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09/02/2022 | FRANCE | N°20MA01567

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 09 février 2022, 20MA01567


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé à la présidente du tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois.

Par un jugement n° 1906883 du 5 mars 2020, le magistrat désigné par la présidente du

tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé à la présidente du tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois.

Par un jugement n° 1906883 du 5 mars 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 avril 2020, Mme A..., représentée par Me Moulin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 mars 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Moulin sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le magistrat désigné a statué ultra petita en se prononçant sur la valeur de sa plainte transmise au procureur de la République ;

- il a méconnu son office en ne procédant pas à une mesure d'instruction ;

- il a commis une erreur de fait, dès lors que les services de police de Montpellier n'enregistraient pas les plaintes relatives à la traite des êtres humains ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est injustifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Mérenne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante nigériane née en 1998, fait appel du jugement du 5 mars 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2019 du préfet de l'Hérault l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office, et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois.

Sur la méconnaissance de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

2. Le premier alinéa de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyait, à la date de l'arrêté contesté, que : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. " Ces dispositions, dans leur version issue de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, prévoient la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire aux personnes visées.

3. Par un courrier du 19 novembre 2019, Mme A... a déposé plainte, auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier, contre des personnes qu'elle accusait d'avoir commis à son encontre les infractions de traite des êtres humains et de proxénétisme. Si le préfet de l'Hérault fait valoir que cette plainte a été classée sans suite le 10 mars 2020 au motif que les auteurs des infractions étaient inconnus, il n'en demeure pas moins qu'à la date de l'arrêté contesté, le 5 décembre 2019, Mme A... était en droit de bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées, et ne pouvait, par suite, faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2019.

5. Il n'est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur les autres moyens soulevés à l'encontre de cet arrêté.

Sur l'injonction :

6. L'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. "

7. Compte tenu de ces dispositions, l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2019 implique nécessairement, en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, que le préfet de l'Hérault réexamine la situation de Mme A..., dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois, et lui délivre dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Moulin, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 5 mars 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 5 décembre 2019 du préfet de l'Hérault sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Moulin la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Moulin et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2022.

2

No 20MA01567


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01567
Date de la décision : 09/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : MOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-09;20ma01567 ?
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