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25/10/2021 | FRANCE | N°20MA00348

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 25 octobre 2021, 20MA00348


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Le Foll TP s'est vu confier, par actes d'engagement du 4 décembre 2013, l'exécution du lot n° 2 " Agences routières de Saint Paul de Fenouillet - Ille sur Têt - Céret - Prades " et du lot n° 3 " Agence routière de Saillagouse ", du marché à bons de commande conclu avec le département des Pyrénées-Orientales portant sur la création, la modification et l'entretien de la voirie et de l'espace piétonnier sur le domaine public départemental. Le décompte général du marché a été notifié par u

n ordre de service du 21 juin 2017 qui a été retourné et signé, accompagné de réserve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Le Foll TP s'est vu confier, par actes d'engagement du 4 décembre 2013, l'exécution du lot n° 2 " Agences routières de Saint Paul de Fenouillet - Ille sur Têt - Céret - Prades " et du lot n° 3 " Agence routière de Saillagouse ", du marché à bons de commande conclu avec le département des Pyrénées-Orientales portant sur la création, la modification et l'entretien de la voirie et de l'espace piétonnier sur le domaine public départemental. Le décompte général du marché a été notifié par un ordre de service du 21 juin 2017 qui a été retourné et signé, accompagné de réserves émises par la société requérante, et d'un mémoire en réclamation du 24 juillet 2017, contestant l'application de l'index TP09. Le département des Pyrénées-Orientales a implicitement rejeté cette réclamation. La SAS Le Foll TP a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le département des Pyrénées-Orientales à lui verser les sommes de 130 092,41 euros hors taxes et de 210 368,92 euros hors taxes au titre respectivement du lot n° 2 et du lot n° 3.

Par un jugement n° 1800827,1800829 du 28 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2020, la SAS Le Foll TP, représentée par Me Langlois, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le département des Pyrénées-Orientales à lui verser la somme de 130 092,41 euros hors taxes pour le règlement du marché de réfection de voirie n° 13-402, assortie des intérêts moratoires et leur capitalisation ;

3°) de condamner le département des Pyrénées-Orientales à lui verser la somme de 210 368,92 euros hors taxes pour le règlement du marché de réfection de voirie n° 13-403, assortie des intérêts moratoires et leur capitalisation ;

4°) de condamner le département des Pyrénées-Orientales à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la modification de la structure de l'index TP 09, à laquelle a procédé l'institut national de la statistique et des études économiques, ne lui est pas opposable malgré la clause de révision des prix prévue au contrat ; l'accord des parties (article 3-2 du CCAP) porte sur la variation des prix par référence à l'index existant au jour de la signature du contrat, en aucun cas sur les modifications futures de la structure de cet index ; un complément de prix calculé sur l'index TP 09 tel que structuré avant la réforme de 2014 doit lui être versé conformément à l'article 10.4.2 du CCAG travaux de 2009 ;

- cette modification devrait être regardée comme entrant dans le champ d'application de la théorie de l'imprévision ;

- telle qu'appliquée au marché 13-402 portant sur le lot 2, l'application de la formule de révision de l'index TP 09 dans sa structure postérieure à octobre 2014 lui a causé un préjudice de 130 092,41 euros hors taxes ;

- telle qu'appliquée au marché 13-403 portant sur le lot 3, l'application de la formule de révision de l'index TP 09 dans sa structure postérieure à octobre 2014 lui a causé un préjudice de 210 368,92 euros hors taxes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2020, le département des Pyrénées-Orientales, représenté par Me Mokhtar, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Le Foll TP ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Guillaumont, rapporteur,

- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Bajn pour le département des Pyrénées-Orientales.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Le Foll TP s'est vu confier, par actes d'engagement du 4 décembre 2013, l'exécution du lot n° 2 " Agences routières de Saint Paul de Fenouillet - Ille sur Têt - Céret - Prades " (marché n° 13-402) et du lot n° 3 " Agence routière de Saillagouse " (marché n° 13-403), du marché à bons de commande conclu avec le département des Pyrénées-Orientales portant sur la création, la modification et l'entretien de la voirie et de l'espace piétonnier sur le domaine public départemental. Le décompte général de ces marchés a été notifié par un ordre de service du 21 juin 2017 qui a été retourné et signé, accompagné de réserves émises par la société requérante, et d'un mémoire en réclamation du 24 juillet 2017, contestant l'application de l'index TP 09. A la suite du rejet implicite de sa réclamation, la SAS Le Foll TP a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le département des Pyrénées-Orientales à lui verser les sommes de 130 092,41 euros hors taxes et de 210 368,92 euros hors taxes au titre respectivement des lots n° 2 et n° 3. Par un jugement n° 1800827,1800829 du 28 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande. La SAS Le Foll TP relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 18 du code des marchés publics applicable au litige : " Un prix révisable est un prix qui peut être modifié pour tenir compte des variations économiques dans les conditions fixées ci-dessous. / Lorsque le prix est révisable, le marché fixe la date d'établissement du prix initial, les modalités de calcul de la révision ainsi que la périodicité de sa mise en œuvre. Les modalités de calcul de la révision du prix sont fixées : / 1° Soit en fonction d'une référence à partir de laquelle on procède à l'ajustement du prix de la prestation ; / 2° Soit par application d'une formule représentative de l'évolution du coût de la prestation. Dans ce cas, la formule de révision ne prend en compte que les différents éléments du coût de la prestation et peut inclure un terme fixe ; / 3° Soit en combinant les modalités mentionnées aux 1° et 2° ". Et aux termes du V de l'article 198 du même code : " Les marchés d'une durée d'exécution supérieure à trois mois qui nécessitent, pour leur réalisation, le recours à une part importante de fournitures notamment de matières premières dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux comportent une clause de révision de prix incluant au moins une référence aux index officiels de fixation de ces cours, conformément au IV du présent article ".

3. L'article 3.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché, relatif aux modalités de variation des prix, était rédigé de la manière suivante pour les deux lots : " (...) Les prix du marché sont réputés établis sur la base des conditions économiques du 1er jour du mois de calendrier qui précède celui de la signature de l'acte d'engagement par le titulaire. Ce mois est appelé " mois zéro ". Les prix sont révisés mensuellement par application aux prix du marché d'un coefficient Cn donné par la ou les formules suivantes : Lot 1, 2 et 3 : Cn = 15,00 % + 85,00 % (In/Io), selon les dispositions suivantes : Cn = coefficient de révision, Io = valeur de l'index de référence au mois zéro, In = valeur de l'index de référence au mois n. Le mois " n " retenu pour la révision est le mois de réalisation des prestations. L'index de référence I, publiés au Moniteur des Travaux Publics et du Bâtiment ou au Ministère de l'Ecologie du Développement durable, des Transports et du Logement, est l'index TP09 Travaux d'enrobés (fabrication et mise en œuvre avec fourniture de bitume et granulats) appliqué aux prix : lot 1,2 et 3 :TP 09 - Tous les prix. Lorsqu'une révision a été effectuée provisoirement en utilisant un index antérieur à celui qui doit être appliqué, il n'est procédé à aucune révision avant la variation définitive, laquelle intervient sur le premier acompte du marché suivant la parution de 1'index correspondant (...) ". Aux termes du cahier des clauses administratives générales (CCAG), dans sa rédaction applicable : " 10.4. Variation dans les prix : / 10.4.1. Les prix sont réputés fermes, sauf dans les cas où la réglementation prévoit des prix révisables ou si les documents particuliers du marché prévoient de tels prix et qu'ils comportent une formule de révision des prix. / 10.4.2. Les prix fermes sont actualisés dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur à la date à laquelle le candidat a fixé son prix dans l'offre. Les prix de chaque tranche conditionnelle sont actualisés dans les mêmes conditions. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un avis publié au Journal Officiel le 16 janvier 2015, faisant lui-même suite à une publication de l'INSEE le 15 janvier 2015, les index du coût de production dans la construction sont passés " en base 2010 " et qu'à l'occasion de ce changement, afin de refléter au mieux l'évolution des coûts de fabrication d'un type d'ouvrage, la liste et le contenu de certains index ont été modifiés, notamment dans les travaux publics. L'index TP 09 a ainsi été modifié dans sa structure, la part de l'indice bitume dans la fixation de cet index ayant été portée de 26 à 35 %.

