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10/03/2022 | FRANCE | N°20MA02228

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 10 mars 2022, 20MA02228


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte.

Par un jugement n° 2000518 du 2

3 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et enjoint au pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte.

Par un jugement n° 2000518 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de saisir la commission départementale du titre de séjour avant de statuer à nouveau sur la demande de titre de séjour de l'intéressée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2020, Mme B..., représentée par Me Rossler, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de sa situation ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au jugement du 21 mars 2018 rendu par le tribunal administratif ;

- cet arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cet arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte. Par un jugement du 23 juin 2020, le tribunal administratif a annulé cet arrêté en raison de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour, après avoir admis que l'intéressée résidait en France depuis plus de dix ans. Il a, en outre, enjoint au préfet de saisir la commission départementale du titre de séjour avant de statuer à nouveau sur la demande de titre de séjour de l'intéressée. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

2. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2. De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la requérante justifie résider depuis plusieurs années sur le territoire français. Si, par un jugement du 21 mars 2018, devenu définitif, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a annulé l'obligation de quitter le territoire français dont Mme B... avait précédemment fait l'objet le 24 janvier 2018, au motif que cette mesure portait à son droit au respect de sa privée et familiale une atteinte disproportionnée, après avoir constaté que l'intéressée vivait alors depuis sept ans en concubinage avec un compatriote, celle-ci se prévaut seulement de la présence en France de son " fils âgé de 16 ans ". Elle ne produit cependant à l'appui de cette affirmation que des attestations d'assurance de responsabilité civile liée au contrat d'assurance habitation pour les périodes du 1er septembre 2013 au 31 août 2014, du 1er septembre 2017 au 31 août 2018 et du 1er septembre 2019 au 31 août 2020, ces documents mentionnant que ses deux filles nées en 1996 et 2004 sont couvertes par cette garantie. En tout état de cause, la production de factures d'électricité mentionnant son nom et le nom de celui qui serait son compatriote ne démontre pas, notamment, la régularité du séjour de ce dernier. Alors même que Mme B..., qui se dit agent d'entretien, bénéficie régulièrement de rentrées d'argent conséquentes sur ses comptes bancaires, elle n'apporte aucune précision sur les conditions d'exercice de son activité professionnelle. En outre, en dehors de l'arrêté du 24 janvier 2018 annulé par la juridiction administrative, elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire par un arrêté du 25 juin 2013, qu'elle n'avait pas contesté, puis par un arrêté du 22 août 2016, dont le tribunal administratif de Nice puis la Cour ont confirmé la légalité. Dans ces conditions, elle ne justifie pas avoir constitué en France le centre de ses attaches privées et familiales. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour le même motif, doit être écarté le moyen tiré de ce que le préfet des Alpes-Maritimes aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle de sa décision portant refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

5. En second lieu, par l'arrêté attaqué du 17 janvier 2020, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de titre de séjour que la requérante avait présentée le 20 juin 2017 et lui a, en conséquence, fait obligation de quitter le territoire. Il ne s'est donc pas prononcé sur son droit au séjour en conséquence de l'annulation, par le jugement du 21 mars 2018 cité au point précédent, de son arrêté du 24 janvier 2018 obligeant l'intéressée à quitter le territoire mais pour statuer sur cette demande du 20 juin 2017. L'autorité de la chose jugée s'attachant à ce jugement du 21 mars 2018 ne faisait, en tout état de cause, pas obstacle à ce que le préfet refuse de délivrer le titre de séjour demandé par la requérante au motif notamment que cette décision ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice s'est borné à enjoindre au préfet de saisir la commission départementale du titre de séjour avant de statuer à nouveau sur sa demande de titre de séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022, où siégeaient :

M. d'Izarn de Villefort, président rapporteur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Quenette, premier conseiller,

- Mme Baizet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2022.

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N° 20MA02228

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02228
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : ROSSLER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-10;20ma02228 ?
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