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05/04/2022 | FRANCE | N°20MA01169

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 05 avril 2022, 20MA01169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 6 février 2019 par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a retiré son agrément de policier municipal ainsi que la décision du 11 avril 2019 portant rejet de son recours gracieux formé le 8 avril 2019.

Par un jugement n° 1904654 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la Cour :>
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2020 et un mémoire enregistré le 18 mars 2022, M. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 6 février 2019 par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a retiré son agrément de policier municipal ainsi que la décision du 11 avril 2019 portant rejet de son recours gracieux formé le 8 avril 2019.

Par un jugement n° 1904654 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2020 et un mémoire enregistré le 18 mars 2022, M. B..., représenté par Me Susini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 décembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 6 février 2019 par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a retiré son agrément de policier municipal ainsi que la décision du 11 avril 2019 portant rejet de son recours gracieux formé le

8 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au procureur de la République près du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence de lui délivrer l'agrément visé à l'article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenus la succession de mesures disciplinaires prises à son encontre depuis 2016 pour rejeter sa demande ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- en 32 ans de service, sa manière de servir n'a appelé aucune réserve.

Par un mémoire enregistré le 16 mars 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Loi dite loi Le Pors.

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Susini, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté par la commune de ... le 2 juillet 1996 en qualité de policier municipal au grade de gardien municipal, puis, à compter du 1er juin 2001, comme brigadier-chef principal. Il a exercé ensuite les fonctions de chef de poste à compter du 5 octobre 2011. Par arrêté du 24 juillet 2015, il a été nommé sur le poste de chef de service de la police municipale à compter du 1er août 2015, dans le grade de chef de service de police municipale stagiaire. M. B... a été suspendu de ses fonctions par un arrêté du 24 mars 2016. Par arrêté du 6 juin 2016, le maire de la commune de ... a refusé de le titulariser dans le grade de chef de service de police municipale. Par un arrêté du 20 mars 2017, le maire a prononcé à l'encontre de M. B... la sanction d'exclusion temporaire de deux ans sans sursis. Par une décision du 6 février 2019, le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, saisi par M. B... d'une demande d'agrément et par le maire de la commune de ... d'une demande de retrait d'agrément, a prononcé, sur le fondement de l'article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure, le retrait de l'agrément de l'intéressé en qualité d'agent de police municipale. Par un courrier du 8 avril 2019, M. B... a formé un recours gracieux contre cette décision. Ce recours a été rejeté le 11 avril suivant. M. B... demande au tribunal d'annuler la décision du 6 février 2019 ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux. M. B... relève appel du jugement du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Marseille qui rejette sa requête dirigée contre la décision du

6 février 2019 par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a retiré son agrément d'agent de police municipale ainsi que la décision du 11 avril 2019, portant rejet de son recours gracieux formé le 8 avril 2019.

Sur la régularité du jugement :

2. M. B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation dès lors que le tribunal s'est fondé sur des témoignages douteux pour retenir que les faits de consommation d'alcool et de tolérance de cette consommation sur le lieu de service qui lui sont reprochés sont établis. Toutefois, les premiers juges ont énoncé de manière suffisamment précise les motifs de droit et de fait sur lesquels ils se sont fondés pour rejeter le recours, en particulier, par le point 4 de leur jugement, qui relève qu'" il ressort des témoignages circonstanciés et concordants des huit agents du service de la police municipale, que l'intéressé a consommé de l'alcool et en a toléré la consommation dans les locaux du poste de police pendant les heures de service ". La circonstance que la motivation du jugement révélerait que le tribunal aurait commis des erreurs d'appréciation ou dénaturé les pièces et arguments présentés, se rattache au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur les conclusions d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 512-2 du code de la sécurité intérieure : " Les fonctions d'agent de police municipale ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux recrutés à cet effet dans les conditions fixées par les statuts particuliers prévus à l'article 6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Ils sont nommés par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, agréés par le représentant de l'Etat dans le département et le procureur de la République, puis assermentés. Cet agrément et cette assermentation restent valables tant qu'ils continuent d'exercer des fonctions d'agents de police municipale. En cas de recrutement par une commune ou un établissement de coopération intercommunale situé sur le ressort d'un autre tribunal de grande instance, les procureurs de la République compétents au titre de l'ancien et du nouveau lieu d'exercice des fonctions sont avisés sans délai. L'agrément peut être retiré ou suspendu par le représentant de l'Etat ou le procureur de la République après consultation du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale. Toutefois, en cas d'urgence, l'agrément peut être suspendu par le procureur de la République sans qu'il soit procédé à cette consultation. ".

4. Il résulte de l'application des dispositions mentionnées au point 3 que l'agrément accordé à un policier municipal par le procureur de la République peut légalement être retiré lorsque l'agent ne présente plus les garanties d'honorabilité auxquelles est subordonnée sa délivrance. L'honorabilité d'un agent de police municipale, nécessaire à l'exercice de ses fonctions, dépend notamment de la confiance qu'il peut inspirer, de sa fiabilité et de son crédit.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par une décision du

18 août 2016, le procureur de la République a considéré que l'agrément dans les fonctions d'agent de police municipale délivré le 6 septembre 1996 à M. B... était devenu " nul et non avenu " du fait de sa révocation. Toutefois, cette révocation a été annulée, et le maire de la commune de ... a, le 20 mars 2017, prononcé uniquement à l'encontre de l'intéressé une sanction d'exclusion temporaire de deux ans. Il en résulte que le premier retrait d'agrément prononcé sur la base d'une décision de révocation annulée prise au regard d'un avis du conseil de discipline qui a rétroactivement disparu, a lui-même nécessairement disparu de l'ordonnancement juridique à la date du 6 février 2019 de la décision par laquelle le procureur de la République a retiré à nouveau l'agrément de l'intéressé en qualité d'agent de police municipale, et à celle du 11 avril 2019 où cette décision a été confirmée par le rejet du recours gracieux du requérant. Ainsi, d'une part, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le procureur de la République s'est prononcé sur le retrait d'un agrément inexistant. D'autre part, le requérant n'est pas non plus fondé à faire valoir que le procureur de la République, qui a également visé sa demande d'agrément, s'est prononcé à tort sur le maintien de cet agrément.

