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15/03/2022 | FRANCE | N°19MA01853

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 mars 2022, 19MA01853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Orange a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2017 par lequel le maire d'Elne a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'installation d'une station relais de téléphonie mobile sur un terrain situé au lieu-dit " La Feixa ".

Par un jugement n° 1800225 du 19 février 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 1

9 avril 2019, le 2 avril 2020, le 10 avril 2020 et le 15 juin 2020, la société Orange, représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Orange a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2017 par lequel le maire d'Elne a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'installation d'une station relais de téléphonie mobile sur un terrain situé au lieu-dit " La Feixa ".

Par un jugement n° 1800225 du 19 février 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 19 avril 2019, le 2 avril 2020, le 10 avril 2020 et le 15 juin 2020, la société Orange, représentée par Me Gentilhomme, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire d'Elne du 27 novembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Elne la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris au vu d'un avis défavorable alors que l'article R. 425-21 du code de l'urbanisme impose une " décision " du préfet ;

- le maire d'Elne, qui ne se trouvait pas en situation de compétence liée pour refuser le permis de construire sollicité, a méconnu l'étendue de sa compétence ;

- l'avis conforme du 2 octobre 2017 a été signé par une autorité incompétente ;

- cet avis conforme défavorable est irrégulier dès lors qu'il est fondé sur les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme d'Elne ;

- cet avis est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors que le projet litigieux ne peut être implanté dans une autre partie du territoire de la commune d'Elne.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 mars, 26 mai et 29 juillet 2020, la commune d'Elne, représentée par Me Bonnet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Orange au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis défavorable du préfet du 2 octobre 2017 étant devenu définitif, la société Orange n'est pas recevable à exciper de son illégalité à l'encontre de l'arrêté contesté ;

- le moyen tiré de ce que le projet litigieux ne pourrait pas être installé ailleurs est inopérant et, en tout état de cause, infondé ;

- les autres moyens invoqués par la société Orange ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le code de justice administrative.

Par une décision du 24 août 2021, la présidente de la cour a désigné M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mouret,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- les observations de Me Guranna, substituant Me Gentilhomme, représentant la société Orange, et celles de Me Bonnet, représentant la commune d'Elne.

Considérant ce qui suit :

1. La société Orange a déposé, le 14 septembre 2017, une demande de permis de construire en vue de l'installation d'une station relais de téléphonie mobile sur une parcelle, cadastrée section AW n° 5, située au lieu-dit " La Feixa " sur le territoire de la commune d'Elne et incluse dans la zone B du plan de surfaces submersibles de la vallée du Tech. Par un arrêté du 27 novembre 2017, le maire d'Elne a refusé de délivrer le permis de construire sollicité en se fondant sur l'avis conforme défavorable émis le 2 octobre 2017 par la direction départementale des territoires et de la mer des Pyrénées-Orientales en application de l'article R. 425-21 du code de l'urbanisme. La société Orange relève appel du jugement du 19 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 422-4 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour statuer sur les demandes de permis (...) recueille l'accord ou l'avis des autorités ou commissions compétentes, notamment dans les cas prévus au chapitre V du titre II du présent livre ". Selon l'article R. 423-51 du même code : " Lorsque le projet porte sur une opération soumise à un régime d'autorisation prévu par une autre législation, l'autorité compétente recueille les accords prévus par le chapitre V du présent titre ". L'article R. 425-21 de ce code dispose que : " Lorsque le projet porte sur une construction située dans un plan de surfaces submersibles valant plan de prévention des risques naturels prévisibles en application de l'article L. 562-6 du code de l'environnement, le permis de construire (...) ne peut intervenir si le préfet, après consultation du service chargé des mesures de défense contre les inondations et du service chargé de la police des cours d'eau, s'y oppose. Si le préfet subordonne son accord au respect de prescriptions nécessaires pour assurer le libre écoulement des eaux ou la conservation des champs d'inondation, la décision doit imposer ces prescriptions ". Il résulte de ces dernières dispositions que, lorsque le projet porte sur une construction située dans le périmètre d'un plan de surfaces submersibles, valant plan de prévention des risques naturels prévisibles, la délivrance d'un permis de construire est subordonnée à l'avis conforme du préfet.

3. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, le terrain d'assiette du projet de la société Orange étant inclus dans la zone B du plan de surfaces submersibles de la vallée du Tech, le préfet des Pyrénées-Orientales a été consulté par le maire d'Elne sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article R. 425-21 du code de l'urbanisme. Contrairement à ce que soutient la société Orange, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que le préfet, saisi sur ce fondement, édicte une " décision ". Ainsi que l'ont estimé les premiers juges au point 7 du jugement attaqué, l'avis défavorable signé le 2 octobre 2017 par le chef du service de l'eau et des risques de la direction départementale des territoires et de la mer des Pyrénées-Orientales doit être regardé comme constituant l'avis conforme défavorable émis par le préfet en application de ces dispositions.

5. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que, contrairement à ce que soutient la société Orange, le maire d'Elne se trouvait, compte tenu du caractère défavorable de l'avis conforme déjà évoqué, en situation de compétence liée pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité par la société Orange. Cette autorité n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en s'appropriant le contenu de cet avis conforme. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la commune d'Elne, la société Orange est recevable à exciper de l'illégalité de cet avis conforme défavorable, ainsi qu'il a été dit au point 3, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté de refus de permis de construire en litige.

6. En troisième lieu, l'article 44 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements précise que les chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département peuvent donner délégation pour signer les actes relatifs aux affaires pour lesquelles ils ont eux-mêmes reçu délégation aux agents placés sous leur autorité. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 25 mars 2013, régulièrement publié le même mois au recueil des actes administratifs spécial n° 26, le préfet des Pyrénées-Orientales a donné délégation à M. C... D..., directeur départemental des territoires et de la mer, à l'effet de signer notamment les " actes et correspondances divers relatifs aux plans de prévention des risques (...) naturels (...) ". L'avis conforme défavorable du 2 octobre 2017 a été signé par M. B... A..., chef du service de l'eau et des risques, lequel disposait en vertu d'une décision du directeur départemental des territoires et de la mer du 4 avril 2014, régulièrement publiée le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 28 et librement consultable sur le site internet de la préfecture, modifiant une précédente décision du 25 mars 2013 régulièrement publiée le même mois au recueil des actes administratifs spécial n° 27, d'une subdélégation de signature à l'effet de signer notamment les actes divers relatifs aux plans de préventions des risques naturels. Les plans de surfaces submersibles valant plans de prévention des risques naturels prévisibles, ainsi que le rappellent les dispositions de l'article R. 425-21 du code de l'urbanisme, M. A... doit être regardé comme ayant été habilité à signer les avis conformes émis sur le fondement de ces dispositions. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'avis conforme défavorable en cause doit être écarté.

7. En quatrième et dernier lieu, l'avis conforme du 2 octobre 2017, qui rappelle que la parcelle d'assiette du projet est incluse dans la zone B du plan de surfaces submersibles de la vallée du Tech, indique que les différentes études hydrauliques relatives à l'aléa " inondation " élaborées en 2006 et 2013 font apparaître des " hauteurs d'eau supérieures à 1 m ". Après avoir précisé que la parcelle en cause " se situe en dehors de la zone urbanisée ", à l'intérieur d'une zone dans laquelle " il ne peut être autorisé que la création d'ouvrages d'équipements collectifs (...) qu'on ne peut implanter ailleurs ", il relève qu'il n'est pas démontré que le projet litigieux ne pourrait être implanté en dehors de la zone inondable.

8. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet avis conforme défavorable serait, ainsi que le soutient la société Orange, fondé sur les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme d'Elne applicables à la zone agricole. Si la règle relative à l'implantation des " ouvrages d'équipements collectifs " énoncée dans l'avis en cause est analogue à celle mentionnée dans le document intitulé " Prise en compte du risque inondation et mouvement de terrain ", il ressort des pièces du dossier que ce document, reproduit dans la partie finale du règlement du plan local d'urbanisme d'Elne, a été élaboré par les services de l'Etat dans le département des Pyrénées-Orientales et non par les auteurs de ce document d'urbanisme communal. La société Orange ne se prévaut d'aucune disposition législative ou réglementaire faisant obstacle à ce que le préfet prenne en compte une telle règle lorsqu'il émet un avis conforme sur le fondement de l'article R. 425-21 du code de l'urbanisme.

9. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Pyrénées-Orientales se serait livré à une interprétation erronée de la règle évoquée au point précédent selon laquelle, dans la zone inondable en cause, seuls sont admis, sous réserve notamment que leur implantation respecte le sens d'écoulement de la crue, les " ouvrages d'équipements collectifs " qui ne peuvent être implantés ailleurs. Si la société Orange soutient que la station relais de téléphonie mobile projetée ne peut être implantée sur un autre terrain que celui sur lequel porte sa demande de permis de construire, dès lors que son projet vise à assurer la jonction des couvertures assurées par les deux pylônes d'ores et déjà installés sur le territoire de la commune d'Elne et que le pylône projeté doit être implanté quasiment dans l'axe de ceux existants, elle ne fait état d'aucun élément technique probant de nature à établir que le projet litigieux ne pourrait être installé sur une parcelle située en dehors de la zone inondable en cause.

10. Eu égard à ce qui a été dit aux deux points précédents, le préfet des Pyrénées-Orientales a pu, sans commettre ni erreur de droit ni erreur d'appréciation, s'opposer au projet litigieux pour les raisons exposées au point 7. La société Orange n'est dès lors pas fondée à exciper de l'illégalité de l'avis conforme défavorable du préfet des Pyrénées-Orientales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Orange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire d'Elne du 27 novembre 2017.

Sur les frais liés au litige :

12. La commune d'Elne n'étant pas partie perdante, les conclusions de la société Orange présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Orange, sur ce fondement, le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune d'Elne au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Orange est rejetée.

Article 2 : La société Orange versera une somme de 2 000 euros à la commune d'Elne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange et à la commune d'Elne.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022.

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N° 19MA01853


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01853
Date de la décision : 15/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL CABINET GENTILHOMME

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-15;19ma01853 ?
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