La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/03/2022 | FRANCE | N°21MA01678

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 10 mars 2022, 21MA01678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 4 mars 2019 par laquelle le maire de la commune de Caille a refusé de faire droit à sa demande d'abrogation du plan local d'urbanisme en tant qu'il classe sa parcelle en zone Npr.

Par un jugement n° 1902044 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 5 mai et 22 septembre 2021, Mme A...,

représentée par Me Burtez-Doucède et Me Reboul, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 4 mars 2019 par laquelle le maire de la commune de Caille a refusé de faire droit à sa demande d'abrogation du plan local d'urbanisme en tant qu'il classe sa parcelle en zone Npr.

Par un jugement n° 1902044 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 5 mai et 22 septembre 2021, Mme A..., représentée par Me Burtez-Doucède et Me Reboul, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mars 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 4 mars 2019 par laquelle le maire de la commune de Caille a refusé de faire droit à sa demande d'abrogation du plan local d'urbanisme en tant qu'il classe sa parcelle en zone Npr ;

3°) d'enjoindre à la commune de Caille d'abroger son plan local d'urbanisme en ce qu'il maintient le classement de sa parcelle en zone Npr, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Caille la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier ;

- le zonage Npr de sa parcelle est illégal ;

- le zonage de sa parcelle démontre une inégalité de traitement vis-à-vis d'autres propriétaires ;

- le classement de sa parcelle est entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 juillet 2021, la commune de Caille, représentée par Me Barbaro, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens d'appel sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Baizet,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Reboul représentant Mme A... et de Me Alesanco substituant Me Barbaro, représentant la commune de Caille.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... relève appel du jugement du 18 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 4 mars 2019 par laquelle le maire de la commune de Caille a refusé de faire droit à sa demande d'abrogation du plan local d'urbanisme en tant qu'il classe sa parcelle en zone Npr.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation du jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort de la minute du jugement communiqué par le tribunal que le jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, celle du rapporteur et celle du greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement notifiée à la commune ne comporte pas la signature des magistrats qui l'ont rendu est sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier, faute d'avoir été signé, manque en fait et doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classées en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1°) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturel, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; 2°) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; 3°) Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4°) Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5°) Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 151-24, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard ". Aux termes de l'article L. 172-1 du même code : " Les directives territoriales d'aménagement approuvées avant le 13 juillet 2010 restent en vigueur. Elles sont soumises aux dispositions des articles L. 172-2 à L. 172-5. ". Aux termes de l'article L. 172-2 du même code dans sa version applicable : " Les directives territoriales d'aménagement conservent les effets suivants : (...) 2° Les dispositions des directives territoriales d'aménagement qui précisent les modalités d'application des dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues aux chapitres Ier et II du titre II du présent livre s'appliquent aux personnes et opérations qui y sont mentionnées. ". Enfin selon l'article L. 145-7 du même code, en vigueur lors de l'approbation de la Directive Territoriale d'Aménagement des Alpes Maritimes : " I. - Les directives territoriales d'aménagement prévues par l'article L. 111-1-1 prises en application du présent chapitre peuvent être établies sur tout ou partie des massifs définis à l'article 5 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 précitée et peuvent : 2° Désigner les espaces, paysages et milieux les plus remarquables du patrimoine naturel et culturel montagnard, notamment les gorges, grottes, glaciers, lacs, tourbières, marais, lieux de pratique de l'alpinisme, de l'escalade et du canoé-kayak, cours d'eau de première catégorie au sens du 10° de l'article 437 du code rural et leurs abords, et définir les modalités de leur préservation (...) ".

5. En outre, il ressort des pièces du dossier et notamment du règlement du plan local d'urbanisme que les auteurs de ce document ont classé en zone naturelle " les espaces naturels qu'il convient de protéger en raison notamment de la qualité des sites et des paysages et de la valeur des boisements " et ont délimité un sous-secteur " pr ", zone naturelle protégée, correspondant " aux espaces naturels de Caille soit protégés au titre de la loi Montagne et de la Directive territoriale d'Aménagement des Alpes Maritimes soit présentant un intérêt écologique notable. Elle peut être soumise localement à des risques d'éboulement, d'affaissement et de mouvement de terrains (...) ". Egalement, il ressort du rapport de présentation du plan local d'urbanisme que " les zones UD reclassent les zones urbanisées des zones NB du POS " et que le " PLU prend soin de réserver à la zone naturelle les secteurs non bâtis ".

6. Pour contester le classement de sa parcelle en zone Npr, Mme A... ne peut utilement soutenir que son terrain aurait dû être classé en zone urbaine ou que d'autres parcelles, présentant des caractéristiques similaires notamment en termes de risques, seraient classées en zone urbaine. Mme A... ne peut pas plus se prévaloir de la circonstance que sa parcelle ne serait pas soumise à des risques d'éboulement, d'affaissement et de mouvement de terrains dès lors que, si la zone Npr peut concerner des terrains soumis à de tels risques, cette exposition aux risques n'est pas un critère de classement. Enfin, Mme A... ne saurait également se prévaloir de la circonstance que sa parcelle ne serait pas grevée d'un espace boisé classé (EBC) alors que selon elle 96 % de la zone Npr serait grevée d'EBC, dès lors qu'il ressort de l'extrait du rapport de présentation produit par Mme A... que si la zone Npr repère les boisements remarquables et que le zonage du classement a été " doublé par un repérage des boisements par le biais d'EBC ", ce classement en EBC n'est pas un critère de classement en zone Npr.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la parcelle de Mme A..., cadastrée A 48, d'une superficie de 9 930 m², est située entre deux zones d'habitat extrêmement diffus classées en zone UD, prolongée par une zone agricole remarquable classée Apr au sud, et dans le prolongement d'une zone naturelle très boisée classée en zone Npr au nord. La carte d'orientation du PADD produit par Mme A... n'a pas vocation à préciser de zonages à la parcelle et si le secteur est concerné par une " poche d'urbanisation diffuse ", l'étude produite par Mme A... rappelle que le PADD a pour objectif n° 1 notamment de " réduire la progression de l'urbanisation diffuse fortement consommatrice d'espace ". En outre comme il a été dit au point 5, le rapport de présentation rappelle que le " PLU prend soin de réserver à la zone naturelle les secteurs non bâtis ". Il ressort des pièces du dossier, notamment de la vue aérienne produite par la requérante dans ses écritures de première instance que la parcelle est à l'état naturel et présente quelques boisements, notamment sur son pourtour nord. Dans ces conditions, la parcelle étant à l'état naturel et dans le prolongement de la vaste zone naturelle boisée située au nord, malgré la présence d'une route et d'une urbanisation diffuse à l'est et à l'ouest, le classement en zone naturelle n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

