi qu'il a été mentionné au point précédent, le contrat de travail produit par M. E... porte sur un emploi d'aide-boulanger et non pas de pâtissier. Dès lors, ce moyen doit être écarté.

10. En troisième lieu, M. E... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de ce que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé, qu'en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-6 du code des relations entre le public et les administrations, l'employeur n'a pas été invité à régulariser la procédure de délivrance d'une autorisation de travail, que le préfet s'est cru lié à tort par l'avis défavorable émis par la DIRRECTE, qu'il résulte des dispositions de l'article 5221-5 du code du travail que le préfet a commis une erreur de droit en considérant applicable la procédure de visa d'un contrat de travail ainsi qu'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle du requérant. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Montpellier.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié a` M. A... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021, où siégeaient :

- M. F..., président,

- M. Ury, premier conseiller,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2021.

N° 20MA02254 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02254
Date de la décision : 20/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CHNINIF

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-07-20;20ma02254 ?
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