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22/03/2022 | FRANCE | N°20MA00079

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 22 mars 2022, 20MA00079


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 10 janvier 2017 par laquelle la ministre des solidarités et de la santé lui a refusé l'autorisation d'exercer la profession de médecin dans la spécialité " Cardiologie et maladies vasculaires " et d'enjoindre à la ministre de lui délivrer cette autorisation dans le délai de

trente jours suivant la notification du jugement à intervenir, à défaut de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois et dans ce

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 10 janvier 2017 par laquelle la ministre des solidarités et de la santé lui a refusé l'autorisation d'exercer la profession de médecin dans la spécialité " Cardiologie et maladies vasculaires " et d'enjoindre à la ministre de lui délivrer cette autorisation dans le délai de

trente jours suivant la notification du jugement à intervenir, à défaut de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois et dans cette attente, de lui accorder une autorisation provisoire d'exercice, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de cent euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1801990 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 5 janvier et

29 août 2020, le 26 janvier 2021 et le 28 février 2022, M. A..., représenté par Me Lemoudaa, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du

5 novembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision de la ministre des affaires sociales et de la santé du

10 janvier 2017 lui refusant l'autorisation d'exercer la profession dans la spécialité " Cardiologie et maladies vasculaires " ;

3°) d'enjoindre au ministre des affaires sociales et de la santé de lui délivrer cette autorisation dans le délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois, et dans cette attente de lui accorder une autorisation provisoire d'exercice, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- sa demande de première instance n'est pas tardive ;

- la décision en litige n'est pas suffisamment et correctement motivée, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et n'a pas donné lieu à un examen réel et complet de sa demande, en ce qu'elle se fonde sur le motif erroné que la requérante ne pratique pas la coronarographie ;

- en lui refusant l'autorisation sollicitée, au seul motif de la non-pratique de la coronarographie, la ministre a commis une erreur de droit au regard des dispositions de

l'article L. 4111-2 du code de la santé publique et du paragraphe IV de l'article 83 de la loi

n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, compte tenu de sa formation théorique et de son expérience professionnelle ;

- la décision de refus en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, car il a pratiqué la coronarographie contrairement à ce qu'a considéré la ministre, et sa pratique légale de la médecine cardiologique et vasculaire vaut reconnaissance implicite de sa spécialité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2022, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable car non motivée, se bornant à reprendre les termes de la demande de première instance ;

- les moyens d'appel ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité française, titulaire du diplôme de médecine obtenu à l'Université d'Oran le 20 mars 1985, a demandé pour la première fois en 2012 sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique, l'autorisation d'exercer la médecine dans la spécialité " Cardiologie et maladies vasculaires ", qui lui a été refusée par décision du ministre chargé de la santé du 15 juin 2012, après avis défavorable de la commission compétente pour l'examen des demandes d'autorisation. Une nouvelle demande d'autorisation d'exercer la médecine dans la même spécialité, présentée au titre des mêmes dispositions, a été rejetée par décision du 8 octobre 2015, après avis défavorable de la commission du

18 septembre 2015, assorti de la recommandation d'exercer sa profession dans un nouvel établissement hospitalier pendant une année, au sein d'un service agre´e´ pour la spe´cialite´ et couvrant l'ensemble des champs requis pour l'exercice de la cardiologie. Par décision du

10 janvier 2017, la ministre chargée de la santé a rejeté sa troisième demande d'autorisation d'exercer la spécialité " Cardiologie et maladies vasculaires " présentée au titre du I de

l'article L. 4111-2 du code de la santé publique, après avis défavorable de la commission du

2 décembre 2016, au motif que l'exercice professionnel du candidat au centre hospitalier de Béziers ne couvre pas l'ensemble des champs de la spécialité et en particulier l'activité de coronarographie. Par jugement du 5 novembre 2019, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 4111-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Nul ne peut exercer la profession de médecin (...) s'il n'est : / 1° Titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné aux articles L. 4131-1,

