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08/11/2021 | FRANCE | N°21MA01290

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 08 novembre 2021, 21MA01290


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1601762 du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mme A... B... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 22 avril 2016 par lequel le préfet du Var lui a interdit d'exercer contre rémunération, pour une durée de six mois, les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport pour l'activité de plongée subaquatique.

Par un arrêt n° 18MA04314 du 29 avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur a

ppel de Mme B..., annulé ce jugement et l'arrêté du 22 avril 2016.

Par une décision...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1601762 du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mme A... B... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 22 avril 2016 par lequel le préfet du Var lui a interdit d'exercer contre rémunération, pour une durée de six mois, les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport pour l'activité de plongée subaquatique.

Par un arrêt n° 18MA04314 du 29 avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de Mme B..., annulé ce jugement et l'arrêté du 22 avril 2016.

Par une décision n° 432181 du 30 mars 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 29 avril 2019 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Procédure devant la Cour après cassation :

Par un mémoire, enregistré le 6 mai 2021, Mme A... B..., représentée par Me Dunac, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 22 avril 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas respecté le principe du contradictoire posé par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, sans que l'urgence au sens des dispositions de l'article L. 212-13 du code du sport puisse le justifier ;

- la mesure prise à son encontre constitue une sanction illégale ; les griefs retenus à son encontre procèdent d'une erreur de droit et d'une erreur de fait.

Ce mémoire a été communiqué au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du sport ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Balaresque,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un accident de plongée survenu le 21 avril 2016, ayant entraîné le décès d'un plongeur qui pratiquait cette activité au sein de l'établissement dont elle est la gérante et sous sa responsabilité en tant que directrice de plongée, Mme B... s'est vue interdire, par arrêté du préfet du Var du 22 avril 2016, d'exercer contre rémunération, pour une durée de six mois, les fonctions d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une activité physique ou sportive mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport, pour l'activité de plongée subaquatique. Par un jugement n° 1601762 du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 22 avril 2016. Par un arrêt n° 18MA04314 du 29 avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de Mme B..., annulé ce jugement et l'arrêté du 22 avril 2016. Par une décision n° 432181 du 30 mars 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 29 avril 2019 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 212-13 du code du sport : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées à l'article L. 212-1./ (...) Cet arrêté est pris après avis d'une commission comprenant des représentants de l'Etat, du mouvement sportif et des différentes catégories de personnes intéressées. Toutefois, en cas d'urgence, l'autorité administrative peut, sans consultation de la commission, prononcer une interdiction temporaire d'exercice limitée à six mois (...) ".

3. En premier lieu, l'arrêté du 22 avril 2016 énonce les considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde, en citant les articles du code du sport dont il fait application et en détaillant les faits reprochés à Mme B... lors de la journée du 21 avril 2016 au cours de laquelle est survenu un accident de plongée mortel. Il est, dès lors, suffisamment motivé. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut, par suite, qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées du code du sport et des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration qu'en cas d'urgence, l'autorité administrative peut se dispenser de toute formalité préalable au prononcé d'une interdiction temporaire d'exercice limitée à six mois, laquelle constitue une mesure de police conservatoire.

5. Aux termes de l'article A. 322-72 du code du sport : " Sur le site de l'activité subaquatique, la pratique de la plongée est placée sous la responsabilité d'un directeur de plongée présent sur le lieu de mise à l'eau ou d'immersion de la palanquée. / Il est responsable techniquement de l'organisation, des dispositions à prendre pour assurer la sécurité des plongeurs et du déclenchement des secours. / Il s'assure de l'application des règles et procédures en vigueur. / Il fixe les caractéristiques de la plongée et établit une fiche de sécurité comprenant notamment les noms, les prénoms, les aptitudes des plongeurs et leur fonction dans la palanquée ainsi que les différents paramètres prévus et réalisés relatifs à la plongée (...) ".

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, en particulier des mentions figurant dans l'arrêté préfectoral, que lors de l'enquête administrative diligentée le 22 avril 2016, au cours de laquelle ont notamment été entendus le co-équipier du plongeur décédé ainsi que Mme B..., plusieurs manquements aux obligations qui incombaient à cette dernière en application des dispositions de l'article A. 322-72 du code du sport précitées ont été relevés, notamment un défaut de surveillance et un défaut de vigilance au regard des conditions météorologiques défavorables et de la compétence des plongeurs laissés seuls. Eu égard à la gravité des risques que les manquements relevés lors de cette enquête administrative étaient susceptibles de faire courir aux plongeurs placés sous la responsabilité de Mme B..., le préfet du Var était fondé à invoquer l'urgence pour prendre le jour même, dès le lendemain de l'accident mortel, une mesure d'interdiction temporaire d'exercice de son activité à l'encontre de Mme B..., en application de l'article L. 212-13 du code du sport. Le moyen tiré de la violation du contradictoire doit, dès lors, être écarté.