6. En second lieu, pour retirer à M. B... l'agrément qui lui avait été délivré le

6 septembre 1996, le procureur de la République près le tribunal de grande instance

d'Aix-en-Provence, après avoir visé l'ensemble des procédures disciplinaires engagées contre

M. B..., s'est fondé, sur l'altération de la confiance nécessaire entre un agent de la police municipale et son maire, ainsi que sur l'avis du 14 octobre 2016 du conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur qui retient contre l'intéressé deux griefs, tirés de ce qu'il a toléré une consommation d'alcool dans les locaux de la police municipale pendant les heures de service, et de ce qu'il a sciemment couvert des pratiques portant atteinte à la dignité de fonctions de certains policiers municipaux, en tenant des propos déplacés par l'utilisation de surnoms dévalorisants et en pratiquant des photomontages.

7. Premièrement, comme l'indiquent les énonciations du point 5 du jugement attaqué, les mesures disciplinaires engagées depuis 2016 contre l'intéressé, qui soit avaient été retirées, soit annulées à la date des décisions attaquées " ne sauraient révéler, par elles-mêmes, une altération du lien de confiance entre le maire et le requérant justifiant le retrait d'agrément de policier municipal ".

8. Deuxièmement, les premiers juges ont considéré que le procureur de la République aurait pris la même décision de retrait d'agrément au vu des seuls manquements de l'intéressé liés à la tolérance d'une consommation d'alcool au poste de police municipale et des atteintes à la dignité des fonctionnaires placés sous son autorité. Il ressort des pièces du dossier que le conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a estimé, dans son avis du 14 octobre 2016, que la matérialité des griefs de consommation d'alcool et de tolérance de cette consommation au sein du service, ainsi que des pratiques portant atteinte à la dignité des fonctions de policier municipal, était établie, ce que conteste M. B....

9. D'une part, il résulte des témoignages concordants de sept agents sur les neuf auditionnés lors de l'enquête interne diligentée par le maire de la commune de ..., qui sont suffisamment précis et concordants, que M. B..., qui est devenu chef de poste en 2011, a toléré la consommation d'alcool durant les heures de service dans le local du poste de police municipale durant plusieurs années. M. B... a reconnu cette consommation d'alcool devant le conseil de discipline en la minimisant au motif qu'elle s'est déroulée de manière occasionnelle et dans un cadre festif. Dans ces conditions, les arguments de M. B... tirés de ce que ce n'est pas l'ensemble des agents du poste de police municipale qui font état de cette pratique mais seulement sept agents, que certains témoignages seraient motivés par une rancune à son endroit pour avoir reprochés à ces agents des comportements répréhensibles, qu'il est l'auteur de notes de service portant des consignes strictes sur l'interdiction de consommer de l'alcool en service, et que la période durant laquelle cette pratique a été observée n'est pas strictement définie, ne contredisent pas sérieusement la réalité des faits de consommation d'alcool et de tolérance de cette consommation au sein du service.

10. D'autre part, il résulte également des termes du rapport circonstancié diligenté par le maire de la commune de ..., que M. B... a tenu des propos déplacés et vulgaires aux agents placés sous son autorité, sur les habitants de la commune, ainsi que sur certains membres du conseil municipal, et qu'il a donné des surnoms dégradants à certains fonctionnaires de la police municipale, qu'il a placardé des photos-montages outranciers dans les locaux du poste de police municipale, et qu'il s'est servi des images d'une vidéo surveillance pour décrédibiliser un policier municipal vis-à-vis du maire et du directeur général des services de la commune. Dans ces conditions, si M. B... fait valoir que le climat au sein du service de la police municipale était délétère et produit des témoignages favorables en sa faveur, les faits reprochés portant atteinte à la dignité des fonctions de policier municipal doivent être regardés comme établis.

11. Il résulte de ce qui vient d'être dit, que le procureur de la République qui s'est fondé sur des faits établis de tolérance de consommation d'alcool et de dénigrement de fonctionnaires au sein du poste de police municipale de la commune de ..., aurait pris la même décision de retrait d'agrément au vu de ces seuls motifs, qui ne sont entachés ni d'erreur de fait, ni d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation, en considérant que M. B... ne présentait plus, alors même qu'il aurait donné satisfaction dans son service auprès de cette commune jusqu'en 2015, les garanties requises d'honorabilité auxquelles est subordonnée la délivrance de l'agrément.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en annulation de la décision du 6 février 2019 par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a retiré son agrément d'agent de police municipale ainsi que de la décision du 11 avril 2019, portant rejet de son recours gracieux formé le 8 avril 2019.

Sur les conclusions en injonction :

13. Compte tenu du rejet des conclusions en annulation présentées par M. B... contre la décision de retrait d'agrément, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au procureur de la République près du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence de lui délivrer l'agrément visé à l'article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure, ne peuvent être que rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante, la somme que

M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, et à la commune de ....

Délibéré après l'audience du 22 mars 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 5 avril 2022.

2

N° 20MA01169


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01169
Date de la décision : 05/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-02-002 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Statuts spéciaux. - Personnels de police (voir : Police administrative).


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP AMIEL-SUSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-04-05;20ma01169 ?
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