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24/03/2022 | FRANCE | N°21MA04637

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 24 mars 2022, 21MA04637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er avril 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2101925 du 24 juin 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté se demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 décembre 202

1, M. B..., représenté par Me Summerfield, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 juin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er avril 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2101925 du 24 juin 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté se demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Summerfield, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 juin 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 1er avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de suspendre la mesure d'éloignement et de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le premier juge a omis de répondre au moyen tiré du détournement de procédure dont procède l'assignation à résidence ;

- alors que le préfet a réexaminé son droit au séjour, l'intérêt de son enfant justifie la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant étranger malade sur le fondement de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- cette circonstance fait également obstacle à l'édiction d'une obligation de quitter le territoire ;

- le cas de force majeure constitué par la fermeture de ses frontières par l'Algérie ne permet pas l'édiction d'une interdiction de retour ;

- le délai de deux ans de cette interdiction est excessif eu égard aux considérations humanitaires dont il justifie ;

- l'assignation à résidence est entachée de détournement de procédure.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de critique du jugement ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'arrêté attaqué, en tant qu'il assigne à résidence le requérant, trouve son fondement légal dans les dispositions du 1° de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui doivent être substituées à celles du 4° de cet article.

Par un mémoire enregistré le 9 mars 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales a présenté des observations en réponse à cette information.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République démocratique et populaire algérienne relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien entré régulièrement en France en janvier 2019 avec son fils mineur, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en faisant valoir sa qualité de parent d'un enfant malade. Par arrêté du 12 mars 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de l'admettre au séjour et a prononcé une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, avant de l'assigner à résidence par arrêtés du 8 juillet 2020, pour la durée de quarante-cinq jours, et du 20 août 2020, pour la même durée. Par arrêté du 1er avril 2021, le préfet lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de six mois. M. B... relève appel du jugement du 24 juin 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. M. B... a soulevé en première instance le moyen tiré du détournement de procédure dont procèderait l'assignation à résidence qu'il conteste, auquel, contrairement à ce qu'il soutient, le premier juge a répondu.

Sur l'interdiction de retour pour une durée de deux ans :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...). ".

4. Si le requérant soutient que le cas de force majeure qui serait constitué par la fermeture de ses frontières par l'Algérie ne permet pas l'édiction d'une interdiction de retour, il est constant qu'il n'a entrepris aucune démarche pour regagner ce pays depuis qu'il a été assigné à résidence. Ce moyen doit donc être écarté.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 12 mars 2020 cité au point 1 avait été pris au vu, notamment de l'avis du collège de médecins, lequel avait estimé, le 17 octobre 2019, que si l'état de sante´ du fils de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravite´, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dont l'intéressé est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, son état de santé lui permettant par ailleurs de voyager sans risque vers son pays d'origine. Le fils du requérant, né le 23 avril 2012, présente un trouble du spectre autistique, se caractérisant par des troubles du comportement, une déficience intellectuelle sévère et une épilepsie. Il a été admis le 24 août 2020 dans un établissement médico-éducatif où il bénéficie d'un accompagnement pédagogique, éducatif et thérapeutique. Si M. B... insiste sur les progrès effectués par son enfant depuis son admission dans cet établissement et fait valoir, d'une part, en produisant un certificat établi par un médecin algérien, qu'une prise en charge pluri-disciplinaire ne serait pas possible en Algérie, d'autre part, que la recherche de soins adaptés pour son fils serait à l'origine de l'abandon de son emploi de policier dans son pays d'origine et de sa venue en France, ces circonstances ne démontrent pas l'impossibilité d'une prise en charge appropriée en Algérie, où résident l'épouse du requérant et leurs deux autres enfants. Dès lors, en dépit de la production par le requérant d'une promesse d'embauche et d'attestations portant sur ses activités bénévoles, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant une interdiction de retour, en l'absence de circonstances humanitaires justifiant qu'il s'abstienne sur ce point, et en en fixant la durée à deux ans. Pour le même motif, le préfet n'a pas davantage méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

6. Le requérant ne conteste pas le motif du jugement attaqué selon lequel il ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions en annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, l'illégalité de l'arrêté du 12 mars 2020 portant refus d'admission au séjour et prononçant une obligation de quitter le territoire français dès lors que cet arrêté, à caractère non règlementaire, est devenu définitif faute d'avoir été contesté dans le délai de recours contentieux.

7. Il résulte, il est vrai, des motifs de l'arrêté attaqué que le préfet a relevé que, depuis la notification de la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. B... par son arrêté du 12 mars 2020, ce dernier n'avait fait valoir aucun élément nouveau, de fait ou de droit, de nature à justifier l'attribution de plein droit ou non, d'un titre de séjour en application des dispositions de l'accord franco-algérien ou du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cette circonstance n'interdit pas au préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, de délivrer à ces ressortissants une autorisation provisoire de séjour ayant un tel objet. M. B..., ressortissant algérien n'est donc pas fondé à soutenir que la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en cette qualité serait de plein droit et ferait obstacle, selon lui à ce qu'il puisse faire l'objet d'une interdiction de retour.

Sur l'assignation à résidence pour une durée de six mois :

8. Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré ; (...) 4° Si l'étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction de retour ou d'une interdiction de circulation sur le territoire français (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. (...) Par exception : / a) Dans le cas prévu au 4° du présent article, la décision d'assignation à résidence peut être renouvelée tant que l'interdiction de retour ou l'interdiction de circulation sur le territoire français demeure exécutoire ; (...) ". Aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...). ".

9. Il est constant que M. B..., qui n'a pas quitté le territoire national à la suite de l'obligation en ce sens prononcée par l'arrêté du 12 mars 2020, ne fait pas l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en exécution de l'interdiction de retour prononcée par l'arrêté attaqué du 1er avril 2021. Il n'entre donc pas dans le champ d'application du 4° de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Néanmoins, l'assignation à résidence également décidée par l'arrêté du 1er avril 2021 trouve son fondement légal dans les dispositions du 1° de l'article L. 561-1 qui peuvent être substituées à celles du 4°, dès lors que le délai de départ volontaire d'un mois accordé à M. B... par l'arrêté du 12 mars 2020 pour quitter le territoire était expiré. Cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.

10. La circonstance que l'arrêté attaqué constate que la condition prévue par l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour assigner à résidence un étranger tenant à ce que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable, ne révèle pas, cette condition étant également prévue par l'article L. 561-1, que le préfet aurait entendu prononcer cette mesure sur le fondement de l'article L. 561-1 en se soustrayant à la condition de délai prévue au 5° de l'article L. 561-2. Par suite, le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Pyrénées-Orientales, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Summerfield et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2022.

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N° 21MA04637

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04637
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-24;21ma04637 ?
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