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14/04/2022 | FRANCE | N°20MA02675

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 14 avril 2022, 20MA02675


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le numéro 1903324, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) a demandé au tribunal administratif de Montreuil, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Montpellier, d'annuler le titre exécutoire n° 319 d'un montant de 30 631,25 euros émis à son encontre le 22 mai 2018 par le directeur de l'office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), et de la décharger du paiement de cette somme.

Sous le numéro 1902770,

la SHAM a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le numéro 1903324, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) a demandé au tribunal administratif de Montreuil, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Montpellier, d'annuler le titre exécutoire n° 319 d'un montant de 30 631,25 euros émis à son encontre le 22 mai 2018 par le directeur de l'office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), et de la décharger du paiement de cette somme.

Sous le numéro 1902770, la SHAM a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exécutoire n° 370 d'un montant de 12 801,50 euros émis à son encontre le 19 mars 2019 par le directeur de l'ONIAM, et de la décharger du paiement de cette somme.

Par un jugement n° 1902770, 1903324 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes, et a condamné la SHAM à verser à l'ONIAM la somme de 6 514,91 euros en application du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 août 2020, le 2 octobre 2020, et le 23 avril 2021, la SHAM, représentée par Me Le Prado, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 juin 2020 ;

2°) d'annuler les titres exécutoires nos 319 et 370 émis à son encontre par le directeur de l'ONIAM ;

3°) de la décharger du paiement des sommes de 30 631,25 euros et 12 801,50 euros ;

4°) de rejeter les demandes de l'ONIAM ;

5°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;

- le titre exécutoire du 19 mars 2019 ne satisfait pas aux exigences de motivation de l'alinéa 1er de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, applicable en vertu de l'article R. 1142-53 du code de la santé publique, en ce qu'il ne mentionne pas les nom, prénom et qualité de son signataire ;

- le déficit fonctionnel permanent du jeune A... ne pouvant être inférieur à 25%, il revient à l'ONIAM de prendre en charge la réparation de ses préjudices au titre de la solidarité nationale en application de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, indépendamment de la date de consolidation de l'état de santé de A... ;

- il n'y avait pas lieu de déclarer le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault ;

- son refus de proposer une offre d'indemnisation étant fondé, dès lors que le préjudice excèdera le seuil de gravité justifiant une prise en charge au titre de la solidarité nationale, il n'y avait pas lieu de la condamner au paiement de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, et encore moins de fixer cette pénalité à 15% de la réparation allouée aux parents D... A....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 février et 28 avril 2021, l'ONIAM, représenté par la SELARL Birot-Ravaut et associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la SHAM ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- de condamner la SHAM au paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 30 631,25 euros à compter du 29 juin 2018, avec capitalisation des intérêts par période annuelle sur les sommes dues ;

- de condamner la SHAM au paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 12 801,50 euros à compter du 29 mars 2019, avec capitalisation des intérêts par période annuelle sur les sommes dues ;

- de condamner la SHAM à lui régler la somme de 2 267,72 euros en remboursement des honoraires de l'expert ;

3°) de confirmer le jugement pour le surplus, notamment en ce qu'il a déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault et en ce que l'ONIAM est fondé à solliciter à titre reconventionnel la condamnation de la SHAM à lui verser la somme de 6 514,91 à titre de pénalité en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ;

4°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour annulerait les titres pour un motif de forme, de rejeter la demande de décharge formulée par la SHAM et de la condamner au paiement des sommes de 30 631,25 euros et de 12 801,50 euros ;

5°) de mettre à la charge de la SHAM une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le directeur de l'ONIAM a la possibilité d'émettre des titres exécutoires afin de recouvrer les créances subrogatoires de l'Office, ce qui n'est plus contesté par la SHAM ;

- en l'absence de consolidation de l'état de santé de A..., le préjudice lié à l'atteinte à son intégrité n'est que temporaire et insusceptible de susciter à lui seul l'intervention de la solidarité nationale, par suite, l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique n'a pas vocation à s'appliquer et la réparation des préjudices incombe à la SHAM ;

- le titre exécutoire du 19 mars 2019 mentionne de façon exacte le nom de l'auteur de l'acte ;

- la jurisprudence dont se prévaut la SHAM en matière de régularité formelle des titres exécutoires n'est applicable qu'aux établissements publics des collectivités territoriales ;

- les garanties formelles imposées à l'administration par la loi du 12 avril 2000 dont est issu l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ne sont pas nécessaires en ce qui concerne la relation entre l'ONIAM et les assureurs ;

- dans la mesure où l'ordre à recouvrer mentionnait bien le nom, prénom, qualité et la signature de M. B... qui dispose d'une délégation de signature régulièrement publiée, la SHAM n'a été privée d'aucune garantie ;

- l'indemnisation des préjudices à hauteur de 30 631,25 euros et de 12 801,50 euros est justifiée par l'application du référentiel indicatif de l'ONIAM actualisé au 1er janvier 2018 ;

- dans l'hypothèse où les titres en litige seraient annulés pour un motif de régularité, la SHAM sera condamnée au paiement des sommes objets des titres annulés ;

- la SHAM ayant refusé de ne pas faire d'offre aux consorts C..., la pénalité de 15% du montant des sommes dues lui sera appliquée, en vertu de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ;

- la SHAM doit être condamnée au paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 30 631,25 euros à compter du 29 juin 2018 et capitalisation le 30 juin 2019, et sur la somme de 12 801,56 euros à compter du 29 mars 2019 et capitalisation le 30 mars 2020 ;

- dès lors que les frais d'expertise n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire, ils peuvent être réclamés quelque soit l'instance ;

- c'est à juste titre que le tribunal a déclaré le jugement opposable à la CPAM de l'Hérault.