L. 4141-3 ou L. 4151-5 ; / 2° De nationalité française, de citoyenneté andorrane ou ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, du Maroc ou de la Tunisie, sous réserve de l'application, le cas échéant, soit des règles fixées au présent chapitre, soit de celles qui découlent d'engagements internationaux autres que ceux mentionnés au présent chapitre ; / 3° Inscrit à un tableau de l'ordre des médecins (...) sous réserve des dispositions des articles L. 4112-6 et L. 4112-7 ". L'article L. 4111-2 du même code prévoit néanmoins que : " I.- Le ministre chargé de la santé peut, après avis d'une commission comprenant notamment des délégués des conseils nationaux des ordres et des organisations nationales des professions intéressées, choisis par ces organismes, autoriser individuellement à exercer les personnes titulaires d'un diplôme, certificat ou autre titre permettant l'exercice de la profession de médecin, (...) dans le pays d'obtention de ce diplôme, certificat ou titre. / Ces personnes doivent avoir satisfait à des épreuves anonymes de vérification des connaissances, organisées par profession, discipline ou spécialité, et justifier d'un niveau suffisant de maîtrise de la langue française. (...). / Les médecins titulaires d'un diplôme d'études spécialisées obtenu dans le cadre de l'internat à titre étranger sont réputés avoir satisfait aux épreuves de vérification des connaissances prévues au deuxième alinéa du présent I. / Les lauréats, candidats à la profession de médecin, doivent en outre justifier de trois ans de fonctions accomplies dans un service ou organisme agréé pour la formation des internes. Toutefois, les fonctions exercées avant la réussite à ces épreuves peuvent être prises en compte après avis de la commission mentionnée au premier alinéa, dans des conditions fixées par voie réglementaire. (...) / Nul ne peut être candidat plus de trois fois aux épreuves de vérification des connaissances et à l'autorisation d'exercice. ". Les dispositions du I bis du même article prévoient quant à elles que : " Le ministre chargé de la santé peut également, après avis d'une commission composée notamment de professionnels, autoriser individuellement à exercer des ressortissants d'un Etat autre que ceux membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, titulaires des titres de formation obtenus dans l'un de ces Etats et dont l'expérience professionnelle est attestée par tout moyen. Le nombre maximum de candidats susceptibles d'être autorisés à exercer pour chaque profession et, en ce qui concerne la profession de médecin, pour chaque discipline ou spécialité, est fixé par arrêté du ministre chargé de la santé. / Nul ne peut être candidat plus de trois fois à l'autorisation d'exercice ".

3. Les dispositions du I de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique exigent, pour exercer une activité médicale en France, que les personnes titulaires d'un diplôme étranger permettant d'exercer une profession médicale dans le pays d'obtention de leur diplôme ou leur pays d'origine aient satisfait à des épreuves anonymes de vérification des connaissances et justifient d'un niveau suffisant de maîtrise de la langue française, ainsi que de trois ans de fonctions accomplies dans un service ou organisme agréé pour la formation des internes, à l'exception, pour cette condition, des personnes ayant accompli certaines fonctions en milieu hospitalier en pleine responsabilité. Ces dispositions ont donc pour objet, notamment, d'imposer aux lauréats aux épreuves théoriques de vérification des connaissances et de maîtrise de la langue française, candidats à l'exercice de la profession de médecin en France, de justifier de l'exercice pendant trois ans de fonctions hospitalières permettant de vérifier leurs compétences et qualités professionnelles.

4. Premièrement, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus d'autoriser M. A... à exercer la médecine dans la spécialité " Cardiologie et maladies vasculaires ", par adoption du motif retenu à bon droit par les premiers juges, au

point 2 de leur jugement, lesquels ont estimé qu'en tout état de cause, la décision en litige est suffisamment motivée en droit et en fait. Il doit en aller de même du moyen tiré de l'absence d'examen réel et sérieux de sa demande par la ministre chargée de la santé, écarté au point 3 du jugement attaqué.

5. Deuxièmement, pour refuser d'accorder à M. A... l'autorisation d'exercer la profession de médecin dans la spécialité " Cardiologie et maladies vasculaires ", la ministre chargée de la santé s'est fondée, au vu de l'avis défavorable rendu le 2 décembre 2016 par la commission compétente, sur le motif que, contrairement aux recommandations contenues dans la précédente décision de refus du 8 octobre 2015, les fonctions exercées au centre hospitalier de Be´ziers ne couvrent pas " l'ensemble des champs de la spe´cialite´ ...en particulier l'activite´ de coronarographie ". Il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement de cet avis défavorable de la commission, que le centre hospitalier de Béziers, dans lequel M. A... a exercé ses fonctions pendant deux années, ne pratique pas l'examen de coronarographie, lequel n'est possible à proximité qu'au centre hospitalier universitaire de Montpellier où l'intéressé n'exerce pas. Par ailleurs, si M. A... soutient avoir déjà pratiqué ce geste technique, lors de son activité au de´partement de cardiologie et maladies cardio-vasculaires du centre hospitalier universitaire de Nancy entre 1985 et 1989, en se prévalant d'une attestation du 16 mai 2002, selon laquelle il s'était alors formé aux e´tudes e´lectrophysiologique et he´modynamique, ainsi que d'une autre établie le 17 février 2022 par le chef de service de département de cardiologie de ce centre hospitalier universitaire, selon laquelle il a pu découvrir les différents aspects de la cardiologie adulte et pédiatrique, dont l'hémodynamique, il ne ressort ni de ces documents ni des autres pièces du dossier qu'au cours de cette période déjà ancienne, l'apprentissage de l'étude hémodynamique aurait été alors concluant, ni que dans ce cadre, l'intéressé aurait recouru spécifiquement et significativement à la technique coronarographique. La circonstance, postérieure à la décision en litige, que dans le cadre d'une convention inter-établissements, il se forme à la coronarographie est sans incidence sur la légalité de cette décision. En se fondant sur le motif que M. A... ne pratique pas l'activité de coronarographie, la ministre n'a donc pas commis d'erreur de fait.

