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07/12/2021 | FRANCE | N°21MA00276

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 07 décembre 2021, 21MA00276


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté en date du 3 mai 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n°1902283 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Chninif, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes

du 19 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté en date du 3 mai 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n°1902283 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Chninif, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, faute pour les premiers juges d'avoir examiné l'ensemble des éléments du dossier, et notamment les pièces produites le 30 octobre 2020, et d'avoir enjoint au préfet de produire son entier dossier comme il le demandait ;

- l'arrêté en litige n'est pas motivé en droit et en fait, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

- le préfet, qui s'est abstenu de procéder à un examen réel et sérieux de sa demande, a commis une erreur de fait et une erreur de droit en estimant qu'il ne justifiait pas de l'ancienneté et de l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreur de droit en ce que, pour rejeter une demande d'admission exceptionnelle au séjour, il se fonde sur la possibilité pour son épouse de demander le regroupement familial ;

- en ne se prononçant pas sur sa demande d'autorisation de travail, accompagnée d'un contrat de travail signé de son employeur, le préfet a méconnu les dispositions des articles

R. 5221-15 et R. 5221-17 du code du travail ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiqué au préfet de Vaucluse qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Revert.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité marocaine, né le 15 novembre 1990, est entré sur le territoire français le 18 juin 2011 et s'est vu délivrer le 16 septembre 2011, en qualité de travailleur saisonnier, un titre de séjour renouvelé jusqu'au 17 juin 2014. Le 23 octobre 2018,

M. B... a demandé son admission exceptionnelle au séjour. Le préfet de Vaucluse a toutefois refusé de lui délivrer un titre de séjour par arrêté du 3 mai 2019. Par jugement du 19 novembre 2020, dont il relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du

9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié''... ".

3. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) " ; que l'article L. 313-14 du même code dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

4. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité. Cet examen ne peut être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord, sans préjudice de la mise en œuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer à titre de régularisation un titre de séjour à un étranger ne remplissant pas les conditions auxquelles cette délivrance est normalement subordonnée, pouvoir dont les stipulations de l'accord ne lui interdisent pas de faire usage à l'égard d'un ressortissant marocain.

5. Il ressort des pièces et il n'est pas contesté par le préfet de Vaucluse qui n'a ni défendu devant la Cour ni répondu à sa demande de communication de la demande de titre de séjour de M. B..., que pour présenter le 23 octobre 2018 sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'intéressé, qui produisait à son soutien une demande d'autorisation de travail ainsi qu'un contrat de travail signé de son employeur, se prévalait tout autant de sa vie privée et familiale que de sa qualité de travailleur. Il ne résulte ni des mentions de l'arrêté en litige ni des autres pièces du dossier que le préfet, qui s'est estimé saisi au seul titre de la vie privée et familiale de M. B..., aurait examiné cette demande en fonction des éléments se rapportant à la qualité de travailleur invoquée par l'intéressé, afin d'y statuer au regard des stipulations de l'accord franco-marocain citées au point 2 ou d'apprécier l'opportunité de délivrer à titre de régularisation un titre de séjour. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que pour refuser de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de Vaucluse n'a pas procédé à un examen complet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, aucun autre moyen n'étant mieux à même de régler le litige.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande contre l'arrêté du 3 mai 2019. Le jugement du 19 novembre 2020 et l'arrêté du 3 mai 2019 doivent donc être annulés.

7. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement, compte tenu du motif d'annulation qu'il retient, que le préfet de Vaucluse délivre à M. B... un titre de séjour, mais qu'il procède à un réexamen de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de Vaucluse de procéder à ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 novembre 2020 et l'arrêté du préfet de Vaucluse du 3 mai 2019 sont annulés

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Vaucluse de réexaminer la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. B..., dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2021.

N° 21MA002762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00276
Date de la décision : 07/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CHNINIF

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-07;21ma00276 ?
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