En ce qui concerne la violation de la commune intention des parties :

5. En premier lieu, les stipulations précitées de l'article 3.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché, relatif aux modalités de variation des prix, ne peuvent être considérées comme révélant la commune intention des parties d'exclure l'application de l'index TP 09 en cas de modification de sa structure en cours de contrat, en particulier en cas d'une augmentation de la part de l'indice bitume dans la composition de cet index pour refléter au mieux l'évolution des coûts de fabrication d'un type d'ouvrage. Par suite, et alors que le département des Pyrénées-Orientales a fait application du coefficient de raccordement, prévu par l'INSEE, entre l'ancien et le nouvel index, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de la commune intention des parties dès lors que l'application d'un index de référence, en tenant compte des évolutions susceptibles d'en modifier les effets, n'est pas la conséquence d'une modification unilatérale du contrat qui aurait nécessité la conclusion d'un avenant.

6. En second lieu, si la société requérante invoque le bénéfice des dispositions précitées de l'article 10.4.2 du CCAG aux termes desquelles " Les prix fermes sont actualisés dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur à la date à laquelle le candidat a fixé son prix dans l'offre ", il résulte des dispositions de l'article 10.4.1. du même texte que les prix sont réputés fermes, sauf dans les cas où la réglementation prévoit des prix révisables ou si les documents particuliers du marché prévoient de tels prix et qu'ils comportent une formule de révision des prix. Or, précisément, d'une part, il résulte de l'instruction que les marchés en cause, d'une durée supérieure à trois mois et qui nécessitaient le recours à une matière première dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux, étaient de ceux pour lesquels les dispositions précitées du V de l'article 18 du code des marchés publics alors applicable imposaient le recours à une clause de révision de prix. D'autre part, conformément aux prescriptions du point V de l'article 18 du code des marchés publics, l'article 3.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché a prévu des prix révisables ainsi qu'une formule de révision des prix. La société requérante n'est par suite pas fondée à soutenir qu'elle est fondée à réclamer un complément de prix en application de l'article 10.4.2 du CCAG travaux.

En ce qui concerne l'imprévision :

7. Dans l'hypothèse où un événement extérieur aux parties, imprévisible au moment de la conclusion du contrat, a pour effet de bouleverser l'économie du contrat, le titulaire du marché est en droit de réclamer au maître d'ouvrage une indemnité représentant la part de la charge extracontractuelle qu'il a supportée en exécutant les prestations dont il avait la charge.

8. Le préjudice invoqué par la société requérante, correspondant aux sommes de 130 092,41 euros hors taxes et de 210 368,92 euros hors taxes, résulte de la différence entre, d'une part, le prix révisé sur la base de l'indice TP 09 dans sa structuration antérieure et, d'autre part, le prix révisé sur la base de cet indice restructuré dans les conditions évoquées au point 4. A supposer même que la modification de l'index TP 09 puisse être regardée comme un évènement imprévisible, alors que le prix du pétrole est régulièrement soumis à de fortes variations se répercutant sur le coût de produits dérivés à forte teneur en bitume tels que ceux utilisés pour la réalisation des prestations du marché en litige, circonstance que la société requérante, en raison de ses activités, ne pouvait ignorer, cette dernière ne démontre pas que la modification de la structure de l'index TP 09, en particulier pour ce qui concerne la part de l'indice bitume, a entrainé un bouleversement de l'économie de son marché. En effet, il résulte de l'instruction que les sommes réclamées par la requérante représentent seulement 3,11 % des sommes versées en exécution du marché correspondant au lot n° 2, soit 4 172 431,87 euros et 3,04 % des sommes versées en exécution du marché correspondant au lot n° 3, soit 6 908 987,79 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Le Foll TP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses demandes.

Sur les frais du litige :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Les conclusions présentées à ce titre, par la SAS Le Foll TP, partie perdante, doivent être rejetées. Il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SAS Le Foll TP la somme de 2 000 euros à verser au département des Pyrénées-Orientales.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Le Foll TP est rejetée.

Article 2 : La SAS Le Foll TP versera la somme de 2 000 euros au département des Pyrénées-Orientales au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Le Foll TP et au département des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Guy Fédou président,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. B... Guillaumont, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 octobre 2021.

N° 20MA00348 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00348
Date de la décision : 25/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-01-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Rémunération du co-contractant. - Prix. - Révision des prix.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Olivier GUILLAUMONT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : BONIFACE DAKIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-25;20ma00348 ?
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