La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/12/2021 | FRANCE | N°19MA03386

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 28 décembre 2021, 19MA03386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... née F... a demandé au tribunal administratif de Nîmes :

- sous le n° 1701815, d'annuler la décision tacite née le 13 avril 2017 par laquelle le maire de la commune de Les Taillades ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par Mme C... D..., ensemble la décision implicite de rejet par le maire de son recours gracieux du 22 juin 2017 tendant au retrait de cette décision ;

- sous le n° 1703235, d'annuler la décision tacite née le 27 avril 2017 par

laquelle le maire de la commune de Les Taillades ne s'est pas opposé à la déclaration préal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... née F... a demandé au tribunal administratif de Nîmes :

- sous le n° 1701815, d'annuler la décision tacite née le 13 avril 2017 par laquelle le maire de la commune de Les Taillades ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par Mme C... D..., ensemble la décision implicite de rejet par le maire de son recours gracieux du 22 juin 2017 tendant au retrait de cette décision ;

- sous le n° 1703235, d'annuler la décision tacite née le 27 avril 2017 par laquelle le maire de la commune de Les Taillades ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par M. E... D..., ensemble la décision implicite de rejet par le maire de son recours gracieux du 22 juin 2017 tendant au retrait de cette décision.

Par un jugement n° 1701815, 1703235 du 19 février 2019, le tribunal administratif de Nîmes a joint ces deux demandes et les a rejetées.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2019 et par des mémoires complémentaires enregistrés le 4 juin et 14 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Poncelet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 février 2019 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler les décisions tacites nées les 13 avril 2017 et 27 avril 2017 par lesquelles le maire de la commune de Les Taillades ne s'est pas opposé aux déclarations préalables déposées respectivement par Mme D... et M. D..., ensemble les décisions implicites de rejet par le maire de ses recours gracieux.

Elle soutient que :

- en sa qualité de voisine immédiate du terrain d'assiette des travaux projetés, elle a intérêt pour agir ;

- les deux dossiers de déclaration préalable, qui contiennent des informations erronées sur l'implantation de la piscine et la construction d'un local technique, sont entachés de fraude ;

- les travaux projetés dans ces deux demandes successives ont été pensés dès le départ comme un projet unique qui aurait nécessité l'obtention d'un permis de construire, dès lors qu'ils portent l'emprise au sol de la construction existante à plus de 150 m² et qu'ils exigent le recours à un architecte en application de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme ;

- le service instructeur n'a pas été en mesure de s'assurer du rejet des eaux usées de l'emplacement et de la surface de la piscine projetée, de la dimension de sa margelle, de l'emplacement du moteur et du local technique indispensable au fonctionnement de cette piscine ;

- en l'absence de demande de régularisation de l'extension de la maison des pétitionnaires qui empiète depuis 2009 sur le mur privatif de son terrain par les deux demandes, le maire aurait dû s'opposer aux travaux litigieux ;

- il n'appartient pas à la requérante d'établir l'irrégularité de cette extension ;

- l'article 9 du nouveau plan local d'urbanisme désormais applicable qui prescrit une compensation pour toute imperméabilisation d'une surface supérieure à 40 m² du terrain d'assiette fait obstacle à cette régularisation.

Par des mémoires en défense enregistrés les 2 octobre 2019 et 28 septembre 2021, la commune de Les Taillades, représentée par la SELARL d'avocats Christiane Imbert-Gargiulo-Mickaël Pavia, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requérante n'a pas intérêt pour agir dès lors que les nuisances dont elle se prévaut relèvent d'un règlement par les juridictions civiles ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée aux époux D... qui n'ont pas produit de mémoire.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 mai 2019 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Poncelet représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., qui a déposé le 13 mars 2017 une déclaration préalable de travaux aux fins de construire une piscine sur un terrain cadastré AE154, situé 100 chemin des Fourches sur la commune de Les Taillades, a bénéficié le 13 avril 2017 d'une décision tacite de non-opposition à cette déclaration préalable du maire de Les Taillades. M. D... a ensuite déposé le 27 mars 2017 une déclaration préalable de travaux afin d'édifier un mur de clôture et un abri de jardin sur ce même terrain, qui a également donné lieu le 27 avril 2017 à une décision tacite de non-opposition du maire. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté ses deux demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions du maire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'autorité administrative saisie d'une demande de permis de construire peut relever les inexactitudes entachant les éléments du dossier de demande relatifs au terrain d'assiette du projet, notamment sa surface ou l'emplacement de ses limites séparatives, et, de façon plus générale, relatifs à l'environnement du projet de construction, pour apprécier si ce dernier respecte les règles d'urbanisme qui s'imposent à lui. En revanche, le permis de construire n'ayant d'autre objet que d'autoriser la construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire, elle n'a à vérifier ni l'exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance du projet à moins qu'elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joint à la demande tels que limitativement définis par les dispositions des articles R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme, ni l'intention du demandeur de les respecter, sauf en présence d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date à laquelle l'administration se prononce sur la demande d'autorisation. Une autorisation entachée de fraude ne pouvant acquérir de caractère définitif et créer des droits au profit de l'intéressé, l'autorité compétente est en droit de rapporter cette décision à tout moment. Toutefois, la fraude ne se présume pas et doit être distinguée de simples renseignements inexacts fournis de bonne foi.