6. Troisièmement, un tel motif, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'il concerne un des aspects important de la cardiologie, et qui procède de la vérification par l'autorité compétente de la condition d'expérience suffisante dans la spécialité médicale concernée, que posent les dispositions du I de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique, n'est pas entaché d'erreur de droit, alors même que M. A... remplirait par ailleurs les autres conditions énoncées par ce texte pour bénéficier de l'autorisation sollicitée. En retenant le motif que M. A... ne pratique pas l'activité de coronarographie, la ministre chargée de la santé n'a pas non plus méconnu la directive européenne 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne.

7. Quatrièmement, il résulte des dispositions citées au point 2 que la circonstance qu'au cours de sa carrière en France, M. A... a pu pratiquer la médecine dans la spécialité " Cardiologie et maladies vasculaires ", au sein de différents hôpitaux, ne saurait valoir reconnaissance tacite d'une autorisation d'exercer dans cette spécialité.

8. Cinquièmement, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que si, comme il s'en prévaut, M. A... a obtenu en 2011 aux épreuves de connaissance dans la spécialité requise, une moyenne de 12, 65 sur 20, et si l'exercice de ses fonctions au cours des deux années au service de cardiologie du centre hospitalier de Béziers a fait l'objet d'une bonne évaluation, il résulte des points précédents que, malgré les motifs de la précédente décision lui refusant l'autorisation de pratiquer la cardiologie, il n'a pas exercé la médecine dans l'ensemble des champs de cette spécialité au cours de cette période. Il ressort en outre de l'avis défavorable de la commission compétente, rendu après audition de M. A..., que celui-ci préfère pratiquer essentiellement l'échocardiographie sans en détenir le diplôme universitaire ou

inter-universitaire, et n'a pas, antérieurement à son affectation au centre hospitalier de Béziers le 1er juillet 2015, montré une implication et des connaissances suffisantes au service de cardiologie du centre hospitalier de Mâcon. Les explications de M. A... selon lesquelles l'évaluation moyenne qu'il aurait obtenue dans ce précédent poste serait due à la pression à laquelle il aurait été soumis en tant que responsable du service de réanimation cardiaque ne sont corroborées par aucune des pièces du dossier, non plus que ses affirmations suivant lesquelles il aurait été amené à diriger seul, sans le moindre incident, des services de cardiologie dans diffe´rents e´tablissements médicaux. Ainsi, et alors que depuis 2005 jusqu'au jour de la décision en litige, M. A... a occupé près de vingt-quatre postes différents, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que la ministre chargée de la santé a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exercer la médecine dans la spécialité " Cardiologie et maladies vasculaires ". La circonstance, postérieure à cette décision, que M. A... a obtenu, à titre temporaire et dérogatoire, une autorisation d'exercice dans une unité de cardiologie à compter du 14 décembre 2020, sur le fondement des dispositions du décret n° 2020-1017 du 7 août 2020, est sans incidence sur l'appréciation ainsi portée par la ministre sur ses compétences et qualités professionnelles.

9. Enfin, M. A... ne peut utilement se prévaloir, pour demander l'annulation de la décision de refus en litige qui n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation, du fait qu'un autre praticien ayant effectué un stage au centre hospitalier de Béziers a obtenu le

28 mars 2018 l'autorisation d'exercer dans la spécialité " Cardiologie et maladies vasculaires ".

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses prétentions liées aux frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.

N° 20MA000792


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00079
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-02-01 Professions, charges et offices. - Accès aux professions. - Médecins.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : LEMOUDAA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-22;20ma00079 ?
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