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30/11/2021 | FRANCE | N°19MA02600

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 30 novembre 2021, 19MA02600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... B..., Mme G... D..., Mme F... B..., Mme A... I...-B..., M. C... I...-B..., Mme E... B..., le groupement foncier agricole de Valdebanne, la société civile immobilière de Valdebanne, le groupement foncier agricole de Bois Fontaine, la société du Mas de Bois Fontaine et la société à responsabilité limitée La Madone du Mas ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le permis de construire tacite né le 15 août 2016 délivré au groupement d'intérêt économique (GIE) Oc'Via Construc

tion par le préfet du Gard en vue de la création d'une base de maintenance pour l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... B..., Mme G... D..., Mme F... B..., Mme A... I...-B..., M. C... I...-B..., Mme E... B..., le groupement foncier agricole de Valdebanne, la société civile immobilière de Valdebanne, le groupement foncier agricole de Bois Fontaine, la société du Mas de Bois Fontaine et la société à responsabilité limitée La Madone du Mas ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le permis de construire tacite né le 15 août 2016 délivré au groupement d'intérêt économique (GIE) Oc'Via Construction par le préfet du Gard en vue de la création d'une base de maintenance pour la ligne à grande vitesse (LGV) sur un terrain situé chemin de Campagnolles à Nîmes.

Par jugement n° 1700799 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé le permis de construire tacitement délivré le 15 août 2016 par le préfet du Gard au GIE Oc'Via Construction.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 juin 2019 et par un mémoire complémentaire enregistré le 27 octobre 2020, la SA Oc'Via et le groupement d'intérêt économique Oc'via Construction, représentés par la SELARL d'avocats Frédéric Defradas, demandent à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 9 avril 2019 du tribunal administratif de Nîmes et de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nîmes ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de Mme B... et des autres demandeurs de première instance ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de surseoir à statuer sur les conclusions dirigées contre le permis de construire jusqu'à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la SA Oc'Via et au groupement d'intérêt économique Oc'Via Construction pour notifier à la Cour une DUP modificative régularisant le vice du permis de construire et un permis de construire modificatif de régularisation en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de Mme B... et autres la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la requête d'appel de la SA Oc'Via est recevable, dès lors qu'elle a été attraite par le tribunal en qualité de défendeur et qu'elle est donc partie à l'instance au sens de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ;

- en tout état de cause, elle aurait eu qualité pour former tierce opposition dès lors que la création de la base de maintenance en litige est nécessaire à l'exécution du contrat de partenariat qu'elle a conclu le 28 juin 2012 avec SNCF Réseau et que l'annulation du permis de construire litigieux lèse directement ses droits ;

- le GIE Oc'Via Construction est aussi recevable à faire appel du jugement, dès lors qu'il est en cause dans le jugement attaqué ;

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas à tort appelé dans l'instance le GIE Oc'Via Construction, bénéficiaire du permis de construire, en méconnaissance des articles R. 811-1, R. 611-1, R. 711-2 du code de justice administrative et qu'ils ont appelé en cause la SA Oc'Via ;

- à titre principal, le projet d'implantation dans une zone agricole de l'équipement collectif en litige ne peut pas méconnaître, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les articles L. 151-11 et R. 151-23 du code de l'urbanisme qui sont inapplicables au projet par l'effet de la mise en compatibilité du PLU de la commune ;

- cette mise en compatibilité issue de la déclaration d'utilité publique (DUP) du 16 mai 2005 n'est pas illégale, dès lors que la légalité d'une DUP s'apprécie à la date de leur édiction et qu'aucune demande d'abrogation de cette DUP n'a été faite après l'entrée en vigueur de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, qui est donc inopérant ;

- le décret du 16 mai 2005 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier a mis en compatibilité le plan local d'urbanisme de la commune de Nîmes, qui a modifié l'article NC2 du règlement et qui a créé sur le terrain d'assiette du projet l'emplacement réservé à l'usage ferroviaire n° 1F ;