3. Aux termes de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " (...) les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d'une déclaration préalable (...) : a) Les constructions dont soit l'emprise au sol, soit la surface de plancher est supérieure à cinq mètres carrés et répondant aux critères cumulatifs suivants : -une hauteur au-dessus du sol inférieure ou égale à douze mètres ; -une emprise au sol inférieure ou égale à vingt mètres carrés ; -une surface de plancher inférieure ou égale à vingt mètres carrés (...) ; f) Les piscines dont le bassin a une superficie inférieure ou égale à cent mètres carrés et qui ne sont pas couvertes ou dont la couverture, fixe ou mobile, a une hauteur au-dessus du sol inférieure à un mètre quatre-vingts (...). ". L'article L. 431-1 de ce code prévoit que : " Conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, la demande de permis de construire ne peut être instruite que si la personne qui désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation a fait appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant l'objet de la demande de permis de construire. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande préalable déposée par Mme D... prévoit la réalisation d'une piscine de forme libre d'une longueur de 7,94 m et de largeur 4,10m/2,96m, d'une superficie de 28 m², ainsi que d'un local technique "sans rejet". Le second dossier, déposé par M. D..., concerne notamment la construction d'un abri de jardin ouvert d'une superficie de 15,24 m², d'une longueur de 6 m, d'une largeur de 2,54 m et d'une hauteur de 2,20 m, implanté en continuité de la façade sud-est de la construction existante. Contrairement à ce que soutient la requérante, le document graphique du dossier de demande de cet abri de jardin mentionne l'implantation de la piscine projetée qui fait l'objet de la première déclaration préalable déposée par Mme D.... L'absence d'indication dans le dossier de la première demande de l'implantation du local technique prévu et de la dimension de la margelle de la piscine projetée ne permet pas par elle-même d'établir l'existence d'une fraude. La circonstance que l'abri de jardin prévu constituerait en réalité selon la requérante une extension de la villa existante destinée à l'usage d'une "cuisine d'été" relève de l'exécution de l'autorisation en litige. En se bornant à soutenir que du fait de l'implantation de l'abri de jardin autorisé par la seconde décision de non-opposition, l'implantation de la piscine autorisée par la première ne respecterait pas les distances séparatives de propriété sans invoquer, pas plus en appel qu'en première instance, le fondement légal des règles auxquelles les pétitionnaires auraient entendu ainsi se soustraire, la requérante ne permet pas au juge d'apprécier le bien-fondé de son moyen tiré de ce que les époux D... auraient volontairement scindé en deux demandes leur projet unique de piscine et d'abri de jardin pour induire en erreur le service instructeur de la commune sur le respect de ces règles. Dans ces conditions, la circonstance que la longueur et la largeur de la parcelle n° 155, telles qu'indiquées dans les pièces de la première demande préalable, différeraient de celles qui peuvent être mesurées à l'échelle du plan cadastral à partir d'une simulation réalisée sur le site officiel du cadastre ne permet pas par elle-même d'établir que les bénéficiaires se seraient livrés à des manœuvres pour induire le service instructeur en erreur quant au respect de la règle non invoquée relative à ces distances séparatives. Si la requérante soutient aussi qu'une déclaration unique de l'ensemble des travaux projetés aurait exigé la délivrance d'un permis de construire, ni la piscine dont le bassin présente une superficie de 28 m², ni l'abri de jardin d'une surface de plancher créée de 15,24 m² n'exige, en application du a) et du f) de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme, l'obtention d'un permis de construire, que la demande d'autorisation ait été présentée globalement ou en deux dossiers successifs. Dès lors que les travaux envisagés n'exigeaient pas l'obtention d'un permis de construire, le moyen tiré de ce que les époux D... auraient dû recourir à un architecte pour établir leurs dossiers de demandes est, en application de l'article L. 431-1 du code de l'urbanisme, sans incidence sur la légalité des décisions litigieuses. La circonstance, établie par le procès-verbal d'huissier établi le 16 mai 2017 à la demande de la requérante, que les bénéficiaires ont débuté les travaux litigieux par la construction de l'abri de jardin, qui a fait l'objet de l'autorisation la plus tardive des deux autorisations, ne saurait établir que les bénéficiaires auraient sciemment déposé deux demandes successives pour un même projet, dès lors que la méconnaissance des articles R. 421-9 et L. 431-1 du code de l'urbanisme n'est pas établie. Par suite, il n'est pas établi que les décisions en litige seraient, à la date de leur délivrance, entachées de fraude.

5. En deuxième lieu, lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation.

6. Si la requérante soutient que la construction d'habitation des pétitionnaires aurait fait l'objet de transformations non autorisées, il ressort des pièces du dossier que l'extension pour une surface plancher créée de 86 m² de l'habitation existante a fait l'objet d'un permis de construire délivré le 2 juin 2009 par le maire à l'ancien propriétaire de la villa et d'un permis de construire modificatif afin de régulariser l'extension du "repas-séjour" et d'un auvent réalisés sans autorisation. La conformité des travaux relatifs à ce permis de construire a fait l'objet d'une attestation de non-opposition à conformité du maire datée du 4 septembre 2013. La requérante n'établit pas par les pièces qu'elle produit que cette extension aurait été réalisée en empiétant sur son mur séparatif de propriété. En tout état de cause, le permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers. Mme B... n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'en l'absence de demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction, le maire aurait dû s'opposer aux deux déclarations préalables en litige.

7. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Les Taillades, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions tacites en litige nées les 13 et 27 avril du maire de la commune de Les Taillades et des décisions qui ont rejeté ses recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que demande la commune de Les Taillades sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... née F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Les Taillades sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... née F..., aux époux D... et à la commune de Les Taillades.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2021.

6

N° 19MA03386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03386
Date de la décision : 28/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-04 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Autorisations relatives au camping, au caravaning et à l'habitat léger de loisir.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : IMBERT GARGIULO

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-28;19ma03386 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award