7. En troisième lieu, Mme B... soutient que les manquements à ses obligations en qualité de directrice de plongée qui lui sont reprochés par l'arrêté du 22 avril 2016 du préfet du Var sont entachés d'erreur de droit et d'erreur de fait. Le préfet reproche, tout d'abord, à Mme B... d'avoir quitté le navire en laissant seuls à bord deux clients sans compétence en navigation et en secourisme, d'avoir laissé le bateau sans sécurité surface alors qu'elle encadrait un plongeur en formation et ne pouvait dès lors assurer la sécurité de la seconde palanquée et de n'avoir pas noté l'heure de la mise à l'eau de cette dernière, ce qui ne permettait pas d'assurer le bon déroulement des secours. Si Mme B... soutient qu'aucune obligation réglementaire n'imposait sa présence lors de la mise à l'eau, l'identification des heures de mise à l'eau ni la mise en place d'une sécurité surface, il ressort toutefois des termes mêmes des dispositions de l'article A. 322-72 du code du sport précitées que le directeur de plongée doit être présent sur le lieu de mise à l'eau ou d'immersion de la palanquée et établir une fiche de sécurité mentionnant l'ensemble des différents paramètres de la plongée. Il est constant que Mme B..., qui, d'après ses déclarations, a demandé aux deux plongeurs en autonomie de " partir cinq minutes après " son départ avec le plongeur qui formait avec elle la première palanquée, n'était pas présente lors de la mise à l'eau de la seconde palanquée et n'a pu de ce fait ni noter l'heure exacte de cette dernière dans la fiche de sécurité ni assurer la sécurité de l'ensemble de la plongée, laquelle requiert la présence constante du directeur de plongée sur le lieu de mise à l'eau ou d'immersion de la palanquée. Le préfet reproche ensuite à Mme B... de n'avoir pas tenu compte des risques encourus par ses clients au regard des conditions météorologiques défavorables et du lieu de plongée choisi. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, comme l'a relevé le tribunal, que la houle sur site était de 0,9 mètres, le vent de 20 à 25 nœuds et la température de l'eau à 14°C, ce qui ne constitue pas des " conditions confortables ", contrairement aux allégations de la requérante qui a d'ailleurs indiqué lors de son audition que la houle et le vent se levaient en fin de plongée et, d'autre part, que le lieu de plongée choisi pour la seconde palanquée, à proximité des rochers, ne permettait pas une bonne visibilité de ce dernier depuis le lieu d'amarrage du bateau ni un accès facile de celui-ci, ainsi qu'en atteste les déclarations de la requérante lors de son audition. Le préfet reproche enfin à Mme B... d'avoir manqué de diligence dans le déclenchement des secours. Si, comme l'a relevé le tribunal, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a accompli sans attendre et conformément aux règles en vigueur les gestes de premier secours une fois le plongeur inanimé sorti de l'eau et hissé sur le bateau, il ressort également des pièces du dossier, d'une part, que plusieurs minutes se sont écoulés entre les signaux de détresse émis par le co-équipier du plongeur inanimé et la sortie de l'eau de ce plongeur et, d'autre part, que la requérante n'a alerté le CROSMED que quatorze minutes après cette sortie de l'eau. La circonstance que le procureur de la République ait classé l'affaire sans suite, après avoir relevé que le décès du plongeur était d'origine naturelle et qu'aucune infraction n'avait été caractérisée, est sans incidence sur la réalité et la pluralité des manquements aux obligations qui incombaient à Mme B... en qualité de directrice de plongée afin d'assurer tant la sécurité des plongeurs placés sous sa responsabilité que le déclenchement des secours, relevés par le préfet dans son arrêté du 22 avril 2016. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur de fait dont serait entaché l'arrêté attaqué doivent être écartés.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Var du 22 avril 2016. Ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2021, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Merenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2021.

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N° 21MA01290


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01290
Date de la décision : 08/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Attributions - Police - Police de la sécurité - Police des établissements recevant du public.

Police - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : DUNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-08;21ma01290 ?
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