- le PLU de Nîmes approuvé le 1er juin 2015 après cette mise en compatibilité par la DUP reprend dans son plan de zonage cet emplacement réservé n° 1F ;

- la base de maintenance en litige est compatible avec la destination de cet emplacement réservé ;

- cet emplacement réservé à destination ferroviaire se substitue à la vocation agricole du terrain d'assiette définie par le PLU dont le règlement est ainsi inapplicable au projet ;

- en tout état de cause, l'article R. 151-23 du code de l'urbanisme n'est pas opposable au projet qui a fait l'objet d'une DUP assurant la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme ;

- à titre subsidiaire, le permis de construire litigieux pouvait être régularisé en application de l'article L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dès lors que le terrain d'assiette est toujours couvert par l'emplacement réservé 1F et qu'en tout état de cause, une DUP modificative peut supprimer le classement agricole de ce terrain d'assiette ;

- aucun des autres moyens des demandeurs de première instance ne sont de nature à justifier l'annulation du permis de construire tacite délivré ;

- le permis de construire tacite litigieux ne peut méconnaître l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le dossier de demande comportait la notice exigée par l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme et les plans et documents graphiques prévus par l'article R. 431-10 de ce code ;

- l'article A11 du règlement du PLU relatif à l'aspect extérieur des constructions n'est pas applicable à la base de maintenance en litige ;

- l'atteinte à la sécurité publique par le projet en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'est pas établie ;

- le projet, qui n'est pas une infrastructure de transport, n'avait pas à faire l'objet d'une procédure environnementale au cas par cas en application de l'article R. 122-2 du code de l'environnement.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 14 septembre 2020 et 23 novembre 2020, Mme B... et autres, représentés par la SCP d'avocats Coulombie-Gras-Cretin-Becquevort-Rosier, concluent à titre principal, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire du groupement d'intérêt économique Oc'Via Construction et la société Oc'Via la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre subsidiaire si la Cour annulait le jugement, à l'annulation du permis de construire tacite délivré et à la condamnation solidaire des sociétés requérantes à leur verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable en tant qu'elle émane de la SA Oc'Via qui n'était pas partie en première instance au sens de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ;

- le jugement n'est pas irrégulier, dès lors que c'est le GIE Oc'Via qui est à l'origine de la confusion entre la SA Oc'Via et Oc'Via Construction dans le formulaire de demande de permis de construire ;

- ils ont intérêt donnant qualité pour agir ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le projet méconnaissait l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme ;

- la mise en compatibilité du PLU réalisée par la DUP du 16 mai 2005 est illégale dès lors qu'elle méconnaît l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme entré en vigueur postérieurement à cette DUP ;

- le vice n'est pas régularisable en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par courrier du 20 octobre 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la requête d'appel du GIE Oc'Via Construction qui n'était pas partie en première instance et qui n'y a pas été régulièrement appelé au sens de l'article R. 811-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Muller représentant Mme B... et les autres défendeurs.

Considérant ce qui suit :

1. Par un décret du 16 mai 2005, les travaux nécessaires au contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier par la LGV ont été déclarés d'utilité publique. Un contrat de partenariat a été signé le 28 juin 2012, approuvé par décret 2012-887 du 18 juillet 2012, entre RFF, auquel s'est substitué SNCF Réseau, et la SA Oc'Via, pour confier la conception, la construction, le fonctionnement, la maintenance et le financement de ce contournement ferroviaire à cette société maître d'ouvrage. La SA Oc'Via a conclu le 28 juin 2012 un contrat de conception-construction de la ligne ferroviaire avec le groupement d'intérêt économique (GIE) Oc'via Construction. Ce GIE a déposé le 18 décembre 2015 une demande de permis de construire auprès de la commune de Nîmes pour créer une base de maintenance, avec une surface de plancher de 1 605 m², le long de la nouvelle ligne LGV, sur un terrain d'une superficie de 7 hectares, sis chemin de Campagnolles. A l'issue du délai d'instruction de la demande, le GIE est devenu titulaire d'un permis de construire tacite né le 15 août 2016 délivré par le préfet du Gard et confirmé par un certificat de permis de construire tacite du 2 décembre 2016 délivré par le préfet du Gard. Les consorts B... et d'autres requérants ont demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de ce permis de construire tacite. Par le jugement dont la SA Oc'Via et le GIE Oc'Via Construction relèvent appel, les premiers juges ont annulé le permis de construire tacitement délivré le 15 août 2016 par le préfet du Gard au GIE Oc'Via Construction.

