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30/12/2021 | FRANCE | N°21MA00889

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 30 décembre 2021, 21MA00889


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 16 août 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de son renvoi et a prononcé une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par une ordonnance n° 2100806 du 17 février 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mars 2021, M. A... B..., représenté par Me ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 16 août 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de son renvoi et a prononcé une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par une ordonnance n° 2100806 du 17 février 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mars 2021, M. A... B..., représenté par Me Van Der Beken, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 17 février 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 16 août 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, au requérant ou à son conseil en cas d'admission à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

- sa requête de première instance, qui n'est pas tardive, est recevable ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- elle porte atteinte au respect de ses droits dès lors qu'il bénéficie d'un sursis probatoire et viole ainsi les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne présente pas de risque de se soustraire à la mesure d'éloignement et dispose de garanties de représentation suffisantes ;

- elle est entachée d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de fait en ce qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

Sur la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations en défense.

M. A... B... n'a pas été admis à l'aide juridictionnelle par une décision du 25 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bernabeu a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant portugais né le 21 juillet 1983, a fait l'objet d'un arrêté du 16 août 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, sur le fondement de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans. L'intéressé relève appel de l'ordonnance du 17 février 2021 par laquelle la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral précité.

2. Aux termes de l'article R. 776-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les jugements sont rendus, sans conclusions du rapporteur public, par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cet effet. / Les attributions dévolues par les dispositions réglementaires du présent code à la formation de jugement ou à son président sont exercées par ce magistrat. / Il peut, par ordonnance : (...) / 4° Rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance. "

3. En vertu de l'article L. 511-3-1 de ce code, dans sa version applicable : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) / 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / (...) ".

4. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) II. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon les cas, aux I ou I bis. / Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article. (...) ". Aux termes de l'article R. 776-1 du code de justice administrative : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : / 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues au I de l'article L. 511-1 et à l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; / 2° Les décisions relatives au délai de départ volontaire prévues au II de l'article L. 511-1 du même code ; / 3° Les interdictions de retour sur le territoire français prévues au III du même article et les interdictions de circulation sur le territoire français prévues à l'article L. 511-3-2 du même code ; / 4° Les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 513-3 du même code ; / (...) / Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions tendant à l'annulation d'une autre mesure d'éloignement prévue au livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception des arrêtés d'expulsion, présentées en cas de placement en rétention administrative, en cas de détention ou dans le cadre d'une requête dirigée contre la décision d'assignation à résidence prise au titre de cette mesure. / (...) ".

5. Par ailleurs, l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, dispose que : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend ".

6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'étranger, informé par la notification de la décision prononçant une obligation de quitter le territoire français sans délai, prise sur le fondement des articles L. 511-3-1 et L. 512-1 précités, de la possibilité de la contester dans un délai de quarante-huit heures devant le tribunal administratif, peut, dès la saisine de ce tribunal par une requête, susceptible d'être motivée même après l'expiration du délai de recours, demander à son président le concours d'un interprète et que lui soit désigné d'office un avocat. Ce délai de quarante-huit heures n'est susceptible d'aucune prorogation.

7. Enfin, aux termes de l'article R. 776-19 du code de justice administrative : " Si, au moment de la notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1, l'étranger est retenu par l'autorité administrative, sa requête peut valablement être déposée, dans le délai de recours contentieux, auprès de ladite autorité administrative (...) ". Et aux termes de l'article R. 776-31 du même code, applicable en cas de détention : " Au premier alinéa de l'article R. 776-19, les mots : " de ladite autorité administrative " sont remplacés par les mots : " du chef de l'établissement pénitentiaire ". ". Il incombe à l'administration, pour les décisions présentant les caractéristiques mentionnées ci-dessus, de faire figurer, dans leur notification à un étranger retenu ou détenu, la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef de l'établissement pénitentiaire.

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 16 août 2020, le préfet des Alpes-Maritimes a obligé M. A... B... à quitter le territoire français sans délai. L'intéressé a été déféré devant le parquet de Nice le 17 août 2020 à 10 heures et écroué à la maison d'arrêt de Nice ce même jour. L'arrêté contesté a été notifié par voie administrative au requérant le 17 août 2020 à 8 heures, soit avant sa mise sous écrou qui a eu lieu, ainsi qu'il ressort de la fiche pénale produite par le requérant, à 20 heures 53. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'arrêté contesté comportait la mention des voies et délais de recours, indiquant ainsi que l'intéressé disposait d'un délai de quarante-huit heures, non susceptible de prorogation, pour former, à compter de la notification de la mesure d'éloignement, son recours à l'encontre de ces décisions devant le tribunal administratif de Nice. Si, dans cette notification, ne figurait pas la mention de la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès du chef de l'établissement pénitentiaire, il ressort de ce qui a été dit précédemment qu'au moment de cette notification, M. A... B... n'était pas placé en détention, ni même en rétention, mais seulement en garde en vue dans les locaux des services de police. En outre, s'il est vrai que, lorsque les conditions de détention portent atteinte au droit à un recours effectif en ne mettant pas le détenu en mesure d'avertir, dans les meilleurs délais, un conseil ou une personne de son choix, elles font obstacle à ce que le délai spécial de quarante-huit heures prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile commence à courir, le requérant n'établit pas, en tout état de cause, ni même ne soutient qu'il n'aurait pas été mis à même de prévenir un conseil ou une personne de son choix, dès notification de la décision en litige. Dès lors, il ne peut se prévaloir de l'absence d'indication lors de la notification des décisions attaquées des modalités particulières d'exercice du droit au recours pour une personne détenue s'agissant notamment de l'accès à un conseil.

9. D'autre part, M. A... B... ne saurait utilement se prévaloir de ce que la notification de la décision contestée contreviendrait aux dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code, en prévoyant que ces décisions " n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ", lesquelles sont, en tout état de cause, inapplicables en matière de décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que le délai de recours contentieux ne lui était pas opposable en raison de la violation des dispositions précitées doit, en toute hypothèse, être écarté comme inopérant.

10. Il en résulte que la requête de M. A... B... enregistrée au greffe du tribunal administratif le 15 février 2021, soit postérieurement au délai de recours de quarante-huit heures, est tardive et, par suite, irrecevable.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté attaqué. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Van Der Beken et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Carotenuto première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 décembre 2021.

4

N° 21MA00889

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00889
Date de la décision : 30/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : VAN DER BEKEN NAÏMA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-30;21ma00889 ?
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