8. Toutefois, s'agissant du classement en sous-secteur " pr ", correspondant aux espaces naturels protégés, les auteurs du plan local d'urbanisme ont décidé, comme il a été dit au point 5 du présent arrêt, de classer dans ce sous-secteur les espaces " protégés au titre de la loi Montagne et de la Directive Territoriale d'Aménagement des Alpes Maritimes " ainsi que les espaces " présentant un intérêt écologique notable ".

9. D'une part, la commune de Caille n'apporte aucun élément de nature à établir que la parcelle de Mme A... présenterait un intérêt écologique notable, alors que cette parcelle est faiblement boisée, contrairement à la vaste zone naturelle boisée située au nord.

10. D'autre part, la Directive Territoriale d'Aménagement des Alpes-Maritimes approuvée par décret n° 2003-1169 du 2 décembre 2003, accessible tant au juge qu'aux parties sur le site internet de la préfecture des Alpes-Maritimes, précise pour l'application de la loi montagne, pour les communes classées dans le secteur du " haut pays ", que : " III.23 Les modalités d'application de la " loi montagne ". III-231 Les espaces, paysages et milieux les plus remarquables du patrimoine naturel et culturel montagnard (...) Rappel du texte de loi : L'article L. 145-7-1-2 du code de l'urbanisme dispose que les directives territoriales d'aménagement peuvent désigner les espaces paysages et milieux les plus remarquables du patrimoine naturel et cultuel montagnard. Champ d'application : divers critères, parmi lesquels on peut citer la diversité et la richesse des écosystèmes et des paysages, la variété d'espèces, flore ou faune, le caractère typique et la notoriété de certains sites ou espaces, ont permis de désigner les espaces, paysages et milieux les plus remarquables suivants : (...) plaines et plateaux : (...) la plaine agricole de Caille. ". La carte représentant ces espaces remarquables localise précisément cette plaine agricole. La parcelle de Mme A... n'est pas située dans la plaine agricole de Caille, seul espace remarquable identifié et localisé par la DTA, peu important à cet égard la circonstance, à la supposer établie, que la parcelle ne serait pas en continuité de l'urbanisation au sens de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme. La parcelle en litige ne fait pas non plus partie des " espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et montagnard " précisément définis à l'article III-232 de la DTA pour l'application de l'article L. 145-3-II du code de l'urbanisme devenu L. 122-9, ni enfin des " espaces agricoles et pastoraux à préserver " définis à l'article III-233 de la DTA. Dans ces conditions, Mme A... est seulement fondée à soutenir que le classement de sa parcelle dans le sous-secteur " pr " est entaché d'illégalité.

11. En deuxième lieu, il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes ainsi que des zones inconstructibles. Dès lors que le classement de la parcelle en litige en zone naturelle n'est pas entaché d'illégalité, le moyen selon lequel il porterait atteinte au principe d'égalité devant la loi en ce que d'autres secteurs, qui selon Mme A... présenteraient des caractéristiques similaires, sont classés en zone UD, ne saurait être accueilli.

12. En troisième lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, le classement de la parcelle de Mme A... en zone naturelle n'est pas entaché d'illégalité. La seule illégalité entachant le classement dans le sous-secteur " pr " ne permet pas d'établir le détournement de pouvoir allégué.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que la décision par laquelle la commune Caille a refusé de faire droit à sa demande d'abrogation du plan local d'urbanisme est illégale en tant qu'elle a refusé d'abroger le classement de la parcelle A 48 dans le sous-secteur " pr ". Par suite, elle est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande dans son intégralité.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

14. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au maire de la commune de Caille de saisir le conseil municipal afin qu'il statue sur la demande d'abrogation du classement de la parcelle A 48 dans le sous-secteur " pr " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu toutefois d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

15. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de laisser à chaque partie la charge des frais exposés sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La décision du 4 mars 2019 est annulée en tant seulement que le maire de la commune de Caille a refusé de faire droit à la demande de Mme A... d'abrogation du classement la parcelle cadastrée A 48 en sous-secteur " pr ".

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mars 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Caille de saisir le conseil municipal afin qu'il statue sur la demande d'abrogation du classement de la parcelle A 48 dans le sous-secteur " pr " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Caille.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022 où siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Quenette, premier conseiller,

- Mme Baizet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2022

2

N° 21MA01678

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01678
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Certificat d'urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : SCP BERENGER - BLANC - BURTEZ - DOUCEDE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-10;21ma01678 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award