Sur la recevabilité de la requête d'appel formée par la SA Oc'Via et le GIE Oc'Via Construction :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. (...) ". N'ont ainsi pas qualité pour faire appel, ceux qui ont été mis en cause, par une autre partie ou à l'initiative de la juridiction, mais qui n'avaient pas à l'être et auxquels cette mise en cause n'a conféré ni la qualité de partie, ni celle d'intervenant ayant qualité pour faire appel du jugement. Ces mis en cause sont sans qualité pour faire appel, à condition que le dispositif du jugement ne décide rien à leur encontre.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 832-1 de ce code : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ". La personne qui, devant le tribunal administratif, est régulièrement intervenue en défense à un recours pour excès de pouvoir n'est recevable à interjeter appel du jugement rendu contrairement aux conclusions de son intervention que lorsqu'elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition au jugement faisant droit au recours. Il en est de même lorsque l'intéressé, qui n'est pas intervenu en première instance, a été irrégulièrement mis en cause par les premiers juges et aurait eu qualité pour former tierce opposition s'il n'avait pas été appelé en la cause.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche Skipper TA que le tribunal administratif de Nîmes a appelé en la cause la seule SA Oc'Via, qui n'a d'ailleurs pas produit à l'instance, alors que le permis de construire en litige a été demandé par le GIE Oc'Via Construction, entité distincte dotée de la personnalité morale et que cette autorisation a été délivrée à ce GIE. Ainsi, la SA Oc'Via n'avait pas à être mise en cause par le tribunal. Cette mise en cause n'a conféré à la SA Oc'Via ni la qualité de partie ni celle d'intervenant ayant qualité pour faire appel, dès lors que le dispositif du jugement attaqué, qui annule le permis de construire tacite délivré au seul GIE Oc'Via Construction, ne décide rien à l'encontre de la SA Oc'Via. Toutefois, dès lors que la création de la base de maintenance en litige est nécessaire à l'exécution du contrat de partenariat qu'elle a conclu le 28 juin 2012 avec SNCF Réseau, la SA Oc'Via aurait eu qualité pour former tierce opposition du jugement annulant le permis de construire tacite délivré au GIE Oc'Via, qui préjudicie ainsi directement à ses droits, si elle n'avait pas été mise dans la cause par le tribunal. Par suite, la requête d'appel, en tant qu'elle émane de la société Oc'Via est recevable en application de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, contrairement à ce que soutiennent les consorts B....

5. En second lieu, le GIE Oc'Via, qui n'a pas été appelé à l'instance par les premiers juges, alors même que le tribunal lui a notifié le jugement attaqué, et qui n'était ni partie ni intervenante en première instance, ne peut pas former appel en application de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, ainsi que les parties en ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. S'il avait qualité pour former en application de l'article R. 832-1 du code de justice administrative, tierce opposition contre le jugement attaqué qui annule le permis de construire tacite dont il bénéficiait et qui préjudicie ainsi à ses droits, le GIE n'est en revanche pas recevable à relever appel du jugement dans la même requête que la SA Oc'Via. Par suite, la présente requête, en tant qu'elle émane du GIE Oc'Via est irrecevable.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet en première instance :