La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault qui n'a pas produit d'observations.

La clôture de l'instruction a été fixée au 3 juin 2021, par application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du même jour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- les conclusions de M. Gautron,

- et les observations de Me Ravaut, représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. La SHAM relève appel du jugement du 22 juin 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation du titre exécutoire n° 319 du 22 mai 2018 d'un montant de 30 631,25 euros émis à son encontre par le directeur de l'ONIAM et à la décharge de l'obligation de payer cette somme, et, d'autre part, à l'annulation du titre exécutoire n° 370 du 19 mars 2019 d'un montant de 12 801,50 euros émis par le directeur de l'ONIAM et à la décharge de l'obligation de payer cette somme. Par la voie de l'appel incident, l'ONIAM demande à la cour de condamner la SHAM d'une part, au paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 30 631,25 euros à compter du 29 juin 2018, avec capitalisation des intérêts par période annuelle sur les sommes dues et au paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 12 801,50 euros à compter du 29 mars 2019, avec capitalisation des intérêts par période annuelle sur les sommes dues et, d'autre part, à lui payer la somme de 2 267,72 euros en remboursement des honoraires de l'expert. Il demande également la condamnation de la SHAM à lui verser la somme de 6 514,91 euros à titre de pénalité en application des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. L'ONIAM demande à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour annulerait les titres pour un motif de forme, de rejeter la demande de décharge formulée par la SHAM et de la condamner au paiement des sommes de 30 631,25 euros et de 12 801,50 euros.

Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement attaqué et des titres exécutoires contestés :

2. L'enfant A... C..., né le 20 juillet 2011 au centre hospitalier d'Alès, atteint de malformation digestive, a été pris en charge dans le service pédiatrique du CHU de Montpellier le 27 juillet 2011, où il a été opéré en urgence. Il a présenté le 1er août 2011 un choc septique sévère qui a provoqué, ainsi que l'a révélé l'échographie du 8 août 2011, une ischémie cérébrale secondaire à un hypodébit cérébral. Les expertises effectuées à la demande de la CRCI ont établi que ce choc septique est en lien avec une infection nosocomiale à Morganella morganii apparue dans les suites de l'intervention du 27 juillet 2011, ce qui n'est pas contesté par les parties. La réparation des préjudices en lien avec cette infection nosocomiale a fait l'objet de deux protocoles d'indemnisation transactionnelle provisionnelle signés les 3 décembre 2016 et 29 octobre 2018, pour des montants respectifs de 30 631,25 euros et de 12 801,50 euros, entre l'ONIAM et les représentants légaux de l'enfant A.... Le directeur de l'ONIAM, exerçant une action subrogatoire, a émis les 22 mai 2018 et 19 mars 2019 deux titres exécutoires à l'encontre de la SHAM aux fins d'obtenir le remboursement des sommes versées aux représentants légaux de A....

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. (...) ". Et aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'article L.1142-1-1 du code de la santé publique a instauré un régime de réparation distinct de celui prévu par les dispositions du I de l'article L.1142-1, en prévoyant que tous les dommages résultant d'infections nosocomiales ayant entraîné soit un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25%, soit le décès du malade, ouvraient droit à réparation au titre de la solidarité nationale.

5. Pour soutenir que le taux de déficit fonctionnel permanent dont A... sera atteint est susceptible d'être abaissé sous le seuil de 25 % lorsque son état de santé sera consolidé aux environs de son 18ème anniversaire, l'ONIAM se prévaut de ce que le taux de déficit fonctionnel temporaire partiel de cet enfant, évalué à 75% jusqu'au 15 avril 2014, a été réduit à 45% entre cette dernière date et le 22 janvier 2018 et de ce que le dernier expert qui l'a examiné a relevé que son état était " susceptible de modification en amélioration ". Il résulte cependant de l'instruction et notamment des conclusions de la première expertise, non contredites par les expertises suivantes, selon lesquelles le taux de déficit fonctionnel définitif serait de 45% que, eu égard aux séquelles neurologiques irréversibles, consistant en une hémiparésie gauche, dont il est atteint, le taux de déficit fonctionnel permanent de A... ne pourra être inférieur au taux à partir duquel, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L.1142-1-1 du code de la santé publique, l'ONIAM doit supporter la charge de l'indemnisation des victimes d'une infection nosocomiale.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que la SHAM est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

7. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions reconventionnelles présentées par l'ONIAM devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur les conclusions reconventionnelles présentées en première instance par l'ONIAM :

8. Eu égard à ce qui a été dit au point 5, l'ONIAM n'est fondé à demander ni le bénéfice des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ni le remboursement des frais des expertises qu'il a ordonnées. Ses conclusions tendant à de telles fins doivent, par suite, être rejetées.

Sur la déclaration d'arrêt commun :

9. Il y a lieu de déclarer le présent arrêt commun à la CPAM de l'Hérault qui, régulièrement mise en cause dans la présente instance, n'a pas produit de mémoire.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SHAM, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande l'ONIAM au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros à verser à la SHAM.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 juin 2020 est annulé.

Article 2 : Le titre exécutoire n° 319 du 22 mai 2018 d'un montant de 30 631,25 euros et le titre exécutoire n° 370 du 19 mars 2019 d'un montant de 12 801,50 euros sont annulés, et la SHAM est déchargée du paiement des sommes correspondantes.

Article 3 : Les conclusions présentées à titre reconventionnel par l'ONIAM devant le tribunal administratif de Montpellier sont rejetées.

Article 4 : L'ONIAM versera à la SHAM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à l'office national de l'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2022 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Sanson, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 avril 2022.

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N° 20MA02675

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02675
Date de la décision : 14/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELARL BIROT - MICHAUD - RAVAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-04-14;20ma02675 ?
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