6. Les consorts B... ont, en leur qualité de voisins immédiats du projet de grande ampleur situé à 100 m de leurs propriétés, intérêt pour agir contre le permis de construire tacite délivré.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. Les premiers juges ont annulé le permis tacite du préfet du Gard au seul motif tiré de ce que le projet d'implantation, de l'équipement collectif en litige dans une zone agricole classée en zone A par le plan local d'urbanisme de la commune et compris dans un vaste secteur de terres cultivées, méconnaissait les articles L. 151-11 1° et R. 151-23 du code de l'urbanisme, qui subordonnent la réalisation d'équipements collectifs en zone agricole à leur compatibilité avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière et à l'absence d'atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages.

8. D'une part, l'article L. 123-8 alors applicable du code de l'urbanisme, après avoir énoncé les conditions dans lesquelles peut intervenir la déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec les prescriptions d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé, dispose que : " La déclaration d'utilité publique emporte alors modification du plan ". L'article R. 123-36 du même code dispose que : " Le plan d'occupation des sols est mis à jour dans les conditions définies au présent article. La mise à jour est le report au plan : ... b) des modifications résultant d'une déclaration d'utilité publique prononcée en application de l'article L. 123-8 ... ". D'autre part, l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme prévoit que : " I.-Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut :1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...). " L'article R. 151-23 de ce code dispose que : " Peuvent être autorisées, en zone A : 1° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que l'article 4 du décret du 16 mai 2005 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires au contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier a emporté mise en compatibilité directe du PLU de Nîmes approuvé le 1er mars 2004 et modifié le 1er juin 2015. Cette mise en compatibilité a porté d'une part, sur l'ajout, dans le règlement NC2 de la zone agricole, de l'autorisation des constructions et installations nécessaires au fonctionnement et à l'exploitation des infrastructures ferroviaires, qui se substitue à la vocation agricole du terrain d'assiette définie par le PLU et, d'autre part, en la création d'un emplacement réservé 1F pour le compte de RFF, reporté sur les documents graphiques du PLU modifié le 1er juin 2015. Dans ces conditions, le terrain d'assiette du projet ne peut plus être regardé comme relevant d'une zone agricole au sens du PLU de la commune. La base de maintenance en litige se situe au droit de cet emplacement réservé 1F. Cette base de maintenance en litige, qui est directement nécessaire à l'exploitation du contournement ferroviaire, est compatible avec la destination de cet emplacement réservé " contournement de Nîmes et de Montpellier ". Si les consorts B... soutiennent que la DUP édictée le 16 mai 2005 serait devenue illégale du fait de l'entrée en vigueur le 13 janvier 2011 des articles L. 151-11 et R. 151-23 du code de l'urbanisme relatives au contenu du règlement du PLU, cette entrée en vigueur n'est pas rétroactive. La légalité d'une DUP s'apprécie à la date de son édiction. En cas d'évolution postérieure du droit applicable qui ferait obstacle à ce que l'opération soit légalement autorisée, la seule voie de droit ouverte est la demande d'abrogation de la DUP. Toutefois, aucune demande d'abrogation de cette DUP n'a été présentée. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision en litige au motif que le projet méconnaissait les articles L. 151-11 1° et R. 151-23 du code de l'urbanisme qui concernent les équipements collectifs en zone agricole.

10. Toutefois il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les consorts B... tant en première instance qu'en appel.

11. En premier lieu, l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ". Ces dispositions ne sont pas par définition pas applicables à une décision tacite. Par suite, le moyen tiré de ce que le permis de construire tacite en litige méconnaît ces dispositions est sans incidence sur sa légalité et doit être écarté.

12. En deuxième lieu, il ressort des pièces de la demande de permis de construire en litige que ce dossier comprend la notice prévue par l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme, ainsi que le projet architectural comprenant, pour le bâtiment atelier, les plans de coupe AA, BB, CC, DD, EE, FF, le plan des façades sud et ouest de ce bâtiment, trois vues 3D de ce bâtiment ainsi que, pour le bâtiment administratif projeté, le cahier des plans et coupes et trois vues 3D de ce bâtiment tel qu'exigé par l'article R. 431-10 de ce code. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet méconnaîtrait les articles R. 431-8 et R. 431-10 de ce code manque en fait et doit être écarté.

13. En troisième lieu, l'article 6.5 des dispositions générales du règlement prévoit que " Toutes les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif (...) peuvent être autorisées même si les installations ne respectent pas le corps de règle de la zone concernée, dans la mesure où leur aspect et leur fonction sont compatibles avec l'environnement. " Si les requérants soutiennent que cet article serait illégal en ce qu'il autorise pour les bâtiments projetés de la base de maintenance en litige, des dérogations à la règle de hauteur maximale des constructions prévues par l'article A10 du règlement et à celle de l'article A11 relatif à l'aspect extérieur des constructions, cette dérogation pour les équipements publics d'intérêt général est encadrée par l'obligation d'être compatible avec l'environnement. Par suite, les consorts B... ne sont pas fondés à soutenir que le projet méconnaîtrait les articles A10 et A11 du règlement du PLU.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il ressort des pièces du dossier que le projet sera implanté en dehors de la zone R-NU du règlement du plan de prévention des risques d'inondation de Nîmes. De plus, le projet prévoit, conformément au plan local d'urbanisme, la réalisation de deux bassins de rétention de 4 730 m3 et 2 030 m3 pour exutoire pour chacune des deux zones du terrain d'assiette, respectant la règle de 100 litres de rétention par m² imperméabilisé. Par suite, le moyen tiré de ce que permis de construire en litige aurait dû être refusé ou assorti de prescriptions spéciales en raison d'un " risque d'inondation existant et induit " eu égard à l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté. Quant au risque qui serait provoqué par le projet au regard des conditions de circulation routière, il n'est pas établi.

15. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 122-2 du code de l'environnement dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau.(...) ". Le tableau annexé prévoit pour la catégorie " les infrastructures ferroviaires (les ponts, tunnels et tranchées couvertes supportant les infrastructures ferroviaires) " et " la construction de voies pour le trafic ferroviaire à grande vitesse " une évaluation environnementale après un examen au cas par cas. Toutefois, le projet en litige ne concerne pas la construction de " gares et haltes, plate-forme et de terminaux intermodaux " prévue au b) de cette catégorie, contrairement à ce que soutiennent les consorts B..., mais sur la construction d'une base de maintenance comprenant un atelier, un bâtiment administratif, des zones de stockage, des quais de chargement/déchargement et une aire de lavage tel que décrit dans le dossier de demande de permis de construire. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet en litige aurait dû faire l'objet d'une procédure d'évaluation environnementale au cas par cas doit être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer ni sur la régularité du jugement attaqué, ni sur les conclusions subsidiaires de la société Oc'Via tendant à l'application de l'article L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, que la société Oc'Via est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé le permis de construire tacitement délivré le 15 août 2016 par le préfet du Gard au GIE Oc'Via Construction. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par les consorts B... devant le tribunal administratif de Nîmes.

Sur les frais liés au litige :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties à l'instance la charge des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 9 avril 2019 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par les consorts B... et les autres requérants devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Oc'Via, au groupement d'intérêt économique Oc'via Construction, à Mme H... B..., Mme G... D..., Mme F... B..., Mme A... I...-B..., M. C... I...-B..., Mme E... B..., le groupement foncier agricole de Valdebanne, la société civile immobilière de Valdebanne, le groupement foncier agricole de Bois Fontaine, la société du Mas de Bois Fontaine et la société à responsabilité limitée La Madone du Mas.

Copie pour information sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2021.

2

N° 19MA02600


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02600
Date de la décision : 30/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-02-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Octroi du permis. - Permis tacite.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : DEFRADAS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-30;19ma02600 ?
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